ESTIVAL Didier

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Mr. Didier ESTIVAL

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Mon Histoire

La rigueur du trait, le délire des sens

Didier Estival se plaît à mélanger les genres et à aller là où on ne l’attend pas.Toujours avec sa bouteille d’encre et sa plume sergent major. Tous les thèmes méritent rigueur et précision.

Il y a huit ans, Didier Estival décidait de mettre en suspend la peinture pour se consacrer exclusivement au dessin. Depuis, il mène de front trois séries dans trois univers différents: Association libre, Composition organique et Portraits de famille. Toutes les trois méritent la même rigueur. Et cette rigueur, quand on travaille uniquement à la plume sergent major et l’encre de Chine, relève du sacerdoce.
Les titres sont sages, courts, descriptifs. Peut-être trop. Cela pourrait cacher quelque chose… A la place, on pourrait suggérer Orgie, bouquets et famille trash, mais cela ne plairait sans doute pas à l’artiste qui aborde tous les sujets avec le même sérieux et qui n’aime pas à forcer le trait, au propre comme au figuré.
Commençons par la plus déroutante, Portraits de famille. “Pour cette série, je plonge mes mains dans les photos de ma propre famille et je fais un choix pour m’approprier cette réalité figée. Les anecdotes réveillent les souvenirs empreints de mélancolie, de joie, de tendresse ou de tristesse à peine dissimulées à l’évocation des défunts bien vivants sur les images. Je transforme en histoire inédite et parfois peu recommandable mais, toujours avec une certaine jubilation, une scène qui était fixée dans le temps comme pour faire un pied de nez aux années qui passent. J’ai conscience que mes dessins peuvent faire échos à des histoires familiales avérés, fantasmées ou restées secrètes”.
DIdier Estival garde les caractéristiques de ces photos anciennes où les personnages posent sagement devant l’objectif, la plupart du temps vêtus des habits du dimanche. Pour renforcer même cette patine du temps, il passe son papier rapidement au brou de noix.
Mais, s’il respecte les apparences, il y ajoute des détails qui détournent la scène, de façon plus ou moins visible.
Ici, des champignons, de vrais phallus impudicus, poussent au pied de ce groupe de jeunes filles. Elles ne les voient pas, et celui qui regarde le dessin n’a pas forcément l’oeil attiré par ce qui traine par terre. Bon prince, l’artiste aide avec un titre explicite. Le regard alors s’arrête sur ces phallus impudicus qui sont sans doute plus explicites que les vrais, et les sages demoiselles ne lisent pas n’importe quoi: les 11 000 verges pour l’une, le con d’Irène pour l’autre, les 120 journées de Sodome pour la troisième.
Pas de doute, la photo de famille ouvre sur de nouvelles perspectives…
Dans une autre, le bébé sagement habillé, sa médaille autour du cou, montre d’une main un oiseau mort fraîchement abattu qu’il mangera quand il aura fini de téter son biberon…
Dans d’autres encore, les personnages se retrouvent dotés d’oreilles démesurées, le bébé joue avec un phallus en guise de téléphone, quand ce n’est pas un bouc et une chèvre qui copulent devant les mariés. Tout peut arriver dans ce monde suranné des photos anciennes, trop sages et trop mises en scène pour être vivantes, si on n’intervient pas un peu pour leur redonner vie. L’intervention de l’artiste relève à la fois du collage surréaliste et d’une lecture finalement réaliste du passé. Il y est question de choses qui n’apparaissent pas mais que tout le monde connaît: la guerre, les conflits sociaux, les pulsions de mort et de sexe. Rien de plus, finalement. “En ajoutant du grotesque et de l’humour, je trouve que j’apporte finalement un côté apaisant aux secrets de famille”.
Dans la deuxième série, Association libre, l’artiste se passe du carcan des photos anciennes, point d’appui de son imaginaire mais carcan néanmoins. Cette fois-ci, il n’y a plus de limite: les corps se chevauchent, humains ou animaux, les dimensions ne sont plus respectées, les bras se transforment en serpents, le dessinateur montre tantôt l’apparence extérieure du personnage, tantôt l’intérieur de ses entrailles.
Mais comme dans les Portraits de famille, un élément vient donner une apparence très convenable à ces scène orgiaques : l’artiste s’est donné le mal de dessiner autour de chaque scène un cadre extrêmement classique, prêt à être accroché au mur comme on pouvait accrocher les gravures de Callot qui ne se privait pas de représenter tous les délires possibles autorisés par la Tentation de Saint Antoine.
Et puis arrive la troisième série, les Combinaisons organiques. Point commun avec les deux précédentes: un aspect ancien qui tient autant à l’outil utilisé qu’à la composition extrêmement équilibrée du dessin. Comme toutes les oeuvres de Didier Estival, elles ont un côté intemporel. Cette fois-ci, c’est le sujet lui-même qui est des plus classiques. Mais l’artiste insiste sur la continuité de son travail: “Je me suis trouvé une écriture, et les végétaux sont arrivés. Le lien s’est fait tout seul avec les oeuvres précédentes, à la fois par le trait et par les formes représentées: ces compositions sont à la fois végétales et très organiques”.
Aujourd’hui, l’artiste passe d’une série à l’autre, passant toujours autant de temps à dessiner chaque trait, un à un, qu’il serve à créer une nouvelle Combinaison organique, de nouveaux Portraits de famille ou une association libre. L’essentiel est dans la cohérence du dessin, quelque soit le thème abordé.

Anne Devailly (2020)
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Bio
Autodidacte
Dessine depuis l’enfance.

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