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Manon Damiens

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Manon Damiens, Aude

Le métal poussé à ses extrémités

 

Les sculptures en métal de Manon Damiens évoquent la légèreté et la fragilité d’une feuille de papier soulevée par le vent. Derrière cette légèreté, un travail d’une extrême rigueur pour contraindre le métal, animant sa rigidité et le délestant de sa lourdeur première.

Parfois, Manon Damiens pose une plume à côté de sa sculpture, invitant ainsi le spectateur à en caresser l’œuvre de métal : la légèreté de la plume va suffire à donner vie, à apporter du souffle à son œuvre.
Tout est dans cette fusion des contraires : la dureté apparente du métal, sa lourdeur supposée, et la légèreté, la fragilité d’une plume d’oiseau. Manon Damiens parvient à rendre aérien, mobile et parfois musical, le métal. Au public de le découvrir à l’aide d’une simple plume.
Pour parvenir à concilier ces contraires, Manon Damiens utilise des techniques très précises, apprises à l’école Olivier-de-Serres, qui forme chaque année une dizaine de sculpteurs sur métal : « On ne faisait pas de fonderie, mais on apprenait des techniques de dinanderie, autrement dit l’art de mettre en forme les métaux non ferreux, qu’on utilise initialement sous forme de feuille, notamment le cuivre et le laiton. On porte le métal à rouge : la chaleur le rend malléable, le métal garde ses propriétés une fois refroidi et peut-être travaillé au marteau. En fonction des métaux et de ce que l’on veut obtenir, il faut évidemment chauffer plusieurs fois la pièce. »

Puis l’artiste coupe et joint. Pour l’œuvre intitulée L’Envol, elle a martelé et mis en forme une pièce unique de métal, avant de la découper au moyen d’une scie de bijoutier. Et, pour y apporter la légèreté recherchée, elle soude sa sculpture sur des tiges, de métal également, afin de la faire flotter. « Là encore, il s’agit d’une technique de bijoutier : c’est un travail de brasure à l’argent qui permet d’assembler entre elles deux pièces de métaux différents : l’œuvre travaillée à la feuille de laiton ou de cuivre, et la tige d’acier ou d’inox. En apportant un troisième métal, cela permet une soudure extrêmement solide. »

Manon Damiens sculpte depuis seulement quatre ans, en se servant de techniques extrêmement précises, apprises dix ans plus tôt, conférant ainsi à ses œuvres une maturité particulière : « En fait, en 2003, pour l’obtention de mon diplôme, j’avais déjà utilisé ce système de tige. Dix ans après, quand j’ai décidé de renouer avec le travail du métal, je suis tout simplement repartie de ce travail. »
Tout va ensuite s’enchaîner très vite : un sculpteur alors installé dans l’Aude (aujourd’hui en Aquitaine, David Vanorbeek) découvre son travail et lui conseille de postuler à Artistes à suivre, manifestation qui anime tous les printemps la Haute Vallée de l’Aude. Nous sommes en 2013, et Manon Damiens est admise sur dossier. « J’étais ravie, mais je n’avais plus que quatre pièces réalisées dix ans auparavant pour mon diplôme ! Il m’a vite fallu trouver les solutions pour en produire de nouvelles. » Elle renoue alors avec ses contacts de l’école, trouve le matériel et se lance dans de nouvelles créations.

Rapidement, son travail est remarqué : elle obtient le prix Jeune Création de la région Occitanie et est sélectionnée en 2016 pour le festival international des Jardins de Chaumont-sur-Loire, manifestation pour laquelle elle va réaliser des sculptures plus monumentales, toujours avec les techniques de précision de la dinanderie. Et, cette année, Perpignan lui propose une grande exposition au centre d’Art contemporain, en parallèle de l’expo Picasso qui marque la réouverture du musée Hyacinthe-Rigaud.

Que ce soit dans le monumental ou dans des proportions plus modestes, les œuvres se suivent, différentes mais appartenant toutes clairement à un même univers : « On peut évidemment trouver quelques références à ce que je fais : Calder pour son travail sur les mobiles, le land art ou l’art cinétique. De manière plus globale, je pense que mon travail a un rapport évident avec la nature. J’aime que la lumière traverse l’œuvre, j’aime les interstices et j’aime le mouvement. Quand il n’est pas directement possible, je me débrouille pour le suggérer. Cela peut passer par des craquelures dans le métal, qui évoque la vie d’un végétal, ou par un travail sur le martelage ou sur sa couleur. »
Cette année, Manon Damiens a poussé encore plus loin cette réflexion en s’associant avec le sculpteur Guy Fredericq, qui propose une tout autre vision de la nature, plus brute et primitive, en travaillant entre autres le bois, la pierre ou le verre.
En associant légèreté et fragilité de l’une et  la pesanteur apparente de l’autre, les deux artistes renouvellent chacun leur vision et proposent des pièces où chaque univers enrichit celui de l’autre.
« Nous travaillons dans les deux sens, précise la sculptrice : l’un des deux apporte une pièce à l’autre, qui va la compléter, la prolonger. » Une quinzaine de pièces sont déjà nées de ce travail à quatre mains. Certaines seront à découvrir du 24 juin au 5 novembre à Perpignan et à l’espace Art point de vue de Lauzerte (82) en octobre.

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BIO

Manon Damiens a grandi dans le milieu du théâtre et, dans les premiers temps, a orienté ses études pour devenir scénographe. Puis elle a complété ce parcours par un diplôme des métiers d’art en sculpture sur métal à l’École nationale supérieure des arts appliqués et des métiers d’art Olivier-de-Serres. Pendant des années, elle va néanmoins renouer avec sa première formation et réaliser des décors pour le théâtre et le cinéma. Changement de cap avec un départ pour les terres sahéliennes, où elle vivra quatre années, à travailler avec les artisans bijoutiers de la ville d’Arlit tout en confectionnant des vêtements avec les femmes nigériennes.
Ce n’est qu’à son retour en France qu’elle s’installe avec sa famille dans l’Aude. En 2013, dix ans après son diplôme de sculpture sur métal, elle se replonge dans cet univers, et, en à peine trois ans, parvient à imposer son travail, qui bénéficie aujourd’hui d’une vraie reconnaissance dans la région et bien au-delà.

Rencontre publiée en mai 2017

Site web de l’artiste

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