BRILL Véronique

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Plasticien/ne
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Véronique BRILL

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Je vais ou le vent me porte

Véronique Brill ne conçoit pas ses oeuvres dans son atelier. Pour créer, cette artiste se laisse inspirer par un lieu, et par les matériaux qu’il peut offrir pour imaginer l’oeuvre qu’il pourrait accueillir. Une démarche qui laisse la part belle au hasard, aux rencontres, aux accidents.

Au départ, le land-art peut être un jeu d’enfant: “J’ai empilé des pierres, deux ou quatre, pour suggérer une silhouette que j’ai nommé Guetteur”.
Un jeu qu’on pratique vite à plusieurs: “L’idée d’embarquer le public dans ma création vient de ma rencontre avec trois jeunes gens, lors d’une installation dans une crique à La Ciotat. La casquette à l’envers, ils discutaient en buvant leur canettes de bière. Ils me regardaient faire, on a échangé quelques mots. Quand un passant, surpris de voir des pierres levées s’est approché et a fait tomber un Guetteur involontairement, ils se sont levés pour tenter de le refaire, ils se sont pris au jeu. Après mon départ, ils continuaient encore”.
Voilà comment Véronique Brill réalise sa première performance en 1999, en installant devant et avec le public Les Guetteurs du siècle, à la Ciotat, près de Marseille où elle habite alors. Ses créations éphémères, elle les a d’abord photographiées simplement pour en garder la trace ; puis elle a intégré la photo au processus de création. Plus tard, l’outil photographique, en lui-même, est devenu un révélateur de sa vision du monde.
Ce sera le début d’une aventure simple, mais qui va devenir de plus en plus complexe au fil des ans. Car pour chaque territoire, il faut se reposer la question du lieu, du matériau, de l’oeuvre. Le land-art n’est rien d’autre que cela, mais il est cela: une adéquation entre trois éléments.
Par essence, cette façon de travailler est fondée sur la rencontre, ce qui inclut aussi bien souvent les rencontres avec des personnes.
Ce qui fut le cas à Marseille, quand l’artiste se met en tête de réaliser des installations clandestines dans le chantier de démolition d’un quai dans le Port Autonome (PAM). Présente dans des zones interdites, elle trouve des complices parmi les ouvriers qui lui apportent les gravats pour qu’elle crée et photographie ses oeuvres sur les lieux de ce qui n’existera bientôt plus. Elle finira par se faire déloger des lieux par le commandant du port. Et quelques mois plus tard, le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône lui organise une exposition, photos et installation, dont celles du PAM.
L’acte transgressif initial finit par faire bouger les lignes et rendre caduques les frontières entre le légal et l’illégal. Là encore, rien de prévu au départ, mais une création qui trouve un prolongement au-delà de l’empilement des matériaux.

Le land-art est donc un art de dialogue, l’essentiel est de rester ouvert au “champ des possibles”. Les organisateurs prennent d’ailleurs volontiers le risque de demander à l’artiste d’improviser. En 2013, lors des Chemins de TransHumance, l’un des projets de Marseille Capitale Européenne de la culture, Véronique Brill a réalisé six performances avec le public, dans des lieux qu’elle découvrait la veille ou le jour même.
A La Roque d’Anthéron, inspirée par les filets pare-grêle des producteurs de fruits alentours, elle réalise aux lavoirs de l’abbaye de Silvacane Le 8è ciel, la source imaginante: un filet de fruitier de 150 m, des galets plats de la Durance, du bois mort. Le voile a un double intérêt: il permet des installations, mais aussi des rendus multiples en photographie.

Le lieu peut aussi être un bâtiment et le matériau un produit fabriqué, l’essentiel est le lien entre les deux. C’est ainsi qu’à Blagnac en 2018, à la suite d’une conversation avec un professeur du lycée pro Saint-Exupéry, elle est invitée à intervenir à partir de rebuts de l’aviation. “C’était cohérent et excitant: les lycéens et leurs professeurs maîtrisant des outils que je ne connaissais pas, et un matériau qui renvoie à l’industrie incontournable à Blagnac”. La découverte de trois mâts réacteurs d’A380 qui dormaient là depuis plus de dix ans (des pièces d’exception en titane, matériau extrêmement résistant et léger) sera le point de départ d’une nouvelle dimension du projet: l’oeuvre devient pérenne, allant au-delà du projet initial. Ainsi est née L’Éclosion, ou la résilience des turbulences, inaugurée en mai 2019 dans la cour du Lycée.
Après le travail du métal, Véronique Brill a rencontré le bois quand elle était en résidence dans le lycée agricole Paul Riquet à Castelnaudary. De là est né Et il devint oiseau, oeuvre toujours en place réalisée avec des tronçons de platanes trouvés dans le parc du lycée.
La prochaine étape sera sans doute une oeuvre réalisée avec les planches d’un très vieux et grand foudre qui l’attendent dans le domaine du Falcou à Colomiers. “Peut-être pourrais-je encore travailler avec un lycée professionnel spécialisé dans le travail du bois”.
“Dans ces œuvres participatives j’ai un réel sentiment de partage, j’apprends et apporte autant que je donne et reçois. Ce qui compte finalement, c’est d’accepter les éléments contraignants qui obligent à se renouveler et à se former sans cesse à de nouvelles techniques”.
Une situation d’instabilité qui convient à cette artiste qui ne peut de toute façon imaginer la vie autrement, elle qui a eu l’immense douleur de perdre Yvain, son fils cadet il y a quelques années. “Cela a changé ma perception de la vie et de la mort et, à coup sûr, influencé mon inspiration. Aujourd’hui, plus que jamais, mon travail balance entre rêve et réalité”.

Véronique Brill
Vit à Toulouse depuis 2012. Autodidacte. Alterne land art, performances, photographies….

« Les 30 Artistes Occitanie »
Présent dans l'édition 2020 ou 2021
Galerie virtuelle