Du 4 novembre 2023 au 10 décembre 2023
Jean-Paul Héraud
La première des installations que Jean-Paul Héraud confia à la librairie, en 1986, fut conçue pour et dans son architecture : Ciel raisonné enveloppait le visiteur de peintures, tendues sous la voûte de bois. Très vite, la librairie édita avec l’artiste un port-folio de neuf gravures.
Sans doute le titre de cette série, Poumons d’attaque, voulait-il témoigner alors du souffle, de l’énergie dispensée dans le travail du bois, cisaille, entaille, découpe… Peu après, c’est en 1991, la série Ta calibène, Pierre. Ainsi avançait Jean-Paul Héraud pour désigner un nouvel ensemble de peintures, dans la réminiscence de Pierre Rivière et de Michel Foucault. C’est plus tard encore, non loin du passage du millénaire, Quelques lés d’un sans-mots pour le Mômo. Avec la mine de plomb, les couleurs, des techniques mixtes, le salut à Antonin Artaud, à ses dessins, à ses cris, à ses mots-mots. Ce temps paraît loin, mais pas autant que cela. L’éloignement ne signifie pas l’abandon, pour l’artiste, le travail continue, dans la succession des jours, des lumières et des obscurités de l’atelier.
Aucun atelier ne se ressemble. Pourtant, tous semblent porter en commun une attention, celle de conserver les traces d’une oeuvre. Que ce soit dans la confusion, dans le désordre, dans la rationalité, ou aux confins de l’obsessionnel, on dirait partagé un souci de soi qui consiste pour l’artiste à pouvoir retrouver les empreintes de ses mains, de son histoire, de ses fantômes.
Jean-Paul Héraud a installé le sien près de la Garonne, il y a longtemps. De là, il peut voir les premières crêtes des Pyrénées, les ciels, les saisons, les variations des couleurs, des lumières.
Je n’avais pas pénétré l’atelier depuis longtemps.
Le choix du retrait peut-être, propre aux incertitudes d’un art, la peinture, qui regagne depuis peu de temps le chemin des centres d‘art et des galeries. J’y ai retrouvé ce que je savais du peintre, son insatiable inventivité, la lumière qu’il faut aller chercher au coeur des matières, ses emblèmes, ses motifs, ses séries. Tout comme avant, le support de bois ne résiste pas à l’assaut des outils de Jean- Paul, gouge, couteau, cutter, que l’artiste vient recouvrir des pigments qu’il fabrique. Sous les fumées parfois arrogantes de l’usine de Saint-Gaudens, la cellulose blanchit le bois. Aussi, le peintre quitte parfois le matériau brut pour le papier ou pour une matière hybride qu’il affectionne.
Et c’est encore et toujours la couleur, dans ses poudres, dans ses matières, dans ses siccatifs, qui vient solliciter le regard, l’interroger, et parfois le prendre en otage.
Montrer. Il y avait dès lors l’évidence de faire retrouver aux productions de l’atelier de Jean-Paul le chemin de la ville, de ses rues, de la galerie, de la librairie, de ses visiteurs. De ses lecteurs. En effet, parmi les productions de Jean-Paul Héraud, il y a lieu de s’attarder sur l’accompagnement des poètes. Un grand nombre de livres d’artiste provient de ces liens spirituels et amicaux, que le geste de l’éditeur d’art est venu transformer.
Nous donnerons, dans les deux galeries de la rue Mirepoix, du 3 novembre au 12 décembre, l’espace propre à découvrir, de bois, de papier, des séries de « têtes », de « bâtons », oeuvres récentes de Jean-Paul Héraud. Et quelques-uns des livres partagés. Ce bulletin est composé des hommages de ses amis poètes. Que de ce compagnonnage ils soient remerciés.
Christian Thorel
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