Rencontre avec Jean-Luc Arcelli (Montpellier)
En peinture, Jean-Luc Arcelli cherche un peu la quadrature du cercle: l’ordre et le chaos. Ou plutôt dans l’autre sens, le chaos…. que l’artiste travaille pour y apporter un minimum d’ordonnancement.
Pour démarrer, donc, le chaos, voulu, recherché. Pour cela, l’artiste travaille avec des pigments en poudre, mais contrairement à la méthode classique qui consiste à mélanger ses pigments avec de l’huile pour obtenir une peinture que l’on peut étaler sur le support, Jean-Luc Arcelli pose ses pigments en poudre directement sur la toile, ou sur des supports variés: textiles, toiles libres, bâches. C’est ensuite qu’il les mélange, anticipant le résultat mais ouvert à des surprises.
Car ces pigments peuvent générer entre eux des réactions chimiques parfois inattendues. Ce n’est pas un hasard si l’artiste a appelé sa série actuelle les Chromophores: un terme chimique un peu savant mais qui décrit parfaitement ce que recherche l’artiste. Un chromophore est un groupement d’atomes responsable de l’aspect coloré des colorants organiques. Certains rayonnements sont absorbés tandis que d’autres sont reflétés, diffusés ou transmis.
Sur la toile aussi, certains atomes absorbent la lumière, d’autres la rejettent, mais l’artiste ne peut anticiper ces réactions et est ouvert à ce que les premiers mélanges de pigments créent un chaos sur la toile.
Son travail consiste ensuite à organiser un minimum ce chaos, le structurer, pour mieux faire apparaître ses caractéristiques premières.
Pour se faire, il change alors de technique: il photographie l’œuvre réalisée en sachant que ce n’est là qu’une matière première, l’imprime sur un support toilé et retravaille à la peinture cette toile. A partir de là, la première oeuvre sur toile ne l’intéresse plus. Le chaos initial restera à jamais un simple point de départ.
Et devant la photo des premières traces de peinture obtenues par le mélange des pigments, l’artiste va essayer d’en tirer quelque chose d’un peu structuré. Pour ce faire, deux techniques parallèles: la première, la plus importante, vise à structurer les choses.
Jean-Luc Arcelli travaille pour cela avec des caches: en masquant quelques zones de la toile, en ajoutant des pigments sur la partie découverte, il finit par faire émerger des bandes, des lignes directrices. Après, tout est affaire d’équilibre. L’artiste cherche à la fois le chaos et la structure. Si la première intervention avec un peu de ligne droite équilibre les choses, l’artiste ne va pas plus loin. Si au contraire, cet ajout a pris le pas sur le chaos initial, l’artiste intervient à nouveau, mais cette fois avec une deuxième technique: le dripping, autrement dit de nouvelles taches de couleurs lâchées par le pinceau de manière plus ou moins aléatoire. Et le geste, comme au démarrage de l’œuvre, redevient fondamental. “Le geste est vraiment une partie importante de mon travail, précise Jean-Luc Arcelli. Je n’ai pas d’intention émotionnelle ou figurative. J’observe comment le chaos se met en place, je prends du recul et j’interviens. Cela reste abstrait du début à la fin, mais on peut, à partir d’un certain chaos, arriver à quelque chose de constructif. C’est cela que je recherche, et que je trouve parfois, pas toujours”.
Et pour bien montrer qu’il estime l’œuvre achevée, équilibrée entre chaos et construction, il la présente sous verre, dernière façon de fixer une fois pour toute ce monde si fragile et si proche de celui dans lequel on vit: un chaos que l’homme essaie en permanence de structurer, sans jamais vraiment y parvenir..
Bio
L’artiste a travaillé et gagné sa vie pendant plus de quinze ans en tant que sculpteur qui modelait l’argile. De là, il s’est aussi intéressé à la photo, qui intervenait lors du process de création. Son travail était alors figuratif, mais en 2017, il choisit d’arrêter la sculpture pour revenir à sa passion première, depuis l’enfance: la peinture.
A.D.