NOIRET Fred

NOIRET Fred
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Fred Noiret est le parrain du livre Artistes Occitanie, les 30 artistes 2023

Ci-dessous l’article qui lui a été consacré sur six pages en ouverture du livre: un entretien avec Anne Devailly suivi d’une biographie plus détaillée qu’ordinaire.
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Fred Noiret – Martres-Tolosane (31)
Artistes Occitanie a proposé à Frédéric Noiret de parrainer ce quatrième volume présentant les travaux d’artistes de la région. Pourquoi ? Parce qu’il a un regard à la fois d’artiste, de galeriste, de professeur, voire de concepteur de musée sur la scène artistique régionale. Parce qu’il a travaillé dans le Gers, en Ariège et aujourd’hui en Haute-Garonne.
Peu de personnes en région se sont impliquées de manière aussi diverse dans le champ artistique. Retour sur un parcours en roue libre, mais enrichissant pour tous.

===== UN DEBUT DE PARCOURS TOUCHE A TOUT =====
Fred Noiret est un incontournable dans le paysage artistique régional. Pourtant, rien ne le reliait à l’art ou à l’Occitanie au berceau: l’artiste et galeriste est né dans une famille “pas du tout artistique”, avec un père ouvrier et une mère au foyer dans les Ardennes dans les années 60.
“Je dessinais bien, mais la seule chose qui comptait, c’était de savoir lire et écrire. Dès que j’ai pu, je suis parti. J’ai passé le bac, fais trois mois en psycho, et je suis rentré dans la vie active avec toute une ribambelle de métiers: monteur de chapiteau pour le cirque Pinder, maçon, saisonnier, déménageur …
C’est pendant cette période que je suis tombé dans la dépendance à des produits durs. Je ne m’en cache pas, mais je suis heureux d’avoir réussi à m’en sortir. Par la suite, j’ai passé un CAP de menuisier, un autre en mécanique auto, j’ai passé mes permis poids lourd pour être routier pendant quatre ans. Je me suis marié assez jeune, à 26 ans, ma femme en avait 20 et un jour, on a décidé de faire le tour de l’Afrique en vélo. On est descendu de Tours à Marseille en vélo puis on a pris l’avion. Mais on a fini par vendre les vélos pour faire un tour de quelques semaines en taxi-brousse.
Marqués par ce voyage, nous sommes partis au Sénégal trois ans plus tard avec nos économies et sommes arrivés à Diao-Ba, un village mandingue de Casamance, qui avait un vague projet de case santé. Ma femme étant infirmière, on s’est emparé du projet à la demande des habitants et en parallèle, j’ai monté une bananeraie avec un villageois. On est resté plusieurs mois, développant le projet tout en faisant par la suite des allers/retours en France pour travailler et gagner de quoi vivre. Une expérience qui a duré des années. Marquante.

===== L’INSTALLATION DANS LA REGION, LES PREMIERS PROJETS ARTISTIQUES =====
En 1992, on rentre une fois de plus en France pour gagner l’argent nécessaire à nos voyages mais on décide de s’installer dans le Gers. Je fais bûcheron quelques mois et d’un coup je décide d’arrêter de perdre mon temps dans des métiers qui ne me res- semblent pas. L’Afrique sera toujours là, mais l’Art désormais sera ma vie.
En 1992, je rénove une ancienne usine à brodequin à Auch pour faire ce qu’on appellerait aujourd’hui un “tiers-lieu”, le Brodequin Vert. J’y ai travaillé deux ans, avant de rejoindre une autre association, l’Atelier, tou- jours à Auch, qui proposait des expositions, ateliers, cours, que j’ai dirigé pendant sept ans et qui a pris beaucoup d’ampleur: nous avons été jusqu’à sept salariés.
En 2001, pendant mon congé parental, j’ai créé l’association Eqart qui j’ai dirigée pendant seize ans. Au dé- but à Auch, puis Mirande et enfin Marciac où je me suis installé avec Ghislaine (ma compagne depuis quinze ans) et nos enfants. La Galerie Eqart est devenue alors un lieu d’exposition important.
Tout ce temps, je n’ai cessé de dessiner, sculpter tout en enseignant. Dans mes “lieux” certes, mais aussi dans les écoles et les institutions auprès de public souffrant de handicaps, de maladie mentale ou d’alcoolisme.
A chaque fois, j’arrivais à vivre de ces activités, mais il faut quand même préciser que c’était toujours des projets un peu marginaux, alternatifs. Pas grave: j’arrive à vivre avec peu de choses et je suis toujours content si j’arrive à faire gagner de l’argent aux artistes!
Parallèlement, j’ai créé et dirigé le festival de théâtre de rue et de marionnettes, A Corps et à Travers pendant huit ans puis j’ai créé le salon des Mythimages à Marciac qui a duré trois ans.

===== L’AVENTURE D’UN MUSEE: L’AFFABULOSCOPE EN ARIEGE =====
En 2017, je rencontre Claudius de Capblanc, grâce à un ami, Michel Malbec, son mécène. Claudius a créé une œuvre inclassable composée d’un nombre hallucinant de machines improbables. Il en présentait près de 700 dans un musée à Le Mas d’Azil, en Ariège, mais le lieu périclitait dangereusement.
Michel Malbec lui ayant acheté toutes les oeuvres et le bâtiment, il m’a proposé de me salarier pour rénover le musée et le rendre plus attractif.
J’ai accepté à condition d’avoir carte blanche, et je me suis investi comme un fou pendant deux ans dans ce chantier hors-norme. Le musée a réouvert et plaît à ceux qui le visitent, mais l’artiste étant un activiste contestataire, qui s’est beaucoup opposé aux élus dans la région, on a eu aucun soutien des collectivités. Mais cela n’aurait “rien à voir”. (Ben voyons). Michel Malbec et moi avions sans doute sous-estimé cette difficulté au départ…

===== L’ARRIVEE A MARTRES TOLOSANE, LA NAISSANCE DU DIVIN BAZAR =====
En 2019, j’expose au Carla-Bayle (Ariège) et rencontre Stéphanie Saint-Martin, une artiste qui vit à Martres-Tolosane et me dit que son village de 2400 habitants cherche un artiste pour s’installer dans un local vide, y travailler et proposer une activité artistique dans le village. Je rencontre le maire, Loïc Gojard, qui valide mon projet et voilà comment j’ai déménagé à Martres, ouvert mon atelier-galerie, Divin Bazar, un bel endroit où je peux travailler, mais donner des cours et organiser des expositions.
Comme à mon habitude, j’ai tenu à ce que le lieu soit en accès permanent et chacun de mes élèves dispose du code d’entrée pour venir travailler quand il le souhaite. J’y suis un après-midi par semaine pour aider les personnes inscrites et le reste du temps, elles sont en autonomie avec bien entendu mon aide selon ma disponibilité. Deux amies potières, Léontine et Andréa, se sont depuis ajoutées, apportant leur savoir-faire et leur bonne humeur.
Martres est un village modeste mais avec deux structures im-portantes : le Grand Presbytère, un lieu d’exposition magnifique et tellement enthousiasmant que c’est l’une des raisons de ma venue ici et le renommé Salon des Arts et du Feu qui existe depuis vingt ans et accueille 12000 visiteurs par an ! Un modèle d’organisation . Récemment j’ai propo- sé au maire de mettre en place un salon annuel de la gravure. La première édition pourrait se tenir en 2023, avec pour invité d’honneur un maître-graveur bulgare, Peter Lazarov que j’expose cet automne à Divin Bazar.
Enfin, cette année j’ai travaillé au tout nouveau lycée de Cazères, avec une mosaïste, Sylvie Potier. On a réalisé avec les lycéens en CAP poterie, une fresque en bas-relief de 14 mètres de long qui fait à présent partie du patrimoine cazèrien. Une belle récompense !

===== UN ARTISTE QUI AIME LE VIVANT DES CORPS DISLOQUÉS =====
Ma pratique de prédilection, c’est la sculpture et si je fais beaucoup de dessins, ils sont souvent faits dans la finalité de réaliser une
sculpture.
Mon sujet, c’est le corps et les expressions de la nature en général. Je suis sensible aux classiques, anciens (Michel-Ange, Carpeaux, Rodin) ou actuels (le mexicain Javier Marin), mais je suis également très ému par les arts premiers, qu’ils soient africains, précolombiens ou inuit.
Je n’ai rien inventé mais je pense m’être forgé un style, que ce soit dans la sculpture animalière ou humaine.
En ce moment, je travaille sur une thématique qui s’est imposée à partir de la découverte des bois flottés, charriés par la Garonne. Des trésors. Inspiré par leurs formes j’en ai dégagé une thématique sur l’Ange, mais un Ange cabossé, infirme, tombé au sol ou hésitant à prendre les airs. J’ai d’ailleurs envie de réaliser une expo dont j’ai déjà le titre: Chute, un Ange trépasse. Oui, j’ai une faiblesse pour les calembours…
Le problème – récurrent chez moi – c’est qu’une idée en chasse une autre avant sa complète réalisation! J’ai d’ailleurs déjà entamé un autre travail, autour de la mue, l’écorce, une idée qui a évolué et donné des corps en terre cuite craquée de toute part: sous la terre apparaît un autre corps, en plâtre. Comme pour les anges, il s’agit de corps déformés, en rupture, sans être pour autant dans le champ expressionniste.
La plupart du temps, mes personnages sont tordus et ont des membres en moins, mais il s’en dégage néanmoins une certaine douceur, je crois. Peut-être cela vient-il de leur tête: je ne peux pas m’empêcher de les doter d’un regard qui interroge le ciel. Sans doute en vain, mais quand même: tant qu’on a la force de regarder, il reste l’espoir. En parallèle, depuis de nombreuses années, je suis également grimpeur. J’aime parler de la sculpture et de l’escalade en même temps: dans les deux cas, il y a une mise en espace du corps, un aller-retour entre la sensation intérieure et un objectif que tu te fixes, une énergie qu’il faut maîtriser tout en acceptant un lâcher- prise. Une recherche constante de nouvelles limites. Et puis : les Pyrénées !! Force et beauté. On fait pas mieux !

===== UN REGARD SANS CONCESSION SUR LA SCENE ARTISTIQUE =====
“On ne va pas y aller par quatre chemins: je suis réfractaire à l’art subventionné: aujourd’hui, une équipe décide de ce qui est de l’art et de ce qui n’en est pas, et oriente l’argent vers ce qu’elle a défini. C’est contre- productif. On le verra dans quelques décennies: il me semble évident que l’histoire sera cruelle (mais juste) avec les comités qui décident des achats dans les Frac…
Ce qui nous est présenté, voire imposé, comme des choses novatrices ne l’est souvent pas. Pire, cette soit- disant nouveauté est accompagnée d’éléments de langage sonnant creux, visant à intimider le lecteur. Moi, dans ces cas-là, je me détourne aussi sec.
Je pense d’ailleurs que derrière ces discours, mais aussi ces regards souvent hautains sur les autres artistes, se cache probablement un manque d’assurance et une illégitimité criante et mal assumée : oui, une petite élite définit ce qu’est l’art contemporain, mais au fond, est- elle aussi sûre de ses choix?
L’art n’a pas à chercher à être novateur. Il procède avant tout d’une démarche intérieure, impérieuse et sincère, pour exprimer un point de vue spécifique sur soi ou sur la société. Ce que je pense de l‘art contemporain est partagé par une grande majorité de gens, artistes mais également publics.
Propos rapportés par Anne Devailly

BIO
Né le 9 juillet 1960 à Nouzonville (Ardennes) dans une famille ouvrière.
Pas d’œuvres d’art, de musique ou de livres à la maison, mais je dessine tout le temps. Bon élève à l’école jusqu’au lycée où tout part en vrille.
1980 Petits boulots et voyages en stop, période d’errance, je dessine toujours.
1985 J’ouvre un atelier de sculpture sur bois que je ferme au bout d’un an, incapable de vendre mes créations… Je fais alors des décors pour une compagnie de danse, une salle de spectacle, je continue la sculpture et le dessin pour moi.
1986 Premier voyage au Burkina-Faso avec ma femme.
1989 à 1995 plusieurs séjours de plusieurs mois en Casamance où nous gérons une case de Santé. Je ne dessine plus du tout.
Retour en France, je m’installe dans le sud où je vis toujours aujourd’hui après de nombreux déménagements. Nous divorçons et c’est alors que nous avons deux filles, puis nous nous séparons à nouveau !
Mes filles ont aujourd’hui 24 et 26 ans, et sont toutes deux artistes.
En 2007, rencontre avec ma compagne actuelle, Ghislaine, qui m’apporte deux beaux-enfants, de 26 et 28 ans, artistes aussi et vivants à New-York, une ville que j’adore. Au cours de ma “carrière”, je pourrais presque dire mon “ Karma ”, j’ai systématiquement restauré tous les lieux qui ont été mes lieux de travail (ateliers et galeries). Un vieil atelier de peintre en lettres, une ancienne fabrique de brodequins, une ancienne menuiserie, un magasin de bricolage abandonné, un ancien hôtel-restaurant, le Musée de l’Affabuloscope… Pas mal d’artistes connaissent ça, je crois !
Par ailleurs, j’ai créé des festivals et édité une trentaine d’ouvrages (catalogues et livres) aux Éditions Fred Noiret ou avec Marciac Éditions avec Ghislaine ma compagne.
A venir
Mon nouveau projet à part les expositions et les spectacles prévus : une monographie de 240 pages sur l’artiste Rémi Trotereau, en souscription.

Boulevard du Nord 31220 Martres Tolosane
Galerie d'art de l'artiste

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