Rencontre avec Anne Guillon
Une toile d’assez grand format, où apparaît sur les pourtours un fond beige, qui vibre de mille nuances. Si le regard se fait plus central, des masses de couleurs apparaissent, des formes, comme sorties de cette couleur neutre d’origine. Et de ces masses, de ces formes apparaissent des motifs, des empreintes
Au départ de chaque oeuvre, Anne Guillon ne pose qu’une ‘envie de couleur’. Jamais de croquis, jamais d’idée très précise. Juste une envie de couleur, sur laquelle l’artiste va faire ses premières gammes, comme un musicien improviserait autour d’un thème: elle passe plusieurs fois son pinceau, renforçant la densité de pigments ici ou là, faisant apparaître des premières formes.
Toutes ses œuvres procèdent peu ou prou de la même démarche: “Je travaille en toute liberté d’exécution, peinture acrylique, encres, huile, pigments, craies, pastels”.
Ces techniques se mélangent et viennent s’ajouter à divers procédés d’impression, d’empreintes, de collages… “La toile va devenir une terre d’asile pour toute une profusion d’éléments, de sensations, de formes. Dans ce monde informe, je vais trouver et exploiter des formes qui se détachent, alors s’ouvre le dialogue des formes et des couleurs. C’ est une construction progressive où l’intuition et l’aléatoire sont aussi essentielles que l’idée pour faire naître, émerger le sujet”.
Mais l’artiste poursuit la démarche, la mise en cohérence de ces éléments et peu à peu un personnage apparaît, voire plusieurs. Souvent au féminin. Mais cela peut aussi être un groupe de personnes, des animaux, voire des créatures indéfinies. Et voilà que les formes, les empreintes, les couleurs prennent une autre dimension, s’harmonisent avec le sujet, mieux encore: ce sont tous ces éléments disparates qui ont fini par faire naître le sujet. Et maintenant que des êtres habitent la toile, l’artiste va plus loin: ces êtres vivants, en action ou pas, vont eux-mêmes engendrer leur propre univers, comme un individu qui construit sa maison, ou comme une chenille son cocon. Pour cela, Anne Guillon multiplie les motifs, mais plus encore, les techniques utilisées sur une même œuvre: ses toiles sont souvent recouvertes partiellement de papiers, de textures différentes, qui vont accueillir de l’acrylique, de l’huile, des pastels, du fusain. Elle va en encoller d’autres qui auront préalablement reçu des empreintes d’objets, voire des linogravures.
“Cela m’arrive aussi d’utiliser le papier pour qu’il fasse directement une empreinte sur la toile”, précise encore l’artiste.
L’artiste le sait, puisque c’est sa façon de procéder. Mais celui qui regarde l’œuvre achevée le sent également: chez cet artiste, il n’est pas aberrant de s’attarder sur les détails avant de découvrir le tout. De laisser divaguer son regard pour finir par comprendre que tous ces éléments trouvent finalement leur place dans une œuvre équilibrée.
La plupart de ces personnages évoluent dans un univers fait de réminiscences, d’harmonie colorée, mais sans éléments qui permettraient de définir l’espace ou la temporalité. En revanche, tous ces motifs, couleurs, matériaux créent un univers qui contribuent à définir l’état d’esprit du personnage. Rien de plus mais rien de moins non plus.
Une démarche qui correspond parfaitement au parcours de l’artiste: Anne Guillon charge ses toiles de ces petits éléments peints, dessinés, gravés, comme elle a chargé ses valises tout au long de son existence: avec des parents enseignants en expatriation, elle a vécu une enfance voyageuse, posant ses valises dans différents pays et continents: Congo, Vietnam, Maroc, Haïti, Madagascar..
“Ce que je fais aujourd’hui dans mes toiles finalement, c’est un peu un concentré de ce que j’ai vécu. J’ai besoin que mes personnages construisent leur propre univers. Finalement, je suis maintenant bien installée à Pézenas, mais je prolonge le voyage par la peinture”.
- L’actualité de l’artiste
Exposition jusqu’au 30 juin à Poussan.
Atelier-galerie ouvert tout l’été à Pézenas