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Vincent Bioulès, Sur tous les chemins…

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Vincent Bioulès, Sur tous les chemins…

 

Le peintre héraultais Vincent Bioulès est à l’honneur dans deux expositions simultanées dans son département: aux Matelles, un petit village au pied du Pic Saint-Loup, “Chemin faisant”, et au musée Fabre de Montpellier, des “Chemins de traverse”.

Vincent Bioulès, Portrait aux Matelles 2019

Rencontre avec un artiste qui a cheminé sur de nombreuses routes artistiques au cours de sa longue carrière.

Pendant deux petites années, entre août 1970 et avril 1972, le peintre héraultais Vincent Bioulès a participé au groupe Supports/Surfaces, un mouvement dont il trouve le nom et qui tend vers une abstraction radicale. Mais sur une carrière de plusieurs décennies, cette étape n’est finalement qu’un chemin pris pendant deux ans, rien de plus.

Car en parallèle, Vincent Bioulès, né en 1938 à Montpellier, a aussi été l’un des acteurs majeurs de la figuration en peinture dès le milieu des années 70. “Je n’ai jamais regretté ce passage par l’abstraction radicale, car cela m’a permis de structurer mes toiles. Mais c’est vrai qu’après la période abstraite, j’ai dû me reconstituer un vocabulaire, une grammaire picturale”, précise-t-il aujourd’hui.

L’artiste va se frotter à tous les sujets possibles, à l’exception peut-être des natures mortes. S’il fait des nus, des vus d’atelier, des portraits, il a néanmoins une vraie attirance pour les peintures des lieux qu’il connaît depuis son enfance, une peinture figurative, basée sur un travail sur le motif.

“La peinture de paysage a à voir avec les délices de la solitude consentie… et une partie d’ennui”, explique ainsi l’artiste devant les toiles réunies aux Matelles et montrant comment il revient sans cesse vers le Pic Saint Loup, cette montagne emblématique des Montpelliérains, cette “autre montagne”, comme il se plaît à la nommer, en référence à celle de Cézanne. Un Pic qu’il dessine et peint sans jamais en épuiser le sujet. Il y revient pour mieux en donner sa vision, quitte à s’éloigner de ce que le réel donne à voir: “Les nuages qui se fixent en haut du Pic, je les ai parfois transformés en cailloux volants”.

Au Musée Fabre, d’autres Pic Saint Loup, mais traités cette fois-ci sous un angle davantage mythologique ou biblique, avec de petites scènes que l’artiste imagine au pied du Pic comme si la montagne était intégrée à un récit biblique ou babylonien anté-diluvien…

L’exposition permet également de découvrir d’autres paysages, pour la plupart issus de cette zone méditerranéenne où l’artiste vit depuis plus de huit décennies.

“Bioulès est le peintre d’une géographie à la fois intime et méditerranéenne, précisent les commissaires de l’exposition, Michel Hilaire et Stanislas Colodiet. Il revient incessamment sur trois lieux dont la physionomie donne corps à la peinture qu’il réinvente à leur contact: le port de Carnon, l’étang de l’Or et le pic Saint Loup. La stylisation de ces motifs devient le prétexte de variations infinies la digue du port, la ligne d’horizon qui sépare le ciel des étangs ou encore le profil élancé du Pic”.

Si le peintre aime la verticalité du Pic, il aime tout autant l’horizontalité de l’étang de l’Or: “Cet étang, c’est un Rothko offert par la nature!”, précise-t-il devant une toile où abstraction et figuration se rejoignent dans ce thème tout en lignes horizontales.

Pour parvenir à capter l’esprit de ces lieux, l’artiste multiplie les études sur le motif, comme en témoignent nombre de carnets de croquis, d’aquarelles ou de pochades. Puis il retourne dans son atelier travailler sur de grands formats qui décuplent le sentiment de l’espace occupé par ces différents lieux précis, verticaux comme le pic ou horizontaux comme les étangs.

L’exposition du Musée Fabre consacre sa plus grande salle à ces paysages monumentaux.
Mais elle donne à voir d’autres versants du travail de l’artiste. Quelque soit le sujet, ce sont bien souvent des oeuvres qui montrent qu’il suffit de regarder autour de soi pour trouver une source d’inspiration: en dehors des paysages, Vincent Bioulès peut s’inspirer de son intérieur, des jardins, de ses collègues ou de ses étudiantes.
L’exposition du Musée Fabre permet d’appréhender ces différents thèmes avec notamment deux espaces consacrés à la figure humaine: le hall d’entrée consacré aux portraits de ses amis de Support-Surfaces et une salle réservée aux nues.

A partir de la fin des années 1970, en tant que professeur aux Beaux-Arts à Aix en Provence puis à Nîmes, VIncent Bioulès met au coeur de son enseignement le dessin d’après modèle vivant, et se consacre lui-même à une série de portraits grandeur nature de ses collègues de Supports/Surfaces. Pas d’opposition frontale donc entre la période radicalement abstraite de Supports/Surfaces et le retour à la figuration, comme il pourra le montrer dans les années 90 à cette époque, vingt ans après la naissance de Supports/Surfaces, ses collègues du mouvement se prêtent volontiers à cette représentation par la voie classique du portrait. Non sans un certain humour, l’exposition s’ouvre donc par une galerie de portraits des stars de l’abstraction, comme les galeries de portraits d’anciens professeurs ouvrent la voie de manière fort académique dans les universités américaines…

Mais l’artiste prend au sérieux cet art de la figure humaine et poursuivra sur cette voie avec des portraits de ses collègues enseignants ou de ses étudiants. Et quand il consacre une autre série au corps des femmes, il choisit de les représenter avec un réalisme cru tandis qu’elles s’inscrivent dans un environnement abstrait. “Cette appréhension directe de la nudité à laquelle le regard ne peut échapper comporte une part de provocation en renvoyant le public à sa position de voyeur” poursuivent les commissaires de l’exposition.

Dans une même exposition, à deux moments différents de sa carrière, l’artiste a donc aimé provoquer le regard: dans les années 70, le regard cherchait sans doute ce qu’il fallait voir dans ces piquets de bois de Supports/Surfaces alignés contre un mur. Revenu à la figuration, l’artiste propose cette fois-ci au regard de ne pas échapper à ce qu’on lui montre.

Dans les deux cas, une position affirmée de l’artiste qui sait ce qu’il propose à l’amateur d’art, un regard, un point de vue sur un réel qui, sans cela, reste vide de sens.



 

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