CARPANETO Marcelo

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Sculpteur
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Mr. Marcelo CARPANETO

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Et le masque devint visage…

Le sculpteur Marcelo Carpaneto aime à dire qu’il réalise des masques, mais devant certains d’entre eux, le côté brut et sans apprêt de la création tire l’oeuvre vers une expressivité qui renvoie à une créature, humaine ou animale et non à une coquille vide. Son art abolit la distinction entre le figé et l’animé, entre ce qui masque et ce qui révèle.

Comme dans la plupart des masques, il y a deux trous pour les yeux. Mais c’est quasiment la seule constante des masques de bronze créés par Marcelo Carpaneto. Pour le reste, il se peut qu’il y ait des oreilles, un nez, un menton, il se peut aussi que le masque ne propose que la moitié d’un visage, ou qu’il comporte des excroissances qu’on peut prendre pour des cornes, voire pour des bras. Parfois, ce sont des écailles qui se devinent ou des crêtes dignes d’un tricératops.
Souvent, ce qui a donné la base de ces masques, un assemblage de bouts de bois, se devine encore: les bois restent brut, non polis, ils sont juxtaposés ou s’entrechoquent les uns les autres. Le but est d’évoquer, d’esquisser, surtout pas d’imposer ou de chercher des expressions trop définies.
Marcelo Carpaneto sait pourtant aller vers le réalisme, le détail, la recherche précise du rendu d’une expression: depuis trente ans, il pratique le modèle vivant, pour faire du modelage ou pour dessiner. “Ce sont les gammes”, explique simplement l’artiste.
Dans son travail de sculpteur en revanche, place à l’équilibre entre la brutalité de la matière et l’émergence d’une expression. Cela donne un ensemble qui constitue davantage un bestiaire, souvent inquiétant, plutôt qu’un élégant vestiaire de carnaval. Les visages apparaissent à travers la brutalité de la matière. Pas d’apprêt, pas d’ajout de détail. L’ensemble tire davantage vers le tragique du théâtre grec que vers la comedia dell’Arte.
Et si on hésite à définir la créature qu’on a face à soi, on hésite également parfois sur la matière: est-ce bien réellement du bois? ou plutôt du bronze? de la terre? L’artiste a une réponse tout à fait pragmatique: “Généralement, les masques qui restent dans des dimensions modestes, disons moins de 70 cm, sont en bronze. Ceux qui sont plus grands sont en bois. Question de pratique et de budget!”.
Mais l’approche reste comparable: “Je travaille généralement avec des bois que j’assemble. Quand je sais que je vais ensuite réaliser l’oeuvre en bronze, j’épaissis un peu l’assemblage avec de la cire”. L’artiste réalise alors l’essentiel du travail : l’assemblage, le moulage, la pièce en cire, les finitions et les patines. “Quand j’ai le temps, je coule moi-même le bronze, sinon je travaille avec deux fonderies dans la région”.
Quant à l’impression d’avoir affaire à de la terre, elle vient des patines utilisées par l’artiste, des couleurs terreuses qui renforcent encore les ambiguïtés suscitées devant ces objets.
Bois ou bronze, petits ou grands, toutes ces oeuvres ont donc avant tout un point commun, cette thématique du masque. “On vit tous avec des masques, poursuit l’artiste, émigré argentin qui a dû se refaire une nouvelle vie en France après avoir fui la dictature alors en cours dans son pays natal. Tous nos visages sont des masques virtuels. Et le masque incite toujours à aller plus loin. Ce qui me frappe toujours, c’est que quand une personne regarde un masque, elle cherche toujours à aller au-delà de ce premier abord”.
Et puis il y a les masques qui finissent par coller à la peau. On pense à Jean-Paul Sartre décrivant le garçon de café, un homme qui joue finalement à être garçon de café, un homme qui rentre dans l’habit qu’on lui a attribué, ou à cette phrase terrible de Marguerite Yourcenar dans les Mémoires d’Hadrien : parfois le masque devint visage… Autrement dit, pas la peine de toujours se bercer d’illusion en imaginant un au-delà des apparences.
A ce titre, la démarche de l’artiste est elle aussi directe, simple, sans aller chercher forcément une complexité cachée: “Je n’ai pas de prétention formelle à part celle d’agencer des pleins et des vides et d’offrir des réceptacles où l’ombre et la lumière se répondent”. Et pour cela, rien de plus simple que de laisser la matière brute, de laisser les agencements de bois créer des excroissances qui vont capter la lumière pendant que d’autres resteront désespérément dans l’ombre.

Bio
Marcelo Carpaneto est né à Buenos Aires, en Argentine. Il quitte sa scolarité à 14 ans et rejoint la France en 1978 pour fuir la dictature. Il vit de différents métiers manuels avant de s’associer avec un artisan pour créer une entreprise de restauration de Monuments historiques. Il travaille alors la pierre, mais touche à tous les métiers en lien avec le travail des volumes: la sculpture sur pierre, les modelages terre plâtre et stuc, le travail de fonderie, la ciselure et les patines, le statuaire en terre cuite et le moulage sous toutes ses formes.
Peu à peu, ces pratiques le mènent sur une double carrière, restaurateur de sculptures anciennes et sculpteur. En tant que restaurateur, il a notamment travaillé dernièrement sur les sculptures du jubé de la cathédrale d’Albi.
Aujourd’hui, il consacre la plupart de son temps à ses créations.

Anne Devailly

« Les 30 Artistes Occitanie »
Présent dans l'édition 2020 ou 2021
Galerie virtuelle