A Carennac, une exposition met en avant l’attachement de la photographe Gisèle Freund aux terres du Lot
Le Festival Résurgence organisé par la communauté de communes du Nord du Lot, Cauvaldor, s’intitule, cette année, Eternel Refuge et est centré sur la présence de la photographe et sociologue Gisèle Freund, disparue en l’an 2000, de nombreuses années dans le Lot.
Cette femme allemande, juive et communiste avait dû quitter l’Allemagne dès l’arrivée au pouvoir de Hitler en 1933, et avait trouvé refuge en 1940 à Saint-Sozy, village lotois à l’extrême nord du Lot, près de Souillac. Vingt ans plus tard, la photographe, désormais photographe reconnue, achète une maison à Carennac et va participer à la vie culturelle de la région.

L’exposition revient sur l’attachement de Gisèle Freund à ces terres lotoises, et le travail qu’elle va y faire autour de l’art moderne, la région et la vallée de la Dordogne.
A voir jusqu’au 2 novembre, à Carennac (Lot), Festival Resurgence.
Extrait de la présentation de Gisèle Freund par Nathalie Neumann Historienne de l’art et de la photographie documentaire, chercheuse de provenance des œuvres d’art, dans le catalogue de l’exposition:
« Gisèle Freund, une photographe berlinoise au bord de la Dordogne : 1940 et 1970. »
Lorsque l’étudiante berlinoise Gisèle Freund (1908-2000) dut fuir l’Allemagne pour Paris en 1933 – persécutée en tant que juive et communiste – elle ne se doutait pas qu’elle serait à nouveau en fuite en France en 1940, et finirait par prendre la route du Lot. Elle venait alors de déposer sa thèse sur la sociologie de la photographie et avait commencé avec succès une carrière de photographe portraitiste. La libraire parisienne, son amie Adrienne Monnier (1892-1955), lui avait apporté un soutien significatif en lui suggérant de représenter les clients et les auteurs de sa Maison des Amis des Livres : les écrivains de l’avant-garde et de l’entre-deux-guerres, notamment Paul Valéry, André Malraux, Louis Aragon, ou des musiciens comme Francis Poulenc et Erik Satie.
Gisèle Freund en rencontra à nouveau certains d’entre eux en exil dans le sud-ouest de la France, dans les villages au bord de la Dordogne, où unréseau de résistance artistique et littéraire s’était développé autour de l’éditeur Pierre Betz (1899-1969) à Souillac. Gisèle Freund a été accueillie par la famille des épiciers à Saint-Sozy, où elle passa un an cachée, ce qui lui permit d’envoyer des lettres et des colis à ses amis persécutés tels que le philosophe juif allemand Walter Benjamin, et de préparer sa propre fuite en Amérique du Sud. Très peu de documents ou de photos ont survécu de cette période.
En 1941, Gisèle Freund est à nouveau obligée de partir et se réfugie en Argentine où l’accueille l’écrivaine et éditrice activiste Victoria Ocampo (1890-1979).
Ce n’est que dans les années 1960 et pour ses vacances que Gisèle Freund revient au bord de la Dordogne. Son amie Solange Stern possède une maison de vacances à Carennac, où elle est fréquemment invitée. Elle achètera la maison voisine dans les années 1970.
En plus du paysage, des moutons et des pierres, Gisèle Freund photographie la vie de ses voisins et amis, ainsi que des événements tels que mariages et concerts dans la cour pittoresque du prieuré médiéval du village. C’est avec Françoise Tournié, galeriste pariseinne et carennacoise, que Gisèle Freund documente l’art moderne dont nombre de ses représentants sont réfugiés en période estivale dans le Lot.
À Paris, le ministère de la Culture lui décerne en 1980 le Grand Prix National de la Photographie. Elle réalise en 1981 le portrait officiel du président François Mitterrand. Décédée à Paris en 2000, elle est inhumée au cimetière Montparnasse. Son archive a été déposée à l’IMEC (Caen).




