A Pamiers, Les Mille Tiroirs inventent des “Typographies inclusives”
L’association Les Mille tiroirs a imaginé une « typographie inclusive », ce qui n’existe pas à ce jour, mais qui pourrait se concevoir, fondée sur l’idée d’écritures inclusives.
Elle a pour cela proposé aux artistes de créer des typographies fondées sur l’idée d’écriture inclusives, autrement dit de mettre en oeuvre différentes règles et pratiques, souvent contestées, destinées en principe à éviter les discrimination de sexe dans le langage et l’écriture à travers le choix des mots, la syntaxe, l’orthographe ou la grammaire.
Il s’agit avec des formes langagières, d’une part, ne pas invisibiliser les formes féminines et, d’autre part, de neutraliser la « binarité » de genre.
Pour y parvenir, l’association a lancé un appel aux artistes et graphistes. Pour beaucoup, il ne suffit pas de promouvoir une écriture inclusive, qui alourdit la graphie, mais il faut au contraire créer de nouveaux signes à vocation universelle.
Un jury paritaire de 8 personnes (4 femmes et 4 hommes) a alloué trois bourses aux trois premiers projets retenus. Une collaboration active avec les médiathèques et les établissements scolaires, une rencontre de chercheurs ainsi que des actions culturelles sont mises en place à cette occasion avec la collaboration des lauréats.
Le jury a notamment regardé si l’artiste proposait un caractère innovant, créatif, contemporain de la démarche esthétique ; s’il avait recours à une police de caractères existante ou s’il créait ex-nihilo une police de caractères ;
Il s’est aussi penché sur la lisibilité de la proposition et son intégration potentielle à une charte graphique, et sur la faisabilité technique en matière d’écriture manuscrite et d’imprimerie.
Les trois lauréats: Anthony Visconti ; Marie-Noëlle Pécarrère et Véronique Moser.
- Anthony Visconti:
Provenant des Hautes-Vosges, Anthony Visconti a obtenu son DNSEP à l’École Supérieur d’Art de Lorraine à Metz. Il vit et travaille dans cette ville et est actuellement guide médiateur au sein du service Patrimoine culturel du Pôle Culture - Marie-Noëlle Pécarrère
« Je me suis inspiré d’une police Art déco en l’adaptant aux symboles de genres existants, pictogrammes ou un glyphes utilisés pour représenter le sexe biologique ou le genre sociologique (distinction terminologique issue de la sociologie des années 1950) pour les détourner en caractères typographiques.
La stylisation de mes caractères typographiques choisis pour ses pleins demi sphériques fait implicitement référence au mythe de L’Androgyne du discours d’Aristophane dans Le Banquet de Platon avec la forme circulaire ou demi-circulaire, surmontée des attributs féminins et masculins. Selon Aristophane, l’androgyne était un genre distinct qui tenait de l’homme et de la femme : Ces êtres humains, orbiculaires, présentaient la forme d’un œuf. Chacun était double : quatre mains, quatre pieds, deux visages placés à l’opposé l’un de l’autre et, surtout, deux sexes placés sur ce que l’on appelle aujourd’hui la partie postérieure de l’être humain. Ce que l’on appelle le mâle dispose donc de deux sexes masculins. Dans le cas de la femelle, les deux sexes sont féminins. Pour l’androgyne, l’un est masculin, l’autre féminin. La forme circulaire rappelle leur origine astrale.
(…)
Pour représenter l’initiale « h» de l’homme dans ma typographie inclusive, j’ai surmonté le caractère du symbole de l’attribut masculin en flèche et inversement pour l’initiale « f » de femme, auquel j’ai rajouté la croix du symbole de l’attribut féminin. Cela correspond au genre Cisgenre soit une personne dont l’identité de genre (masculin ou féminin) correspond au sexe avec lequel elle est née. C’est le même principe avec le caractère typographique du « p» de Pan-genre signifiant une personne qui s’identifie à tous les genres, principe repris dans le « g » de Genre fluide avec le caractère du « p » de Pan-genre, pour les personnes dont le genre oscille entre la masculinité et la féminité. Le « o » de Non binaire signifiant un genre, ni homme, ni femme, s’inspire directement d’un de leurs glyphes et il est dénué des symboles des attributs féminins et masculins. Nous retrouvons dans ce glyphe la symbolique graphique de L’Androgyne de Platon dans son intégralité sphérique originelle.
Je propose donc de réaliser une installation avec mes caractères typographiques sous la forme d’un planétarium en calligramme mural ou je réattribue à chaque astre une lettre de mon alphabet inclusif selon les initiales de leurs patronymes combinés à leurs symboles alchimiques. - Véronique Moser
Le travail artistique de Véronique Moser se nourrit des contradictions de l’époque actuelle mais aussi de leur charge poétique. La profusion des informations, des objets, des statistiques et d’événements agissent en permanence sur notre quotidien et le rendent multiple. Amasser, thésauriser pour finalement jeter… nous rend paradoxalement fragiles et déraisonnables, cette constatation est la base de la réflexion de l’artiste.
Ne voulant privilégier aucune technique, mais cherchant à adapter divers procédés (dessin, photo, canevas, collection,…), sa pratique raconte cet état des choses.
- Les projets retenus font l’objet d’une exposition à Pamiers du 15 novembre au 27 décembre 2022 à Pamiers (Office du tourisme, Place de la Poste, – Providence, 25 rue Gabriel Péri, – Librairie des temps modernes, 18 rue des Jacobins, – Librairie Le Bleu du Ciel, 15 rue Victor Hugo).