Rencontre avec Caroline Milin, Perpignan
La femme, en majesté et en filigrane
L’artiste peintre catalane Caroline Milin peint des femmes, des déesses, des femmes “à fleur de peau” ou “sans concession”, pour reprendre quelques titres de ses séries.
Quasiment toujours, ces femmes se fondent dans leur contexte: la femme demeure, solide, stable, souvent de face, mais est traversée par différents univers en fonction des séries de l’artiste. Par des effets de transparence, les grands feuillages se prolongent sous les traits de son visage, ou alors les lignes d’écriture la traversent, quand ce n’est pas un grand papillon qui vient se superposer à son visage, les yeux du modèle devenant un motif de plus dans l’aile de l’animal.
Car plus que la femme elle-même, ce que Caroline Milin travaille, c’est “le territoire intime féminin, la place de la femme dans son rapport au monde et au mystère de la vie (…) Je choisis le portrait de la femme comme sujet central, avec cette recherche incessante de mise en équilibre du principe féminin dans notre société”.
Pour parvenir à cette mise en équilibre, l’artiste n’hésite pas elle-même à se confronter au désordre initial: elle ne rechigne pas à des performances en direct, où elle va jouer de ces motifs qui se superposent jusqu’à trouver l’équilibre général: équilibre dans les formes, dans la palette, mais plus que tout, équilibre entre le sujet principal (la femme) et le contexte qui vient se fondre plus ou moins avec elle, comme si le va-et-vient était dans les deux sens: la Femme trouve son équilibre dans le monde extérieur, et le monde extérieur ne pourrait être ce qu’il est sans cette Femme en son centre. “Ces personnages sont des déesses, des gardiennes des liens, elles possèdent en elles toute l’énergie de la vie et le savoir de la mémoire” explique l’artiste.
Caroline Milin n’a pas choisi ce motif, cette centralité de la femme, suite à des théories ou des analyses sociologiques. C’est davantage son parcours et son histoire familiale qui l’ont guidé vers ce motif: ‘J’ai été élevée par ma grand-mère dans un moment charnière de ma vie et entourée des portraits de toutes les femmes de la famille sur plusieurs générations. J’ai vite développé une obsession des regards des femmes. Ces yeux qui me dévisagent sont autant de portes ouvertes sur leurs histoires et sur leurs émotions”.
Dans mes oeuvres, je vais au cœur de l’intime du féminin, de son énergie, de ses forces et ses faiblesses, au cœur des mémoires du corps, des mémoires des femmes, avec l’intention de créer des passerelles entre les différents mondes régis par la conscience.
J‘utilise la peinture, les craies et des techniques d’impression pour définir la manière dont s’entremêlent ses mondes, ces paysages (corporel, animal, végétal et symbolique). D’un geste vif et intuitif, je stylise le monde sensible et invisible. Le décor est posé, le sujet prend alors vie. La couleur est choisie de manière précise. Les noirs sont profonds, et viennent poser la structure de l’œuvre.
La représentation est donc riche de motifs, d’autant plus que pour l’artiste, le dessin est inhérent à la peinture. “Il souligne un mouvement, une énergie, une tension tout en mettant en valeur la douceur des regards”. Il n’est pas un préalable à la peinture, mais une trace de la peinture en train de se faire.
Le support, lui aussi, renvoie à ces notions de multiplicité des expressions, énergie des possibles: “J’utilise des supports tels que le papier et le tissu, matières poreuses et malléable comme la peau. Je superpose des couches d’acrylique diluée, de collage de gravures et de lignes au fusain à l’image de la complexité des sensations, émotions et traces qui constituent les mémoires du corps”.
L’artiste peut même aller plus loin avec ses gravures sur plexi. La gravure tirée sur papier montre une femme, mais le plexi que l’artiste expose également est d’une lecture plus compliquée: Caroline Milin avait utilisé les deux côtés des plaques: le buste de la femme se superposait donc à ses jambes.
Chez Caroline Milin, rien n’est jamais aussi simple qu’il n’y paraît….
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BIO
Née à Montpellier en 1980, j’ai grandi dans le Tarn à la campagne. A l’adolescence, je retourne sur la terre de mes anciens en Catalogne Nord. Je m’installe après mes études d’art et de médiation culturelle, dès 2008 à Perpignan en tant qu’artiste.