InformationsExpos-Conférences

Du 17 juin 2022 au 4 novembre 2022
Vernissage le 17 juin 2022
11h30 – 11h30
Grégogna l’anartiste vous invite en Grégoslavie
L’œuvre de René-François Grégogna demeure toujours vivante et présente par ses multiples traces gravées dans la mémoire de nombreux habitants de Frontignan comme de plus vastes territoires.
Cette exposition d’une partie de cette œuvre gigantesque va permettre de renouer le dialogue avec cet artiste aux univers multiples, cet homme accueillant, chaleureux, un brin provocateur, à l’esprit ouvert et novateur.
Difficile de le définir car il était si obsédé par ses rencontres avec toutes sortes de matières qu’on a souvent dit de lui qu’il a touché à tout : au land art avec ses rochers peints en bordure de plage, avec ses images sur des cailloux ou des murs, ses lazzi poétiques et ses films de laboratoire. Il se disait peintre, mec créant, anartiste. Il fut aussi un résistant et un homme de combats.
Pour Hervé Di Rosa, « On l’a, par ignorance, associé à l’art brut ou à l’art singulier, mais sa position est bien autre. Il regardait aussi bien Les Shadoks sur les premières télévisions en noir et blanc qu’il lisait Saint-John Perse. Sa curiosité était immense et grâce à une grande habileté manuelle et un œil aiguisé, il découvrit et utilisa un nombre infini de matériaux (laine, fil de fer, papier mâché, métal, pierre… tout). Il transformait tout littéralement de ses mains gigantesques en un monde dont lui seul avait les clés. Un monde de paysages enchanteurs peuplés de dictateurs ubuesques, de méchants militaires, d’imbéciles heureux et de créatures mythologiques… ».
œuvres de laine, tissu, papier, bois, pierre, métal… et les fameux « Grégolos », personnages qui peuplent le pays imaginaire de la Grégoslavie que Grégogna a rejoint, terminant sa vie terrestre à Frontignan en 2011.
- La digue des rochers
René savait s’amuser, danser, jouer, de la guitare, du saxo, chanter sur les chemins. De l’Indochine à l’Ardèche, d’Alès à Sète, jusqu’à arriver dans une maison de garde barrière SNCF entre Sète et Frontignan, le long des voies de chemin de fer, entre les trains, une digue de rochers et la Méditerranée.
Là, dans les années 80, un geste colossal d’une énergie démesurée a commencé. De la rencontre amoureuse d’un artiste dans ses 50 ans, avec une digue de rochers abrupts qui ferme son jardin, côté mer, va naître un monde prodigieux.
Le geste amorcé ne peut plus s’arrêter. Des mètres et des mètres de pierre rude accueillent chaque jour des visages, des personnages, des couleurs, des formes. Des passants stupéfaits assistent de plus en plus nombreux à cet événement. Nous regardons, fascinés, René, debout, magnifique, sur ces grands cailloux peints, la splendeur de ses gestes puissants sous les soleils du midi.
Les enfants jouaient devant cette œuvre, posaient pour des photos de famille, tournaient autour de la figure de Mickey, lisaient les quelques mots titre de la chanson de Charles Trenet « Je chante sur mon chemin ».
Les passagers des trains sur cette ligne attendaient le moment si spécial où, tout à coup, le prodige allait surgir devant la mer.
Longtemps des voyageurs ont attendu ce rituel presque religieux où pour un court temps, défilait devant leurs yeux un monde éblouissant d’images de vie, d’éclats, de forces, de finesses, d’enfance.
Le paysage austère de cette digue grise se voyait modifié par cette traînée divine qui semblait tombée du ciel.
Un nouveau paysage s’offrait à nous pour un voyage fantastique, une ligne d’art se déployait comme un monde aux couleurs enchantées qui dialoguait avec les vagues bleues et les cieux sans nuages.
Il y a eu quelques difficultés avec les autorités pour vandalisme, dégradation de l’espace public, heureusement un ministre séduit par l’œuvre permit que René continue, un moment.
Des peintres du monde entier sont venus admirer ce geste exceptionnel. Il a été dit alors que René avait créé le « Land art » en France.
Des auteurs lui ont écrit leur sentiment enthousiaste.
Faut-il toujours que le vivant meure ? On ne le veut pas, on ne le souhaite pas. On a résisté autant que possible devant la décision préfectorale de détruire cette digue pour construire une route et repousser la mer dans des retranchements urbanistiques que les responsables politiques ont alors jugé plus essentiels que cette œuvre.
Que ce geste gigantesque, tendre, aimant, adoré des populations, disparaisse, nous a enlevé des forces, de la confiance, de la joie.
Fin triste et tragique. L’éternel adolescent que fut René-François Grégogna avait choqué les autorités, alors que cette digue était adorée, qu’elle éclairait comme un phare de ce moment, précédant la venue de jeunes nouveaux artistes comme Combas, Di Rosa, Topolino, Keith Haring, Basquiat… Une coulée céleste, féconde, pleine de promesses tenues…
Les artistes dans leur solitude, atteignent parfois de ces « hautes notes » dont parlait Vincent Van Gogh. L’histoire de cette digue raconte aussi des manques tragiques d’attention qui ont anéanti cette œuvre de toute beauté.
34110 Frontignan