Antoine Delarue, Sculptures et peintures

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Expos-Conférences

Antoine Delarue, Sculptures et peintures



 Sumène

Du 29 juillet 2022 au 31 août 2022

Vernissage le 29 juillet 2022
18h00 – 18h00


Antoine Delarue, Sculptures et peintures

 

Antoine Delarue, jardinier maximaliste de formes et de couleurs

Des poissons qui volent, des canards qui voguent, des seins géants qui gonflent… Ludiques et colorées, façonnées de bric et de broc, bidouillées d’électricité, ses « sculptures-décos » évoquent souvent un mixte abouti de Nikki de Saint-Phalle et Tinguely. Côté peintures, entre les toiles « plates » saturées de personnages et les tableaux en bas-reliefs boursouflés d’objets, les références s’affolent : figuration narrative ou figuration libre ? Erro ou Combas ?Bazooka ? Di Rosa ?

Delarue tout simplement. Antoine Delarue en son univers de formes et de couleurs.

Comment ne pas penser à la chanson de Maxime Le Forestier quand on lui rend visite tout en haut de son village ? C’est une maison ocre (jour de soleil) ou grise (temps de pluie) accrochée à la montagne. On n’y vient qu’à pied. Par une calade cévenole. Celui qui vit là n’a peut-être pas jeté la clé. Mais certainement beaucoup de choses de sa première vie.

Du milieu des années 80 à celui des années 2000, Antoine Delarue avait pignon sur rue. Diplômé  de l’Ecole des Beaux-Arts de Genève, il vivait et travaillait à Lausanne. Il exposait ses tableaux dans plusieurs galeries, avait un atelier pour produire ses sculptures-décos. Le MAD (« Moulin à danses ») de Lausanne, l’un des grands clubs mondiaux de la nuit, lui avait donné carte blanche et des locaux pour façonner à volonté son dance-floor. La Suisse et la ville étaient vivables en ce temps-là.

Vers 2004, elles cessent de l’être. Trop de rigidité, trop de complications. « Je ne suis pas un Suisse bien élevé mais un mal Helvète », commente Antoine. Il migre vers les Cévennes du sud. Dans la maison ocre ou grise selon les jours, pleine d’annexes et de recoins, il commence à entreposer sa production foisonnante. Presque vingt ans plus tard, la maison est devenue comme un « musée en progrès » qui, bon an mal an, d’écurie rebâtie en cave assainie, se transforme et s’agrandit. La visite culmine dans une longue grange. Du sol au plafond, dans une profusion de formes et de couleurs, Antoine Delarue a réalisé le dance-floor idéal de ses vies diverses. Tout ce qu’on voit maintenant est en trois dimensions. Bois, ferrailles, plumes, plastiques collés, cloués, ficelés, peinturlurés de jaune, bleu, rouge, vert, noir, violet, composent un poétique bestiaire de sculptures qu’Antoine, par pudeur peut-être, préfère nommer ses « décos ». Il monte sur une estrade de disc-jockey, presse un bouton, envoie l’électricité. De drôles de monstres s’animent, une langue frétille, des ailes battent… Vision magique, temps suspendu. Mais comment a-t-il fabriqué tout ça ?

« Il faut être juste, répond-il. L’avantage de la Suisse, pays riche, c’est de jeter en vrac du déchet de luxe. Moi, je n’avais qu’à aller fouiller dans les poubelles pour récupérer mes matériaux. Toute ma production, si l’on veut, consiste en un cycle récupération-interprétation-reconstruction du déchet. Je ne me résignais pas à l’idée de laisser partir au cimetière des objets encore pleins de potentiel. Comment créer du vif et neuf à partir du rebut, that is the question ? Cela vaut pour les « décos » mais aussi pour les tableaux… »

Nous repartons dans la cave dont Antoine a colmaté et enduit les murs pour obtenir un taux d’hygrométrie convenable. Il tire une à une de leur cache des toiles de grand format, autour de 2×2 mètres pour la plupart. Peintes à l’huile en couleurs franches, peuplées de créatures ludions qu’on dirait sortis de bandes dessinées, les figurations delaruesques racontent parfois des scènes de la vie locale. Comme ce Rallye des Cévennes inspiré de la course automobile qui passe une fois par an sous les fenêtres du village : se côtoyant sans perspective, voitures gagnantes et spectateurs devenus arbres se démènent sur des podiums en une kermesse débraillée. Message sous-jacent : renoncez aux moteurs mortifères pour vous faire arbres de vie. Sous ses dehors anarchiques, l’art selon Delarue possède en effet une fonction on ne peut plus claire : dénoncer un ordre social et économique dévastateur pour la planète et aliénant pour l’individu. 

Notre addiction aux écrans en particulier est une thématique qui revient souvent dans ses tableaux en bas-relief, support privilégié où il a pu unifier ses pratiques de sculpteur et de peintre. Dans La toile vient à toi, une chaîne de petits personnages sortent d’un ordinateur pour monter à l’assaut d’un visage féminin perdu dans son extase numérique. Ces figures taillées au cutter dans du polystyrène puis peintes à l’huile se détachent en relief sur une toile d’araignée géante. Les douze zappent autres montre une « Cène » d’internautes autistes les mains rivées à leurs claviers sur deux rangées de six se faisant face : en place et lieu d’une figure christique surgissent entre eux des mirages de palmiers dans un décor des mille et une nuits.

Quand il n’utilise pas le polystyrène, l’artiste obtient ses effets de relief en incrustant des objets de récupération sous sa toile. « Une technique dérivée des emballages de Tadeusz Kantor, le metteur en scène et scénographe polonais, un artiste qui m’a ouvert des portes ». Ainsi, dans Le 69, ce sont des tubulures de chaises de camping, un ordinateur ou des assiettes qui créent des rondes et des bosses, des pointes et des pics. Une fois les objets fixés, il recouvre sa toile de blanc sur lequel il peint ses personnages, en l’occurrence les corps nus d’un homme et d’une femme se prodiguant des caresses amoureuses – plus une foule de détails amorçant autant de récits dans tous les coins. Car la narration reste la motivation première de l’artiste. « Dans chaque tableau, je cherche à raconter un maximum d’histoires…D’ailleurs, s’il faut me coller une étiquette à tout prix, c’est celle de maximaliste que je revendiquerais. Maximum de figuration et de narration, maximum de formes et de couleurs, maximum de techniques et de supports, le dessin, la peinture, la sculpture…Je me suis lancé un moment dans le dessin sur l’ordinateur, j’ai fait des performances… L’artiste doit explorer le maximum des potentialités de l’art. » 

Maximum de vies aussi sans doute. Dans celle qu’il mène aujourd’hui, Antoine Delarue, entre autres, cultive un potager et taille des rosiers sur ses traversiers. Jardinier de fleurs et de légumes côté dehors, jardinier de formes et de couleurs côté dedans. Notre « mal Helvète » au fond conjugue à merveille l’art et la nature en sa maison cévenole d’élection.


Infos pratiques
Prieuré Saint-Martin-de-Cézas

Rue Cap de Ville 30440 Sumène

Evènement Payant
Non