BORN Véronique

Discipline(s)
Dessinateur/trice, Graveur, Peintre
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Mrs. Véronique BORN

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Peindre le souffle du vent

L’artiste belge Véronique Born a posé ses valises à Sète. Dans son travail qui réunit abstraction et figuration, elle ne cesse de jeter des ponts entre les cultures, à la fois par les thèmes et par les fusions des techniques.

Peindre le vent, rien que le vent. Pas les arbres ployés par les rafales ou les bourrasques de feuilles. Non, ce qui intéresse Véronique Born est bel et bien de rendre compte sur la toile d’un phénomène aussi peu visible à l’oeil nu que le vent.
“ Je travaille l’abstraction depuis trente ans. Ce n’est ni une idée, ni une volonté mais une recherche qui s’est mise en place d’elle-même, mais finalement, n’est-ce pas la recherche de presque tous les peintres: tenter de “montrer” l’invisible au fil de leur travail? Je parle d’abstraction car il n’y a plus de volonté de représenter le réel visible, mais ce travail trouve ses racines dans l’existant, visible ou non”.
Pour y parvenir, un travail des couleurs et des formes, mais d’une manière peut-être inattendue à Sète: Véronique Born appréhende sans doute la couleur d’une manière différente des artistes natifs de l’île singulière : “Le plus difficile pour moi consiste à parler de la couleur à des Méditerranéens”.
Ici, pas de couleurs saturées comme on en trouve dans la peinture méditerranéenne de paysages. Davantage des à-plats de nuances qui semblent venir tout droit du plat pays. Même quand elle s’inspire de Sète, l’artiste multiplie les croquis, pour aboutir à un travail épuré: croquis d’étangs, ajout d’une passerelle pour les besoins de la construction de la toile davantage que pour l’évocation du lieu. D’ailleurs, la toile finit par évoquer autant Venise que Sète ou Amsterdam. Du bâti, de l’eau, une ambiance.
Une démarche qui renoue avec le travail réalisé par l’artiste sur les danseurs il y a quelques années: des toiles où l’artiste rend compte de son ressenti pendant qu’elle voyait évoluer ces corps entre terre et ciel: la toile montre un bloc d’humains plus que des corps qui évoluent: en haut, une petite frise où des visages s’envolent dans le bleu des nuages, ou dans le bleu de délicates arabesques; en bas, des pieds qui s’enracinent dans l’ocre de la terre. Entre les deux, ce que l’on peut justement appeler un “entre-deux”, à peine perceptible: des tons de gris colorés où les rares traits sont de nature verticale, comme une tentative d’élévation. Tout est suggéré, rien n’est imposé.
“Cela m’arrive de faire dix, vingt glacis et de démolir à chaque étape l’humeur de la précédente. Et parfois je complète mes outils de recherche par le noir et blanc de la gravure”.
Quand les personnages apparaissent, ils semblent s’extraire de la peinture, comme des motifs non prévus qui s’invitent d’eux-mêmes… ou qui disparaissent quand ils sont censés être là. Les êtres humains se dérobent, ne sont pas là où on les attend.
C’est le cas quand elle revisite la Cène de Vinci: douze personnages qui s’agitent et une figure centrale qui brille par son absence: la toile se fait juste un peu plus lumineuse à la place qu’il devrait occuper. C’est tout.
Et quand l’artiste les a prévus dès le départ, les êtres ne sont jamais des figures qui en imposent. Pas étonnant qu’elle ait ainsi revisité l’un des personnages moyen-âgeux qui figure notamment chez Brueghel, Le Ravi. Personnage attachant, mais simple d’esprit.
Ici, la figure du Ravi forme un cercle qui s’extrait difficilement d’un fond rempli d’autres cercles, qui semblent flotter dans l’air. Rien n’est figé, tout est en bougé, et le ravi, posé, statique, le regard absent, entouré d’un cercle de visages, se demande ce qu’il fait dans cet environnement mouvant.

Avec cet intérêt pour les êtres entre-deux-mondes, avec ses racines extérieures à ces multiples lieux de vie (Paris, Florence, le sud), il était assez logique que la femme et l’artiste s’intéresse aux “migrants”, aux réfugiés, à ceux qui cherchent à se poser mais que personne n’attend. D’autant que cette sensibilité se double d’une révolte devant toute sorte d’injustice.
Dernièrement, ce travail a débouché sur une toile inspirée du Radeau de la méduse, le chef d’oeuvre de Géricault: les silhouettes sont là, dressées vers un lointain bateau, les bras se tendent, mais l’univers est dans des tons pastels roses et verts qui s’effacent peu à peu: des couleurs de l’espoir qui disparaissent, sans faire de bruit. Et pour en rajouter à ce drame que personne ne regarde en face, Véronique Born a décidé de finir sa toile en la travaillant maintenant renversée à 90°: il ne reste plus rien du drame qui se noue, si ce n’est quelques lignes brisées difficiles à interpréter. Les bras des morts qui gisaient, inertes, dans l’eau, se retrouvent à la verticale, pendant que les bras levés vers le ciel de ceux qui y croyaient encore se retrouvent pointer vers le bas. Plus personne n’y croit.
La couleur elle-même se fait discrète, fade, chargée d’eau. L’oeuvre tout entière devient symbole d’un monde englouti.
Mais en parallèle de ses travaux sur des thématiques graves, Véronique Born poursuit un cheminement plus centré sur la peinture elle-même et ses multiples possibilités. C’est ainsi qu’elle a travaillé des papiers malencontreusement pliés dans son atelier. Le thème est venu de lui-même: Pliure. Là, il s’agit de redonner vie à des papiers en valorisant l’accident de départ plutôt que de le masquer. La pliure devient source de création, la force de la peinture est de nouveau affirmée.

Anne Devailly

ENCADRE
“Les violets couchants, quand ils rasent les terres ocrées de l’hiver méditerranéen.
Les rouges de mes anciens terrils crachés dans les noirs de la nuit parfois terrifiante. Enfance.
Liens du Nord au Sud
Je peins ce qui me relie au monde : les ponts, jetés d’une rive à l’autre ;
les arches voûtées, imperceptibles toits protecteurs entre le haut et le bas,
filtrées de lumières, éclaboussées.
Que vaut le souffle d’une vie sur une terre menacée ?
Des grottes à la lumière fragile, équilibre de l’entre-deux”

« Les 30 Artistes Occitanie »
Présent dans l'édition 2020 ou 2021
Galerie virtuelle