Le grand Polyptyque de Philippe Pujo inauguré dans l’église du Sacré-Cœur de Lourdes (65)


Le poyptyque réalisé par Philippe Pujo pour l’église du Sacré-Cœur de Lourdes a été inaugurée fin mai.
Cette réalisation a pu se faire grâce au mécénat de l’association Le Toit du Chœur qui a œuvré depuis dix ans pour la restauration et l’embellissement de cette église.
En 2021, Philippe Pujo réalisait un Chemin de Croix, destiné à être exposé de manière permanente à l’Eglise du Sacré Cœur de Lourdes. En 2022, cette commande est suivie de la commande d’ un grand polyptyque composé de cinq panneaux de six mètres par deux chacun, pour le même lieu.
Pour son président, Christian Gélis, « cette œuvre monumentale de Philippe Pujo constitue le point d’orgue d’une démarche visant à proposer en ce lieu un ensemble de créations originales et contemporaines comme témoignages de la place du sacré et plus largement de la spiritualité dans l’inspiration des artistes de notre époque à la suite de bon nombre de leurs prédécesseurs. On pourra les admirer sans nécessairement croire ou du moins s’inscrire dans une démarche religieuse, le beau s’offre à tous librement et gratuitement, chacun découvrira donc ce que sa sensibilité propre lui révèle car si l’art propose, l’esprit dispose« .
- Philippe Pujo a 44 ans. Il vit et travaille au pied des montagnes, dans les Hautes-Pyrénées. Après l’obtention d’ un Master en philosophie à l’Université de Toulouse, il fonde Toiles de France, une petite société de fabrication de toiles à peindre. Cette activité lui permet de se mettre à explorer la peinture en continu.
Il expose depuis dans la France entière (Le Louvre à Paris en 2009, « Les Maîtres de Demain » ; Galerie Obrose, Paris 11e, 2017 ; Galerie L’Ane Bleu, Marciac, 2019, Le Carmel, Tarbes, 2022…). Ses toiles font partie de nombreuses collections. Il entre en 2022 dans les collections nationales.
- Quelques propositions d’interprétation par l’artiste lui-même, Philippe Pujo
Avant de plonger dans la réalisation du travail de peinture du grand polyptyque, j’ai voyagé dans les écrits et sur le territoire géographique du Sacré Cœur. J’ai voulu comprendre, ressentir, connaitre au-delà de simplement savoir ce qu’était que le Sacré Cœur de Jésus pour des millions de croyants à travers le monde. De Lourdes à la Basilique de Montmartre en passant par le monastère de Paray-le-Monial, j’ai cheminé dans les pas d’une idée réconciliatrice, œuvrant pour le bien de chacun et la communion de l’ensemble. J’ai sillonné le territoire à pieds, en bus ou en train, accompagnant mes pérégrinations de la lecture des grands acteurs du rayonnement du Sacré Cœur à travers l’histoire et le monde.
Je vous livre ici quelques clés de lecture du polyptyque, résultat de trois années de travail passionnant.
- Le sacré cœur de Jésus
Au-delà du récit, le Sacré Cœur est avant tout une dévotion au Cœur de Jésus-Christ. Il est le symbole de Dieu prenant une incarnation terrestre, une nature humaine de chair, avant de donner sa vie pour les hommes.
Il est à mes yeux également un formidable point de mire, une trajectoire vertueuse pour toute personne sensible au sacré et désireuse de faire le monde meilleur à travers les principes de la foi Chrétienne, et même au-delà.
Ainsi, les grands promoteurs du Sacré Cœur sont-ils représentés ici à travers mes yeux, dans l’instantanéité de mon imaginaire et de ma pensée. Au sommet de chaque panneau du polyptyque, nous retrouvons là Saint François de Sales, fidèlement secondé par l’homme qu’il sauva de « l’incommunicado », Martin le sourd Muet, se tenant aux côtés de Sainte Jeanne de Chantal et de leurs sœurs Visitandines (premier panneau). Ou bien encore ici, à son opposé (cinquième panneau), Saint Jean Eudes prêchant pour les missionnaires Eudistes se préparant, sac au dos et bâtons de marche à la main, à ré-évangéliser les campagnes dévastées par la grande peste. Dans le quatrième panneau encore, Alexandre Legentil et Hubert Rohault de Fleury concevant le projet de la Basilique du Sacré Coeur de Montmartre, plus grande manifestation visible de nos jours à son objet, et lieu de dévotion perpétuelle. Sillonnant le polyptyque encore et au milieu de la foule, se cachent également des références et des figures importantes de la transmission du message du Sacré Coeur.
- La symbolique de Marguerite-Marie
Mais c’est Sainte Marguerite Marie Alacoque et son tempérament vif et tourmenté qui m’ont le plus impressionné lors de mes lectures. Ses visions de Jésus-Christ et les écrits qu’elle laisse dessinent plus qu’un message, et font d’elle plus qu’un simple vecteur de transmission : elle est également l’interprète d’une pensée du partage intime, d’une dévotion personnelle au Sacré Cœur de Jésus par le concept de l’oratoire dans le cœur, qui m’a profondément touché.
- Populus Dei, Filii Dei
Dans un style que j’ai voulu néo-baroque, par effet de rupture avec la sobriété de l’Eglise du Sacré Cœur de Lourdes, c’est tout le peuple de Dieu qui est représenté ici, dans ses communautés, noyau familial ou individus qui se joignent pour un moment d’Eternité sur les panneaux du polyptyque.
Tous sont modèles locaux, amis ou rencontres de fortune, personnalités chères à mon coeur et porteurs de feu. Les ocres des couleurs utilisées pour les représenter sont leur dénominateur commun en complémentarité du bleu éclatant des panneaux : ces ocres, ces couleurs sorties de terre sont la matière dont ils sont pétris, quand le bleu est l’esprit dans lequel ils se tiennent, immobiles et mouvants. L’esprit et la matière, en outre comme rappel du Chemin de Croix qui orne la nef de l’Eglise par laquelle nous cheminons jusqu’au chœur…
- Les symboliques de Lourdes
J’ai voulu également rendre hommage à Lourdes, ville religieuse, ville du sacré, à travers ses symboles qui sont la lumière, à travers les nombreux cierges qui parsèment l’oeuvre et semblent l’éclairer depuis l’intérieur des toiles. La pierre aussi, du plus petit cailloux qui borde le modeste ruisseau aux pierres taillées qui constitueront la cathédrale de l’élan commun des hommes. L’eau enfin, l’eau de Lourdes, superbe symbole d’espoir et de pureté, l’eau qu’il nous faut désormais protéger, en ce vingt et unième siècle, de nos propres démons, et qu’il nous faut chérir comme notre plus grand trésor.
- Les deux cultures
Les panneaux du polyptyque s’organisent par ailleurs à travers le prisme des deux cultures si chères à mon coeur : la culture de la terre en premier lieu, celle des paysans, des racines, du berger et de ses moutons, de la semeuse et du bouvier, celle de la basse cour, la culture de la vie pragmatique et dont la simplicité symbolique engage les plus grandes profondeurs de la pensée humaine.
La culture de la pierre et du beau ensuite, celle de l’invisible, la culture du géomètre et des bâtisseurs de cathédrales. Celle des savoir-faire qui se mêlent au service de quelque chose de plus grand qu’eux. Une interdépendance entre elles pour dépasser la simple survie et entrer dans la vie.
Les arts de surcroît, de la musique à la peinture naturellement, le sel de la vie, la meilleure clé d’entrée vers les mondes invisibles. - La déconstruction de l’image
Comme à mon habitude, je déconstruis les images que nous avons sous les yeux par tous les artifices que la peinture met à ma disposition afin d’inciter le spectateur à regarder mieux, à ne pas prendre ce qu’il voit pour argent comptant, à s’engager dans la lecture de l’oeuvre, à lire les écrits afin de résoudre les énigmes qui pourraient l’interpeller.
Il en sortira dans tous les cas grandi d’une passionnante aventure intérieure.
Ces carrés par exemple qui semblent déliter certains corps, et s’ajouter un peu partout à ces carreaux de lumières ont pour effet de se fondre aux reflets des vitraux qui les surplombent, lorsque la lumière du jour se prête au jeu. La frontière alors entre le monde terrestre et le monde céleste semble s’estomper grâce à la lumière. Et la statue du Christ, au centre, fait partie intégrante de l’œuvre dans sa composition, et toute lumière, chaque ombre portée du polyptyque suggèrant alors que c’est la statue du Christ qui rayonne au milieu de la foule.
Quelques vues de l’œuvre. © Crédit photo : Cedrick Nöt