VIGNEAU Sophie

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Dessinateur/trice, Graveur
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Mme Sophie VIGNEAU

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Cet article présentant l’artiste et son travail est paru dans le livre Artistes Occitanie: les 30 artistes 2022.

Fondamente (12)
Sophie Vigneau
Etre à l’affût devant la nature et ses multiples possibilités

Sophie Vigneau peut s’inspirer de choses simples qui l’entourent: végétaux, cailloux, animaux, etc. Mais elle prend à chaque fois le sujet à bras-le-corps et le traite avec des techniques sans cesse différentes.

Pendant le confinement, Sophie Vigneau a finalement fait ce qu’elle avait de toute façon toujours fait: regarder autour d’elle, prendre dans les mains, ramasser, retourner les choses dans tous les sens pour s’en inspirer. Autrement dit, rester dans la nature, à son contact.
“Tout mon travail d’artiste part de ce que je trouve autour de moi” , explique cette artiste qui vit dans un environnement particulièrement riche: son atelier est installé dans une ancienne scierie en bord de rivière dans le Sud Aveyron. De quoi se laisser séduire par des végétaux, des minéraux, mais également par des choses plus insolites: le bief, autrement dit le petit canal qui entraînait le moulin de la scierie, ou encore les animaux qui ont habité les lieux: souris, rats, chauve-souris.
Et, dans ce contexte, chaque animal prend évidemment une autre dimension: les souris? « Bien sûr, il y a toujours les souris, métaphores vivantes de l’animal destiné au piège”, précise l’artiste. Mais la souris chez Sophie Vigneau, comme l’a remarqué Nicolas Surlapierre, conservateur, “c’est aussi l’artiste elle-même, qui met tout en œuvre pour échapper à la nasse, pour se libérer de sa (bonne) éducation, des codes incontournables de la vie en société, des souvenirs de jeunesse qui ont déterminé son parcours…, et qui menacent de paralysie sa création”.
De quoi réaliser des oeuvres qui peuvent ensuite se lire à plusieurs voix.
A l’affût, l’artiste a également récupéré dans la scierie de petits “boudins en crin végétaux séchés” qui, mis bout à bout, évitaient aux matelas de glisser sur les sommiers.
C’est une chose de trouver “inspirants” tous ces éléments donnés par la nature ou l’activité passée d’un lieu. C’est autre chose d’en extraire une oeuvre.
Sophie Vigneau se laisse aller à creuser son inspiration d’un medium à l’autre. Le point de départ reste très souvent la gravure, comme une empreinte majeure, une rencontre dont on ne se défait pas. Mais très vite, l’artiste approfondit son thème à travers d’autres techniques: peinture, dessins, livres d’artiste, photos, polaroïds, boîtes, vidéos, installations…
L’intérêt vient évidemment d’une rigueur dans la démarche qui canalise le tout, en essayant à chaque fois d’enrichir le sujet pour en tirer le plus de créations possibles.
C’est ainsi que le thème des « Raticés », petits rongeurs qui avaient trouvé refuge dans la scierie avant son installation, est récurrent dans son œuvre depuis 2000.

Cette pluralité des approches n’est pas teintée de nostalgie, au contraire: Sophie Vigneau ponctue son travail d’arrangements multiples où la peinture, le dessin (le trait) demeurent néanmoins essentiels, comme une forme de résistance.
Son œuvre de 2001, Les souris de la Sciourie sont chargées de cette sorte d’humour et de gravité. Souris de la Scierie qu’elle observe, sorte d’affût où elle retrouve cette position de l’artiste observant longuement un animal. Sur la toile, le métal (gravures), les pochettes de papier kraft ou le livre d’artiste, les souris demeurent des rongeurs, mais sont aussi bien autres choses, certaines confinent à l’abstraction ou semblent sortir de peintures rupestres. Certaines ont l’air renversées, d’autres écartelées si bien que le visiteur rentre dans la chair même de ces souris mais sans réelle cruauté car cette chair est matière, peut-être douleur comme dans tout souvenir.
Ses derniers travaux autour des cailloux et des biefs, des méduses ou des planètes s’appuient une fois de plus sur son sens de l’observation pour en accoucher de créations particulières.
Le travail autour des cailloux montre tout particulièrement l’évolution de l’approche apportée par le choix des techniques. Au départ, de petits cailloux s’entrechoquent, s’assemblent, s’équilibrent pour retrouver leur position plastique. Et puis l’artiste les associe dans des aquatintes, eaux-fortes qui les redynamise en thaumatropes et les place dans une œuvre complète.
Quand elle travaille sur les petits boudins de crins végétaux, elle adapte la technique de gravure: elle bouge les deux plaques initiales d’un quart de rotation lors de l’impression. Les plaques sont ensuite toujours trempées dans le perchlorure de fer. L’acide plusieurs heures sur plusieurs jours, passe au travers de certaines plaques, laissant un rendu de gaufrage.
Sortant du thème choisi initialement, l’artiste se laisse ainsi happer par les possibilités techniques tout en restant dans la cohérence.
La méthode est la même dans la série des méduses lacustres: le processus de création associe à la fois la recherche aléatoire et la technique de l’estampe. Des lentilles restées attachées au fond d’une casserole sont le point de départ, reportées sur des plaques de cuivre par la technique du vernis mou. Elles sont ensuite écrasées en passant sous la presse, donnant cette impression de méduses.
Après les méduses, micro-monde à part entière, l’artiste s’est attaché à rendre compte des planètes, poursuivant ainsi cette recherche “entre animal et étoiles inaccessibles”. La base est la même: des lentilles attachées au fond de la casserole, et reportées, avec une cuisine-chimie propre à l’artiste, sur du vernis mou.
L’œuvre frappe par son étrangeté et sa multiplicité. Le regard est saisi par cette démarche qui part d’une chose très concrète (en l’occurrence, des lentilles), recourt pour l’exprimer à un autre élément très concret (une méduse, une planète) pour en tirer une matrice, dont l’encrage déterminera les impressions qui, elles, peuvent flirter avec l’abstraction.
Le petit rongeur, la méduse, la planète, tous offrent des possibilités infinies à qui sait les regarder.

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BIO
Née en 1960 dans le Lot-et-Garonne mais d’origine espagnole, Sophie Vigneau installe son atelier en 2001 à l’ancienne scierie au bord de l’eau de Fondamente dans le Sud-Aveyron.
Autodidacte, elle s’est formée à la gravure et à d’autres techniques auprès d’artistes à Paris et Chaville, de 1990 à 2000.
Depuis 2002, elle anime des ateliers autour de l’estampe et du livre d’artiste en milieu scolaire, dans les hôpitaux et en maisons de retraite EHPAD. Depuis 2006, elle organise aux Ateliers de la Scierie des expositions et des résidences d’artiste.
Elle collabore avec les associations de gravure Estampadura (Toulouse), Sud Estampe de Nîmes et Artpage d’Octon ainsi que Graver maintenant et Manisfestampe de Paris. Elle présente ses estampes dans les Arthothèques de Millau et Rieupeyroux en Aveyron.
http://www.sophie-vigneau.com

« Les 30 Artistes Occitanie »
Présent dans l'édition 2020 ou 2021
Galerie virtuelle