Rencontre avec Mahi – Aulas (30)
Depuis Aulas, dans les Cévennes
Des corps qui dansent, qui virevoltent ou qui chutent
Toute sa vie, Mahi a vécu du théâtre. Il a été à la fois comédien (sous le nom de Didier Mahieu) et scénographe (sous le nom de Mahi), et, dans sa région d’origine, la Normandie, il a participé à la création d’un théâtre, le Théâtre des deux Rives.
Puis est venu le temps des questionnements, notamment des questions théoriques sur son activité. “J’ai commencé à (ré)ouvrir des livres de philosophie – section esthétique/art – et, de question en question, de livre en livre, je fus comme happé par cette discipline: je me suis alors inscrit à l’Université de Rouen, et finalement, j’ai passé avec bonheur une licence de philosophie”.
Quand il arrive à Montpellier en 2001, il a donc ses deux bagages, théâtre et philosophie, mais a aussi envie de renouer avec les arts plastiques.
“Très vite, j’ai repris la peinture alors que j’avais arrêté pendant quinze ans. Ce passage de la philosophie à la peinture n’était finalement pas simple: je ne pouvais plus tracer une ligne, choisir une couleur, sans me poser des questions sur mon geste, j’avais perdu la nécessaire innocence, j’étais littéralement figé”.
Mahi va alors prendre une décision radicale, il arrête toute production plastique et crée la Collection philosophie de chair, une série de spectacles sur des textes de grands philosophes. Tout cela dura une quinzaine d’années, théâtralement productive, pendant laquelle son abstinence plastique, dans les actes bien réels, n’était pourtant pas définitive dans son esprit.
“Aujourd’hui, il y a toujours quelque chose en moi qui doit s’exprimer par delà les mots, avec les formes, la matière. J’ai donc repris mes outils en essayant d’oublier que je ne suis plus innocent. L’art brut m’est désormais inaccessible. Essayons l’art semi-brut”.
Dans son atelier, il peint, sculpte, il crée des installations, mais il a clairement gardé le goût du collectif, et de temps à autre, il va, en tant que plasticien à la rencontre des autres: “J’ai par exemple travaillé un mois avec une classe de sixième. Ensemble, nous avons réalisé un totem avec des déchets plastiques. C’était un “plasticophage”, un plastique qui mange lui-même le plastique. Il trône aujourd’hui dans la cour de récréation du collège de Ganges”. dans le même ordre,le comédien, peintre, scénographe, est devenu le responsable des expositions du café associatif du village où il vit dans les Cévennes.
Dans son cheminement artistique, Mahi a trouvé un point de stabilité il y a neuf ans, en choisissant de travaillre sur un thème principal, la chute des corps. En peinture, en sculpture, en installation. En couleur ou noir et blanc. Seul point commun: ces silhouettes qui se meuvent dans l’espace, souvent proches les unes des autres. “C’est un thème finalement très ouvert’, précise-t-il. Les corps en mouvement peuvent être des corps qui chutent mais tout aussi bien, d’autres regards verront des corps qui dansent.
Mahi est profondément athée, mais il a été fasciné par un tableau de Rubens représentant la chute des damnés. Et comme souvent chez Rubens, la chute, la violence, ou tout autre sentiment qui pourrait être négatif est aspiré par une force vitale démultipliée.
Mahi voit dans la Chute des corps la même ambivalence. Rien de tragique, ou du moins rien de nécessairement tragique.
Finalement toutes ces petites silhouettes, tournent, virevoltent, chutent. C’est selon l’approche de chacun.
Et pour multiplier les points de vue, autant avoir recours à des techniques et matériaux variés. Mahi ne se définit d’ailleurs pas comme peintre. “Quand je commence une oeuvre, la seule question qui m’intéresse, c’est quelle est la matière la plus adaptée à ce que je veux dire. J’ai une matière fétiche: le lin. Je couds, je soude, je travaille aussi bien la filasse que la toile de lin ou la graine”.
Aujourd’hui, il a de plus en plus tendance à aller vers des matières patinées, usagées. Ou alors il les patine lui-même comme il le fait avec le zinc: “J’achète des plaques de zinc neuves et je les laisse dans le jardin pendant un an en les recouvrant de plein de choses”.
Quand il estime que le temps a fait son œuvre, l’artiste va alors les redécouvrir et guetter les formes, les empreintes qui ont pu apparaître. Ce sera le point de départ de son travail…
“comme un homme préhistorique qui utilise la courbe du rocher pour faire la défense du mammouth”.
A.D.
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