GRAY Rafael

Discipline(s)
Peintre, Photographe, Plasticien/ne
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Mr. Rafael GRAY


Mon Histoire

Dans un village catalan, près de Perpignan
Rafael Gray
Papiers peints Damas…, dons éphémères

Pionnier du street-art au début des années 80, Rafael Gray a depuis quitté la rue pour explorer d’autres pistes – « de la rue au monde » – les sentiers, les champs, les lieux abandonnés, dans un monde qui va de chez lui à l’autre bout de la planète. il continue à intervenir dans les espaces publics, tout en renouvelant un art, par une pratique inédite. Rencontre avec un artiste qui n’entre plus dans aucune case.

Installé dans un village catalan, Rafael Gray aime prendre en matière artistique des chemins de traverse. Depuis quelques temps, celui qui est à la fois voyageur, peintre, photographe, graphiste, auteur d’oeuvres audio-visuelles, renouvelle et détourne les codes du genre: il habille les murs… sans peinture, sans signature, sans bombes ou graffitis.
Pendant deux ans, l’artiste a sillonné les routes de la région, son pays catalan mais également quelques sites audois et d’autres en Lozère. Et il a retenu quelques lieux où les gens peuvent venir se reposer en toute tranquillité, loin des espaces urbains devant lesquels passent de très nombreux regards. Dans la région, cela donne des endroits où jamais un street-artiste n’avait posé ses bombes et ses masques pour travailler.
Rafael Gray n’a d’ailleurs besoin ni des unes ni des autres : il recouvre les murs extérieurs de papiers peints, aux motifs décoratifs savamment choisis: le papier aux élégantes arabesques s’appelle le Damas et est l’un des plus populaires qui soit. Damas, comme la ville de Syrie dont il est originaire. Rafael Gray a commencé à l’utiliser sur toile il y a quatre ans. Et petit à petit, l’idée a fait son chemin d’utiliser ses arabesques dans des espaces extérieurs, parfois porteurs de sens comme le camp de Rivesaltes, ou des espaces naturels appréciés des touristes pour leur côté nature, où ce genre d’intrusion peut laisser perplexe.

“Coller le papier peint ‘Damas’ est un acte de décoration, d’embellissement d’espaces souvent en marge de la beauté. Il rentre en contact avec le populaire, l’ordinaire, le revendiqué, l’art des autres qu’il relève discrètement par sa présence. Je ne cherche pas à donner des solutions, ni à proposer un message, mais à offrir un baume pour des coeurs désoeuvrés. Le papier peint, comme ma performance, créent des liens. Des liens entre des motifs, entre des espaces, des liens entre le mur et les passants, entre les passants et moi-même”.

Il va ainsi “tapisser” dans l’anse de Paulille, ou dans des sites lozériens ou audois. Pas de règle précise: le papier peut recouvrir un mur lisse comme s’il habillait la pièce d’une maison. Au camps de Rivesaltes le papier peint “panse les murs blessés”… Le “Théatre de l’Invisible” transforme une baraque en ruine en théâtre d’un drame invisible. L’effet est saisissant, comme si le papier peint rendait compte d’une vie passée ici, dans ce camp traversé par tant de personnes déracinées, alors même que la fraîcheur du motif signale que c’est peut-être plus compliqué que cela. Mais l’artiste peut tout aussi bien accrocher son papier sur les pierres d’un vieux mur tout bosselé. A Perpignan, il prend soin de coller son motif sur le passage de la procession de la Sanch. Et quand il immortalise son travail en photographiant la Procession, l’effet est là encore étonnant: ce ne sont plus ces hommes en cagoule noire et pointue que l’on regarde, alors que ce sont eux qui sortent du quotidien, c’est au contraire ce bout de papier peint à l’arrière-plan: que diable fait ce banal papier peint dans le paysage extérieur urbain?
Cette année, à deux endroits très précis (près de la Maison de la Catalanité et devant le Couvent des Minimes), les pénitents sont passés d’un pas lent devant des murs où Rafaël Gray avait collé son “Damas”, renforçant le côté spectaculaire de cette procession, qui mêle le spirituel au spectacle.
Les principaux intéressés l’ont bien compris: ce n’est pas la première fois qu’il intervenait sur la Sanch, mais cette année, il l’a fait en accord avec la mairie de Perpignan et L’Archiconfrérie de la Sanch qui lui ont permis d’intervenir sur ces deux lieux, et mener ce projet à bien: “J’ai pu coller mes papiers en toute tranquillité, et me positionner pour prendre les photos lors du passage des pénitents. J’avais déjà essayé de le faire l’an dernier, mais sans demander les autorisations et la ville avait tout enlevé au karcher avant la procession”.

Entre deux virées régionales, Rafael Gray l’inclassable prend ses rouleaux de papier peint et s’embarque pour le Kerala en Inde où il va effectuer le même travail; ou alors il va coller discrètement quelques rouleaux dans les rues parisiennes. A chaque fois, des habitants finissent par jouer avec le motif, se prendre en photo devant, poser, s’interroger. Devant les papiers peints de l’artiste, la vie reprend ces droits.
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En 2019, Rafael Gray fut aussi l’initiateur d’une “Exposition invisible’ sur le camp de Rivesaltes: dans le cadre des « Actions en Off» des commémorations officielles à la « Retirada » de 1939, son initiative visait à permettre à des artistes d’exposer “là où il n’est plus donné à voir, là où la mémoire est en zone interdite”. L’expo “Ouvrez les yeux!” s’est déroulé au gré de l’arrivée des artistes pendant les mois de mai et juin, dans l’ancien camps de Rivesaltes, dans les bâtiments en ruine des Bloc F et K.
Une expo faite sans autorisations, sans subventions, sans appuis institutionnels. Les artistes qui y participe prennent à leur charge les contraintes qu’imposent leur création.

Entretien - Rencontres Artistes d'Occitanie
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