Le plasticien audois Pavan fait don de l’œuvre Les Ouvriers, à la commune de Lorp Sentaraille (31)
En 2012, lors de sa résidence d’artiste au Musée Aristide Bergès, le sculpteur audois Pavan, qui vit et travaille à Saint Couat d’Aude, à l’ouest de Lézignan, réalise une œuvre monumentale : Les Ouvriers, œuvre dans laquelle ont été coulés dans le béton les outils de travail des ouvriers de l’usine.
Symboliquement ils rejoignent les ouvriers de sa famille, des immigrés italiens dont il porte l’héritage.
L’œuvre a été exposée durant tout cet été 2024 au Musée Aristide Bergès, lors de la rétrospective de son travail. Elle va désormais trouver sa place dans l’espace public, à l’extérieur de la médiathèque de Lorp-Sentaraille.
L’œuvre s’inscrit dans une série complète de 31 tableaux qui s’inspire de l’usine et de ceux qui y travaillaient : In Memoriam.
« Cette œuvre, explique Pavan, est issue de la seule photo de famille que je possède sur laquelle sont réunis mon grand-père, sa sœur et ses trois frères. Elle sert de point de départ à chacune des œuvres de la série. Les formats et les techniques différentes se répondent et se complètent les unes aux autres. A la douceur du pastel répond par exemple la dureté et la force du béton« .
Cette photo est la base finale du seul portrait de groupe de la série dans un format horizontal de 230 x 240 cm.
« Dans une approche matiériste, ma volonté de m’éloigner des outils classiques s’associe à une démarche visant à retrouver une expression brute de l’art. Ce choix de rejeter les procédés usuels a révélé une filiation. Fils et petit-fils de maçon, j’effectue les mêmes gestes dans un autre contexte. Je me sers de leurs techniques, de leurs outils, osant devenir enfin ce que je suis.
Avec des matériaux issus du milieu du bâtiment ou des matériaux de récupération, sur divers supports comme le BA13, les portes isoplanes ou les planches, je fixe, juxtapose et lie plâtres, ciments, pigments naturels, terres, papiers et tissus pour ériger une humanité. Les fers à béton, employés seuls, nus, en armature ou en coffrage, les enduits de façades, les épaufrures des structures étayent un monde à la paradoxale fragilité.
Je travaille les corps, les visages, essentiellement à partir de silhouettes, en utilisant le dessin, le pochoir ou les monotypes. Maintenant à même le mur, attaquer la surface, en déchirant l’apprêt. S’enfoncer dans le matériau de construction, en pénétrant à l’intérieur du sujet. Ouvrir le mur comme on ouvre un corps. Autopsie ou voir de ses propres yeux.
Je me rapproche de mon père en même temps qu’on s’éloigne tous les deux l’un de l’autre par le simple fait qu’en pratiquant enfin librement mon métier, je me rapproche paradoxalement du sien en utilisant ses moyens, sa technique, en retrouvant ses gestes et ses outils…
Oui, on s’éloigne et je comprends que le choix de ces matériaux et de ces outils a une part inconsciente. Celle de dire à mon père et mon grand-père : voyez, finalement, je ne suis pas un maçon comme vous l’auriez peut-être souhaiter, mais je ne suis pas si éloigné de vous, de votre métier, que vous ne l’auriez penser… »