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Oana Damman, Albas (11)

Le monde construit et onirique d’Oana

 

Oana

Dans un tout petit village des Corbières, habite une artiste qui transmue les paysages en visions colorées et oniriques. Oana est une artiste qui parvient à faire de son regard différent un vecteur artistique accessible à tous.

Dans le petit village d’Albas, au cœur des Corbières, vit un couple un peu à part: Oana et sa maman, Anne Cornaly. Oana lit beaucoup, parle avec humour, connaît et salue tous les gens de ce village de 80 habitants. Bref, elle est autonome, sans doute beaucoup plus que la plupart des trisomiques.

Anne veille néanmoins au quotidien sur elle, pour lui faciliter au maximum l’existence. Et l’existence, pour Oana, tourne autour du dessin.

Oana dessine, plusieurs heures par jour. A partir de photos qu’elle souhaite toujours en noir et blanc, ou sans aucun support de départ. Dans le premier cas, elle réalise quelques croquis avant de passer au pastel sur de grandes feuilles format raisin. Dans le deuxième cas, elle part directement le pastel à la main. Apparaissent alors des paysages, des visages, ou des visions oniriques où les feuilles des arbres deviennent visages par exemple.
Dans tous les cas se dégage une harmonie et un équilibre évident des couleurs, de la construction. Le monde d’Oana est construit, maîtrisé. Quand elle s’empare de Don Quichotte, pas de doute, le grand cavalier espagnol est bien là, sur son cheval et la vision qu’en a Oana rajoute quelque chose à la mythologie déjà très riche du personnage.

“Oana a fait ses études jusqu’en terminale, sans en avoir le niveau bien entendu mais avec une vraie joie devant la littérature et surtout la philosophie, explique Anne. A l’époque, elle aimait bien dessiner, et puis elle a eu la possibilité de faire de la tapisserie. Nous habitions alors Paris, j’ai fait appel à un professeur des Gobelins qui lui a appris le travail sur un métier de haute lisse. Après un essai, sa formation a duré six années de 1997 à 2003 ».

Pendant plusieurs années donc, Oana réalise des tapisseries, parfois à partir de ses propres dessins. Un travail qui demande précision et patience. Anne l’accompagne, faisant elle aussi des tapisseries à ses côtés, sur un deuxième métier de haute lisse (voir encadré).
Mais aujourd’hui, les dessins ont repris le dessus, tout simplement parce que des gens qui apprécient son travail passent des commandes à l’artiste.

Oana répond, reprend le pastel et se consacre aujourd’hui uniquement au dessin même si le métier de haute lisse est toujours là si elle en ressent le besoin.

Et le bouche à oreille fait le reste. Elle réalise ses premières expositions en 2004, et est de plus en plus sollicitée, y compris par des musées ou galeries à l’étranger. C’est ainsi que ses pastels ont été exposés en en Allemagne, et dernièrement au musée d’Ansembourg à Liège en novembre 2014.

A Bruxelles, Oana a notamment exposé toute une série de pastels réalisés à partir de photos montrant des ruines. Sous son regard et sous son bâton de pastel, les ruines reprennent des couleurs, se peuplent parfois de personnages qui se lèvent, qui surgissent d’amas de formes arrondies, le tout sous des ciels très colorés, toujours en harmonie avec les formes-créatures qui sont au premier plan.

Parfois, le lien avec le monde extérieur est plus évident, comme dans ses tableaux représentant l’église de son village ou la cathédrale de Narbonne, ou Oana se rend une fois par mois avec Anne, faire les magasins et sortir au restaurant.

Née en 1973, Oana a toujours été en lien avec le monde extérieur, intégrée et indépendante. C’était vrai à Paris et cela le reste maintenant qu’elle vit dans un village de 80 habitants. “Nous avons longtemps habité Paris, explique Anne, et Oana était autonome: à 14 ans, elle pouvait prendre le métro toute seule”. Christian, le papa d’Oana, décédé depuis, était directeur technique de la Comédie Française, et Oana enfant a baigné dans un milieu culturel riche et chaleureux. Oana en a gardé un goût pour le dessin, mais également une attirance pour le théâtre et une passion pour la lecture.

A Albas, tout le monde connaît le travail d’Oana. Le maire expose systématiquement ses œuvres à la mairie avant qu’elles ne partent pour une exposition extérieure. Et Oana participe évidemment tous les ans à l’événement artistique monté par une passionnée du village, Cécile Cros: l’Art Caché. Pendant deux jours en juillet, le village accueille des artistes dans des cours et jardins du village. Plusieurs centaines d’amateurs d’art prennent les petites routes en lacet des Corbières pour découvrir à la fois les artistes et ce petit village isolé. Oana expose, comme d’autres, ravie de partager ses œuvres avec le public.
Aujourd’hui, Oana aime mélanger pastel et acrylique et utilise aussi bien les pinceaux que le couteau. Elle expérimente, improvise, tout en ayant toujours réalisé au préalable ses croquis préparatoires.  Que ce soit pour les ruines, pour les paysages audois, pour les portraits, ou dernièrement pour toute une série de chats. La technique évolue, mais l’univers de l’artiste reste entier et cohérent en passant d’un sujet à l’autre.

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Albas, son église, sa tapisserie

Albas ne compte que 80 habitants, possède une petite église bien restaurée mais qui n’accueille plus de messes depuis des années. La vie tourne de manière simple, entre les viticulteurs qui travaillent sur place et ceux qui habitent là mais travaillent à trois quarts d’heure de voiture de là à Lézignan ou même Narbonne.
La famille d’Oana possède une maison de vacances dans le village depuis 1971. La famille s’y installe définitivement en 2003.
Anne commence alors à réfléchir à un travail monumental qui pourrait prendre place dans l’église du village: habiller d’une immense tapisserie le mur du fond de l’église, jusqu’ici nu et sans intérêt particulier. Le maire est tout de suite enthousiaste sur ce projet.
Oana démarre la tapisserie à Paris en 1994. A l’époque, Oana va toujours en classe, et n’est pas encore en apprentissage de Haute Lisse. Elle travaille la tapisserie avec Francis Robert, ami, et enseignant, qui a suivi le cursus d’Oana jusqu’à sa terminale, et à qui Anne a appris le métier, l’ayant appris elle-même, bien des années avant, par deux professeurs des Gobelins. « Nous travaillons dans l’appartement de Paris jusqu’en 2003 », explique Anne.
Anne conçoit l’œuvre: treize panneaux (symbolique du nombre 13) à réaliser pour habiller ce mur qui fait 9 mètres de large et 10 de haut. Christian Damman, directeur général de la scène de la Comédie Française, crée l’association ‘L’Atelier d’Oana’. Une grande partie de la Comédie se mobilise pour aider Anne et Oana à acheter les laines.
L’atelier de décors de la Comédie demande à des stagiaires, élèves des Beaux-Arts, de réaliser les maquettes d’après les cartons ‘dessins’ d’Anne. La rosace centrale est inspirée des dessins d’Oana ainsi que le panneau ‘Mont des oliviers’. Au cours d’un déstockage, en 2003, les Gobelins offrent à Oana 300kg de laine.
Oana réalise entièrement l’un des panneaux de l’ensemble avant de délaisser ensuite la tapisserie pour se consacrer entièrement au pastel. Le travail durera quinze ans. Il représente différents motifs tirés de la Bible qui s’intègrent les uns aux autres pour composer une vision harmonieuse dont le centre est l’arbre d’Oana.
La tapisserie maintenant en place fait la fierté du village et de tous ses habitants.

 

Site web de l’artiste

Rencontre publiée en septembre 2015

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