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Philippe Pujo, Bagnères de Bigorre (65) 

 

Philippe Pujo aime raconter des histoires, imaginer des rencontres improbables dans chacune de ses toiles. Il propose une peinture narrative immédiatement séduisante tout en restant ouverte à différents degrés d’interprétation.

Depuis l’été 2015, Philippe Pujo a renoué avec un plaisir d’enfant : raconter des histoires. « J’ai grandi devant un calendrier de la poste à m’inventer des histoires devant les photos proposées. Et finalement, c’est un peu cela que je réalise aujourd’hui : proposer dans chaque œuvre de quoi imaginer une histoire, une vie, des liens entre les éléments ».
La décision a été prise, et l’impact sur son travail immédiat : pendant des années, l’artiste pratiquait en effet une peinture toute différente. D’un côté, une peinture abstraite, toute dédiée à la recherche des harmonies de couleur et de l’autre, des dessins au stylo bille au contraire très figuratifs.

Aujourd’hui, dans son atelier de Bagnères-de-Bigorre, au cœur des Pyrénées où il a grandi, le peintre a trouvé son propre langage au bout de son pinceau. Chaque toile raconte quelque chose, met en relation des éléments qui dialoguent de manière parfois surréaliste : ici, des ingénieurs qui étudient un plan pour finir la tour de Babel ; là, un autre qui semble se demander pourquoi la Tour de Pise penche autant;  dans d’autres, le Panthéon et Sainte-Sophie ressemblent à des phares qui attirent les foules sans qu’on sache trop pour quelle raison…

D’une toile à l’autre, quelques constantes : la présence de l’homme, bien sûr. Avec en ce moment plusieurs toiles où le monde de la construction est bien présent : architectes, ingénieurs, ouvriers devant une bétonneuse. Rien n’est fini, tout est encore à construire, ou à perfectionner que ce soit la Tour de Babel, la Tour de Bise, le Château de Chambord.

Même chose dans la peinture : rien n’est fini, tout est encore à construire. Pinceaux et pochoirs en main, Philippe Pujo construit, sur les bases laissées par ses prédécesseurs, mais en essayant d’ouvrir vers de nouveaux scénarios.

Les scènes représentées comportent toutes des éléments clairement identifiables, mais figurant désormais dans un environnement insolite. Et ce ne sont pas les traces d’écriture, nombreuses dans les toiles, qui vont éclairer la scène. « J’aime les lettres aussi pour leur côté graphique. Souvent, je les utilise à l’envers. Elles sont là davantage pour dynamiser le tableau que pour l’expliquer ».

Les lettres qui se baladent d’un tableau à l’autre créent également un lien avec le street-art qui a commencé avant tout par le graffiti. Philippe Pujo ne le renie pas et établit même un autre lien avec cet univers en ayant recours assez facilement au pochoir.  « Je trouve cet outil intéressant, car il apporte une dimension autre que les motifs peints à la main. Dans un même tableau, on peut avoir des choses peintes au pinceau, ici et maintenant, et des choses plus distanciées, qui semblent reproductibles à l’infini, même si le travail du pochoir permet lui aussi toutes les nuances ».

Dans Babel, la Tour que Philippe Pujo a empruntée à Jérôme Bosch est ainsi peinte avec un pochoir, comme quelque chose d’intemporel, qui traverse les époques. Les deux ingénieurs eux aussi ont quelque chose d’un peu figé, dû à ce travail au pochoir, comme si la construction s’était arrêtée de manière abrupte, alors qu’ils étaient en plein travail… Ici, seule la nature a droit au pinceau du peintre. C’est finalement elle qui représente l’élément le plus dynamique de la scène.

Avec la tour de Pise ou le château de Chambord en revanche, le contraste n’est plus le même : les monuments, réalisés au pochoir, semblent eux aussi sortir d’on ne sait quel passé, mais les personnages, eux,  sont bien ancrés dans le présent, mis dans la toile par le pinceau du peintre une fois et une fois seulement.

Le pochoir intéresse donc l’artiste pour le contraste qu’il apporte avec le travail au pinceau, pas forcément pour la possibilité qu’il offre de reconduire le motif à l’infini : « J’utilise un même pochoir pour deux ou trois toiles éventuellement, mais guère plus. Ce n’est pas le but ».

Autre point commun de la plupart des toiles de cet artiste pyrénéen : la montagne. Philippe Pujo n’hésite pas : le Panthéon ou la tour de Pise sont transportés de quelques coups de pinceaux au milieu des massifs montagneux (il n’y a guère que Chambord qui reste en plaine…), et n’en paraissent que plus fragiles. Le côté majestueux, quand le monument domine un paysage urbain, disparait évidemment, au milieu de sommets qui le dépassent. Les hommes, pourtant, continuent à vénérer les lieux comme avant : le Panthéon ou Saint-Sophie illuminent et attirent les hommes comme des aimants. Les monuments brillent au point que toutes les ombres des personnages tournent autour du monument comme autour du soleil. L’homme fuit une menace imprécise pour se réfugier dans un lieu qui a pourtant perdu de sa superbe… Pire même : les fondations du Panthéon font douter de sa solidité, et les minarets de Saint-Sophie ressemblent furieusement à des fusées pointées vers le ciel…

Les scènes sont toutes différentes mais les éléments passent d’un univers à l’autre et apportent la continuité au travail : en dehors des signes d’écriture et de l’utilisation du pochoir, on peut aussi s’attarder sur les oiseaux, qui habitent discrètement la plupart des toiles. Un trait, deux traits de pastel gras, et voilà des volatiles bien vivants, éléments apaisants dans des scènes souvent assez inquiétantes. Les bâtiments ne sont jamais finis, ou ne tiennent pas debout, les avions menacent, les missiles font leur apparition, mais tant qu’il y aura des oiseaux dans le ciel…

BIO

Philippe Pujo a passé son enfance dans les Pyrénées et continue d’y vivre. Il quitte l’école à 16 ans, pour renouer avec les études grâce à un groupe d’amis. Il se passionne alors pour l’histoire de l’art et la philosophie, au point de passer un  Master qui porte sur la théorie de la connaissance.
En parallèle de son travail de peintre, il crée une société, Toiles de France, où il prépare lui-même les toiles (apprêt, encollage, châssis, etc) pour les autres peintres des environs.

Aujourd’hui, il se consacre entièrement à sa peinture.

 

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