Christine Boileau, Sète (34)
Christine Boileau, archi plasticienne
Architecte et plasticienne, la sétoise Christine Boileau s’est fait une place à part en tricotant du lien entre les individus. Au sens propre…
Quelque soit le matériau utilisé, Christine Boileau essaie de faire œuvre à la fois d’architecte (sa formation première) et de plasticienne : son but est « d’organiser la matière tout en lui gardant son caractère organique ».
Au départ, Christine Boileau, en tant qu’architecte, s’intéresse évidemment aux caractéristiques des matériaux et aux formes, aux volumes, mais tout cela dans une évolution permanente : « Rapidement après mon diplôme, j’ai fait des meubles. Et puis je suis passée aux meubles-sculptures, puis à la sculpture tout court. Un jour, j’ai découvert les possibilités offertes par les rubans de lycra, à la fois solides et souples ».
Christine Boileau a depuis exploré toutes les possibilités de ce matériau, avec lequel elle forme des chaînettes de maille avec ses doigts. En 2000, elle réalise un premier projet au Parc de Restinclières, au nord de Montpellier, puis elle installe des « stations » entre les arbres, des vaisseaux en mailles ajourées qui semblent flotter dans les airs.
Les possibilités sont multiples et Christine Boileau cherche en permanence à renouveler l’approche. Plus récemment, elle a ainsi réalisé une performance à Vauvert, pour l’évènement « en découdre » entre les deux tours de vote en 2012: « J’ai réalisé un pantalon bleu-blanc-rouge, un pantalon partage à porter à deux et encore plus ».
Son travail retient l’intérêt de ceux qui cherchent des artistes prêts à partager leur approche avec des publics : Christine Boileau a toujours une idée pour intégrer ces publics à sa création.
« Mon travail artistique tourne autour du thème du lien, du voyage, de la maison, l’abri, l’art et la manière de s’installer dans un lieu. Ce lien que je cherche à caractériser trouve son fruit en travaillant auprès de publics tels que les personnes âgées (un travail de huit mois à Mende), les enfants (avec notamment des œuvres au Vallon du Villaret, en Lozère), les adolescents, les personnes vivant dans la rue (à Avignon), les personnes en hôpital de jour. Chaque fois, c’est un plaisir de préparer des ateliers comme on composerait un menu, avec les mises en bouche, le plat de résistance et puis l’art de savoir se quitter, sans s’oublier ».
Christine Boileau aime explorer d’autres matériaux, pour d’autres idées. Elle a ainsi réalisé un travail avec ce qu’on appelle les « sacs Tati », ces sacs multicolores en matière plastique auxquels on peut rattacher de nombreuses notions : populaire, exotisme, départ, émigration, voyage .
A partir de 2002, l’artiste a l’idée d’utiliser ce support pour créer une série sur le voyage, en détournant cet objet éminemment populaire : elle les transforme en Tour Eiffel, en mappemonde, en croix, en valises, en voitures, en maisons, ou même, tout simplement, en forme de France, une France fantasmée, que les propriétaires de sac Tati peuvent alors porter avec eux, objet léger qu’on tient à la main…
Bref, sous ses doigts, le sac Tati est la porte ouverte sur tous les fantasmes, tous les voyages. Ces objets prennent la direction d’installations qui en disent plus long qu’un grand discours, comme ce radeau Tati sur lequel flottent des personnages faits du même matériau. Un travail en résonnance avec l’actualité cruelle des migrants aujourd’hui.
Depuis plus de vingt ans qu’elle explore ainsi les possibilités de différents matériaux au service de son idée, l’inventivité de son travail est bien connue dans la région. Les demandes d’intervention se multiplient, les demandes de création aussi. C’est ainsi qu’un jour, … « Bergère de France me contacte. Ils voulaient voir ce que je pouvais créer en lien avec eux pour une exposition au centre Pompidou. J’ai réalisé des dessins de culottes, dans l’esprit des vieilles gravures, et j’ai donné mes modèles à un club tricot, il les a réalisés, ce fut un temps d’amusement ».Résultat, une collection de culottes en mohair drôles et sensuelles à la fois.
Installation récente: hamacs multicolores pour le Tri Postal à Avignon, lieu d’un projet d’architecture nouant des liens sociaux atypiques, soutenu par l’association HAS qui intervient auprès des sans abri.
Aujourd’hui, Christine Boileau continue à mener en parallèle interventions et travaux personnels. Beaucoup de ses installations se font in situ.
Elle réfléchit à présent à se remettre aux meubles, activité avec laquelle elle a démarré il y a trente ans : « J’avais offert certains de ses meubles à des enfants qui sont maintenant parents et les offrent à leurs enfants, je trouve intéressant de poursuivre l’aventure avec la nouvelle génération ! ».
Créer une chaîne, mailler les choses. Encore et toujours.
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BIO
Née en 1960 dans le Pas-de-Calais, Christine Boileau est architecte de formation. Pour son diplôme, elle travaille sur les « chaînettes de Gaudi, des formes « hyper structurelles et organiques ».
Elle commence sa vie professionnelle en faisant des chantiers de maisons auto-construites autour d’ Anduze pour comprendre la notion de « construire ». Premières pratiques personnelles en faisant du mobilier « les Slurps » inspiré des naïfs haïtiens: à la recherche d’un paradis perdu. puis « les Bonenfant », mobilier exotique aux origines mélangées.
A partir de 1995, elle s’oriente de manière plus radicale vers la sculpture, et redécouvre les possibilités de la maille à partir de 2000 : tricot en grand avec des sculptures dans la nature, depuis 2002, constitution de la « Saga Tati » à partir de sacs Tati détournés, sur le thème du voyage vers un monde meilleur, depuis 2005 pratique de la vidéo en tant que « cinéaste de salle de bain ».
L’ensemble combiné de ses pratiques évoque un voyage spatial ou social teinté d’humour et de légèreté.
Rencontre publiée en septembre 2015