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RENCONTRE AVEC… Pierre Lebas

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Pierre Lebas, Haute-Garonne

Un petit trait face à de grotesques abîmes

 

L’être humain est vivant et en a pleine conscience. Pas de quoi se réjouir pour autant puisque tout un chacun sait que la mort l’attend au bout du parcours. C’est sans doute ce paradoxe qui est à la base de l’œuvre de Pierre Lebas, qui traite cette situation dérisoire par la légèreté, au moyen de quelques coups de crayons à peine esquissés.

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« La plus grande qualité de l’homme pourrait être qu’il se sache destiné à mourir et qu’il s’en foute ». Depuis Toulouse, le dessinateur Pierre Lebas a faite sienne cette citation de l’écrivain Charles Bukowski.

Et il semble la rappeler à longueur de dessins. L’homme est conscient, mais cette conscience lui sert surtout à regarder l’absurdité de la situation, le loufoque du quotidien. Comme chez Topor, référence ici évidente, Pierre Lebas aborde ses sujets avec une économie de moyens qui saute aux yeux : quelques traits de crayons, de l’aquarelle, de l’acrylique, quelques collages et techniques mixtes, de la gravure.

C’est avec ces outils simples, à son atelier qu’il va pourtant essayer de montrer les « grotesques abîmes » de ce monde, à la fois par le dessin et par le titre, souvent lui-même issu d’un jeu de mot  qui fait qu’on s’interroge en permanence sur ce qui a généré l’œuvre : dans Haltérofleurie, Fakiribriste ou Bottée divine, est-ce le titre qui a donné naissance à l’œuvre plastique ou est-ce au contraire l’image de ces haltères de fleurs qui ont ensuite donné naissance au titre ?

Peu importe. Le style de Pierre Lebas se définit par cet ensemble, ce va-et-vient entre l’idée, l’image et le titre. Ce qui compte, c’est de recomposer un peu la réalité, d’en donner une autre interprétation, de ne pas se laisser enfermer dans un quotidien où il n’y aurait plus rien à découvrir. Au contraire, Pierre Lebas fait jaillir du quotidien des choses absurdes, qui font parfois sourire, et qui parfois remettent en cause des certitudes, voire provoquent un malaise.

Là encore, les références abondent, souvent plus littéraires que picturales : Topor, mais aussi Woody Allen ou les objets introuvables de Carelman, Pierre Desproges, Raymond Devos…
Le dessin est volontairement simple et se suffit à lui-même : pas de mise en valeur sur un fond coloré, pas de surcharge de détail, un crayonné parfois très léger qui oblige à s’approcher au plus près de la feuille de papier. Ce qui, chez d’autres, pourrait figurer au rang de simple esquisse, est présenté ici au titre de l’œuvre définitive : pourquoi voulez-vous que je précise les choses ?, semble dire l’artiste, tout est dans ce dessin ! Et en même temps, cette présence d’un personnage ou d’un motif unique au centre de la feuille ne fait que l’isoler, lui accordant de ce fait une dimension tragique en contradiction avec la légèreté apparente du propos initial. Effet qui n’est évidemment pas pour déplaire à l’artiste.

L’intérêt de l’œuvre de Pierre Lebas tient évidemment dans cette cuisine interne qui marie un dessin volontairement léger, rapide, « plus vague et plus soluble dans l’air, sans rien en lui qui pèse ou qui pose » (Art poétique, Paul Verlaine), des thématiques en apparence futiles, et, par ailleurs, un dessin finalement angoissant et des thématiques plus graves qu’il n’y paraît : les rapports compliqués entre l’homme et son image, les rapports à la violence, la notion même de figure vivante, qui passe sans cesse chez l’artiste de la figure humaine à la figure animale, de la figure réelle à la figure mythique, l’érotisme.
Le dessin est présent et parfois surligné ou éclairci par la couleur, aquarelle ou acrylique, mais toujours travaillée en complément du trait.

La plupart du temps, la figure vivante est au centre de l’œuvre. Mais l’artiste aime aussi travailler sur « les inventions d’espace, les lieux architecturaux qui interrogent la forme, l’espace et le temps». Et avec là encore une très grande économie de moyens, l’artiste « offre une combinaison d’éléments métaphoriques d’un intérieur et d’une autre définition de l’extérieur, de la connivence transversale qu’ils exercent l’un envers l’autre – des espaces inhabitables, des rivages d’errance » (4è de couverture du livre Grostesques abimes).
Tout cela est absurde, mais tout cela ne vaut pas le coup non plus qu’on se désespère. Regardons les choses en face, mais avec détachement. La farce côtoie la tragédie, le monstrueux engendre l’humour, le rationnel appelle l’irrationnel. Pierre Lebas confronte l’homme à son image, sans concession, avec lucidité, mais sans que le désespoir l’emporte. Comme avait dit Desproges en son temps, Rions un peu en attendant la mort.

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Rencontre publiée en juillet 2017

BIO

Pierre Lebas est né en 1970 en Charente.
Beaux-Arts à Angoulême.
Pratique le dessin, la gravure, les installations, sculptures, assemblages, parfois mécaniques. Collabore avec d’autres artistes, vidéastes, chorégraphes, peintres, comédiens et expose en France et à l’étranger.
Au début des années 2000, se forme aux nouvelles technologies numériques et s’installe en tant que graphiste tout en continuant son travail de plasticien. Son travail de graphiste s’oriente vers un travail d’affichiste, créant pour la plupart de ses travaux des visuels dessinés ou peints de manière traditionnelle, puis mis en page à l’aide des outils numériques. Il réalise ainsi un grand nombre d’affiches et de supports de communication pour des structures culturelles. Il réalise également des décors, scénographies, mises en espace et lumière de spectacles vivants.
Il vit et travaille à Saint-Michel, village situé à l’amorce des  piémonts pyrénéens à 70km au sud de Toulouse.

Site web de l’artiste

Grotesques abimes

En 2016, Pierre Lebas se lance dans un financement participatif pour réunir la somme nécessaire à l’édition d’un livre qui permet d’avoir un aperçu global de son travail.

Un outil particulièrement important pour un artiste dont on ne peut apprécier le travail qu’on voyant un grand nombre d’œuvres pour en dégager les constantes.

L’ouvrage paru en octobre 2016 est présent entre autre dans des librairies et lieux d’art à Toulouse : Librairie Ombre Blanche / Terra Nova / Autre Rive / Galerie AP / Librairie des Abattoirs

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