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Juli About

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Juli About, Nîmes (30)

Les apparences trompeuses de la céramique

A priori, la céramique inspire confiance : solide, stable, utile. Juli About imagine des objets qui utilisent toutes ses qualités tout en donnant l’impression inverse. Fragile, instable, non fonctionnelle… Un univers qui déroute autant qu’il séduit.

De loin, quelques bols en céramique blanche. Des bols dans lesquels on imagine vite un thé fumant. Mais de près, le bol est déjà plein… plein de petits pois ou autres petits fruits ronds créés en relief dans la céramique même. On se reporte alors sur un saladier, mais cette fois-ci, c’est sa fragilité qui retient : on ose à peine tenir dans ses mains cet objet qui ressemble à de la dentelle de terre, les creux étant aussi importants que les pleins.

Et si on continue la visite, on tombe sur des cuillères remplies de petits picos en céramique, sur des coussins qui ont l’air moelleux mais qui ont la dureté de la céramique, ou sur des valises … revues pour en faire des boîtes à souvenir… en céramique.

Bref, dans l’univers de Juli About, on ne peut pas prendre la valise par la poignée, on ne peut pas s’asseoir sur les chaises, boire dans les tasses, ou prendre une cuillère de confiture…
« J’aime que les objets étonnent, que la sensation visuelle soit en contradiction avec le toucher : un objet peut paraître lourd, et devient léger quand on l’a en main ; c’est pour cela que j’invite toujours les visiteurs à prendre les objets dans les mains. Quand ils voient le saladier, ils sont effrayés par quelque chose qu’ils imaginent extrêmement fragile ; quand ils l’ont en main, ils sont rassurés, sentent qu’on a affaire à un objet solide. Leurs mains leur disent autre chose que leurs yeux ».

Pour parvenir à une telle maîtrise, Juli About s’est formé solidement avant de continuer un travail où elle expérimente et cherche en permanence.

L’artiste, qui a aujourd’hui la quarantaine, doit une partie de son parcours au hasard. Née à Avignon, elle fait des études de théâtre et d’arts plastiques à Toulouse et devient comédienne pendant dix ans. Jusqu’au jour où elle se rend compte qu’on ne peut être indéfiniment comédienne pour soigner une timidité profonde. Elle bifurque et se lance dans une formation en bijou contemporain à Paris. « J’ai découvert la porcelaine par ce biais, dans une exposition qui s’appelait ‘Un peu de terre sur la peau’ ». Première rencontre un peu fortuite avec le matériau, mais une rencontre qui lui donne envie d’aller plus loin.

Avant de franchir le pas, Juli About continue à travailler les autres activités artistiques, notamment le dessin. Des dessins précis, minutieux, précurseurs de son travail actuel sur céramique. Des dessins parfois troués de multiples petits trous d’épingles qui donnent à la fois relief et fragilité à l’œuvre.
Elle s’inscrit donc au CFA de Saint-Quentin-la-Poterie en 2013 pour acquérir une formation poussée. Et là, au cours des douze mois de sa formation, elle découvre la « porcelaine papier », un procédé qu’elle exploite aujourd’hui pour créer ses objets étonnants. « J’ai fait une demande de résidence d’artistes dans la foulée de ma formation, et cela a été accepté tout de suite ». Son approche commence à retenir l’attention au point qu’elle est sélectionnée pour participer au Festival Terralha. Les choses s’enchaînent :  « J’ai proposé une procession (pour proposer une expérience commune de fin de résidence) pour la Saint patron des potiers, Saint Bonnet, le 15 janvier. Finalement, le projet qui a été retenu était un peu différent : une installation lumineuse sur une façade à Saint-Quentin. C’est à partir de là que j’ai travaillé sur la lumière ».

Pas question de faire des lampes qui se repèrent en tant que telles. Là encore, le regard va être attiré par un objet qu’il cherche à comprendre : des espèces d’oursins, de mollusques, de poissons-bulles luminescents…

Depuis, elle a décliné ce thème de la lumière sur d’autres objets étonnants, comme ces chaises transformées en lampe, faites en binôme avec un tapissier de Saint-Quentin, Julien Coutou : l’assise est constituée d’une céramique qui épouse la forme d’un coussin, mais un coussin troué d’une multitude de petites ouvertures qui laissent passer la lumière de la lampe qui est en-dessous.
L’envie de travailler la céramique, d’aller plus loin avec ce matériau, est bien là.
Reste maintenant à s’installer quelque part après l’année de formation. Et là encore, le hasard va jouer son rôle : « Avant la formation à Saint-Quentin,  j’avais séjourné à Nîmes plusieurs semaines pour passer mon permis de conduire. Je savais qu’il fallait que je le fasse d’un coup, sinon je n’y arriverai pas, et je cherchais donc un endroit hors de Paris pour cela. J’avais donc décidé d’aller à Nîmes où j’ai un peu de famille. Cela m’a plu, ce n’était pas loin de Saint Quentin la Poterie. Bref, je m’y suis installée !».
L’artiste a maintenant son atelier dans une petite rue du centre historique de Nîmes, même si elle continue d’aller ailleurs pour les phases de cuisson. Tous les jours désormais, elle part à la découverte du matériau, elle expérimente, et découvre tous les jours de nouvelles possibilités. Chez elle, elle continue à dessiner, mais dans la journée à l’atelier, place à la céramique.

La porcelaine-papier par exemple permet de réaliser des œuvres extrêmement solides tout en n’hésitant pas sur les creux, les trous, etc. « C’est une porcelaine qui contient 3% de papier à l’intérieur, des fibres de lin et de cellulose. Cela permet de travailler différemment la matière. Le papier brûle à la cuisson et contribue à la légèreté de la céramique ».

Juli About a évidemment essayé de le fabriquer elle-même, mais pour l’instant, sans obtenir de résultats aussi fins qu’avec une céramique-papier achetée toute faite. Patience, patience…

Elle a exploité également le potentiel de la double paroi, qui permet d’avoir des rapports de textures intéressants entre la paroi intérieure et la paroi extérieure. Un double jeu qui permet de réaliser des bols qui semblent pleins… et qui restent pourtant d’une extrême légèreté. « Ce qui m’intéresse avec la technique de la double paroi, c’est de pouvoir raconter deux histoires, une au dehors et une au dedans sans qu’il y est d’interférence entre les deux. Sans oublier bien sûr la fragilité qui découle du fait que l’intérieur soit vide ».

Depuis peu, elle a expérimenté des œuvres où les trous jouent une importance considérable, comme c’est le cas dans ses dessins : des plaques de céramiques trouées de telle manière qu’une fois rétroéclairées, un texte apparaît. Et l’artiste cherche à aller toujours plus loin. Ce jour-là, dans son atelier, elle cherchait comment adapter cette pratique à des tasses : faire des empreintes (sans trou) dans la paroi pour que des écrits puissent apparaître grâce à l’aspect translucide du matériau.
Là encore, il s’agit de manier le plein, le vide, le solide, le creux. Bref, de prendre un objet pour l’emmener ailleurs, là où on ne l’attend pas.

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Rencontre publiée en juillet 2015

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