HR Giger, Surréalisme noir
Peu de créateurs contemporains suscitent la même fascination que celle exercée par H.R. Giger (1940-2014), figure mythique du monde cinématographique et du design. Cet artiste suisse protéiforme a mené une intense carrière depuis les années 1960 jusqu’à sa mort et il a créé une œuvre graphique qui est l’expression d’un univers personnel, dans lequel Giger s’érige en créateur de formes impossibles et de mondes fantastiques. Son univers se situe dans la zone obscure, dans les cavernes et dans les ténèbres, un monde où des machines inconnues et des monstres abominables sont aux aguets. Mais Giger est avant tout un artiste plastique, un dessinateur, un sculpteur, mais surtout un peintre, comme il se définissait lui-même, avec un style propre et unique, qu’il dénommait « biomécanique », synthétisant des formes d’origine naturelle (le biologique) et artificielle (le technologique) avec grande adresse.
Cette symbiose est traitée sur le plan iconographique par l’union entre l’organique et l’inorganique, entre des anatomies et organes et des objets industriels, entre la chair et le métal. Mais une chair maladive et putréfiée et un métal corrosif et sale. Il ne s’agit pas d’une union agréable, mais plutôt compliquée et parfois incommodante, qui provoque inquiétude et désarroi. Et c’est là l’une de ses grandes contributions à l’art moderne, un concept exploré et élaboré pour créer une esthétique propre, qu’il utilise pour aborder la problématique qui entoure l’être humain contemporain et tout spécialement à l’ère technologique, où l’homme semble devenir l’esclave des machines qui envahissent son milieu. La figure de Giger est immédiatement associée à sa création la plus célèbre, le monstre vedette du film Alien, le huitième passager (Alien, Ridley Scott, 1979).
Giger est essentiellement connu comme créateur d’atmosphères claustrophobiques et dessinateur de monstres, suite au succès de ce film-culte qui a marqué significativement sa carrière. La critique spécialisée signale que son travail dans Alien a bouleversé les formes de la science-fiction. Il a créé un nouveau concept de terreur spatiale et, par conséquent, de peur de l’inconnu, avec son image d’un être aux dimensions mythologiques, qui est devenu le monstre moderne le plus célèbre. Une icône qui équivaut dans la science-fiction à ce que représentent Dracula ou Frankenstein dans le genre de l’horreur.
Suite à l’obtention de l’Oscar en 1980 pour sa collaboration à Alien et sa diffusion mondiale, Giger n’a cessé de recevoir des commandes d’Hollywood pour la réalisation d’autres projets cinématographiques. Sa production personnelle ne sera plus celle des années 1970, qui fut sans le moindre doute sa période de splendeur. Giger n’imagina jamais que son monstre pourrait avoir un tel succès, au point d’éclipser ses autres travaux. Il s’est vu « dévoré » par sa propre créature, qui l’a dépassé et qui est à l’origine de l’une des sagas cinématographiques les plus productives de l’histoire récente.
Carlos Arenas, commissaire de l’exposition
L’exposition célèbre conjointement le 10e anniversaire de la mort de l’artiste suisse (2014) et le centenaire du premier manifeste surréaliste (1924). Une large sélection d’œuvres de H.R. Giger sera présentée : peintures, sculptures, sérigraphies, dessins, photographies et matériel audiovisuel. L’exposition est complétée par des œuvres de Hans Bellmer, Salvador Dalí et Ernst Fuchs, qui explorent la relation de Giger avec le mouvement surréaliste. C’est au total près de 100 œuvres originales qui seront exposées.
Après son passage à Perpignan, l’exposition voyagera ensuite vers le Centre d’art contemporain Les Bernardes de Gérone, à partir de septembre. La collaboration du HR Giger Museum (Gruyères) a été décisive dans ce projet.
Son œuvre est reconnue comme l’une des plus fascinantes du XXe siècle ainsi qu’une source d’inspiration pour de nombreux artistes contemporains. H.R. Giger a aussi nourri le cinéma, la mode, la littérature, le graphisme ou la musique. En 2024, plus d’un demi-siècle s’est écoulé depuis l’irruption de Giger dans le monde de l’art. La pléthore d’évènements culturels qui l’ont mis en scène dans la dernière décennie illustre son extrême pertinence avec les courants artistiques actuels.