InformationsExpos-Conférences

Du 17 mars 2022 au 15 avril 2022
Des mondes à soi, Dialogue autour de la collection Daniel Cordier
La Fabrique, espace d’exposition du Centre d’Initiatives Artistiques du Mirail (CIAM UT2J) à Toulouse, rend hommage à Daniel Cordier et à sa collection riche et variée. Des mondes à soi, Dialogue autour de la collection Daniel Cordier entrecroise des œuvres et des objets issus des donations de Daniel Cordier au musée national d’art moderne – Georges Pompidou (Paris), en dépôt aux Abattoirs, des collections des Abattoirs, Musée – Frac Occitanie Toulouse et du Frac Occitanie Montpellier, ainsi qu’une œuvre prêtée excep- tionnellement par un couple d’artistes contemporains.
Daniel Cordier a consacré la majeure partie de sa vie au soutien des artistes contemporains qu’il affectionnait. Dans un entretien avec Alain Fleischer en 1990, il évoque son métier de galeriste et ses choix de collectionneur en ces termes : “J’ai envie de posséder la peinture contemporaine parce que c’est le témoignage d’hommes qui ont les mêmes problèmes, les mêmes difficultés, les mêmes rêves, les mêmes évasions que moi ou du moins que celles vers lesquelles je m’oriente, par conséquent je sens une communion.”
Alain Fleischer (réalisateur), Daniel Cordier : le regard d’un amateur, Centre Georges Pompidou, Les Films du cyclone, La Sept, 1990.
Ses aspirations transparaissent à travers sa collection. Celle-ci peut, au premier abord, paraître désarmante par son éclectisme car elle réunit autant d’œuvres d’artistes occiden- taux, d’objets extra-occidentaux que de naturalia.
Elle illustre cependant avant tout la manière dont les artistes ont, à des époques différentes, perçu notre monde. Ils nous renvoient une image complexe et déroutante, parfois gênante, parfois satirique des travers de notre société.
Avec Des mondes à soi, le Master 2 Métiers de l’art de l’Université Toulouse − Jean Jaurès, en partenariat avec les Abattoirs, Musée − Frac Occitanie Toulouse et le CIAM UT2J, sou- haite proposer une nouvelle approche de la collection Cordier.
L’exposition fait dialoguer les artistes de sa collection avec des œuvres contemporaines. En veillant à valoriser les objets extra-occidentaux et les artefacts naturels, elle souhaite poser un regard neuf sur cette collection emblématique et la questionner. En 2022, qu’est ce que cette collection singulière peut encore avoir à dire de nos sociétés ? Comment peut-elle entrer en dialogue avec la création contemporaine ? Est-elle exempte de toute critique ou questionnement ?
Parcours de l’exposition
- Un monde absurde
Cette première salle propose de déambuler parmi les oeuvres dépeignant un monde en rupture avec la réalité. Le visiteur découvre les artistes Robert Combas et Hervé Di Rosa, dont la pratique est à la naissance du mouvement de la Figuration libre. Ce mouvement prend racine dans la culture populaire du street art et du rock des années 1970-1980. Les artistes s’ancrent dans une nouvelle dynamique et laissent derrière eux les années d’expérimentation traversées par les mouvements de l’arte povera, de l’art minimal et conceptuel. L’absurde permet aux artistes de dénoncer et de contester un ordre établi, une injustice ou un senti- ment d’aliénation.
Le collectif Présence Panchounette, signe avec son manifeste en 1969 la formation d’un groupe qui emprunte tout autant au populaire qu’aux courants traditionnels de l’Histoire de l’art. L’oeuvre Fontana épinglé exprime une même dimension subversive, critique et engagée contre la radicalité artistique du XXe siècle, contre la non-figuration, le dépouillement et la conceptualisation. Le principe même de l’absurde initie un dialogue entre les artistes et le public sur des questions sociétales et culturelles, inspirant également des artistes tels que Nikita Kravtsov et Camille Kravtsov Sagnes, qui poseront les mots fondateurs de cette première salle d’exposition, “L’absurdité est notre réaction au monde qui nous entoure, à la société et à son fonctionnement. ”
- Constellations
Le commissaire d’exposition nigérian Okwui Enwezor pense la culture postcoloniale à travers la métaphore de la constellation pour décrire la multiplicité et l’hétérogénéité des courants critiques contemporains et montrer comment ils font système. À travers la mise en résonance des objets extra- occidentaux de la donation Cordier, cette exposition favorise l’émergence d’une nouvelle constellation. Ce sont ensemble, par leur rapprochement, que ces objets entrent en cohérence et deviennent une source de connaissance et de questionnements sur le monde.
Le visiteur est ici invité à se départir du point de vue occidental d’un monde en crise pour donner à voir comment d’autres cultures ont manifesté leur rapport au monde. Les artefacts et les oeuvres mobilisés, comme par exemple l’ensemble des bâtons oulé, appellent à dresser les contours de cultes, de systèmes d’échanges symboliques ou de structures sociales. Ici est adopté un parti pris transculturel par la mise en correspondance d’objets aux provenances et aux temporalités diverses. Cet espace comprend à la fois l’Afrique de l’Est, l’Asie et l’Océanie avec la présence d’une Nacre Gravée ou encore l’Amérique du Sud représentée par le tissage de l’artiste Theresa Lhampa Montano.
L’écho à la figure de Daniel Cordier se mesure ici dans le dépassement de sa propre démarche. Il s’agit durant ce parcours de créer les conditions d’un dialogue, au-delà des affinités plastiques et formelles, pour restaurer la visibilité historique des objets extra-occidentaux qui composent ses donations.
- Un monde autre
Daniel Cordier s’est intéressé à des artistes explorant un autre monde, qui cherchent à dépasser une réalité parfois difficilement supportable. C’est ainsi que le Tube accueille des oeuvres ayant trait à l’onirisme, l’évasion, l’imaginaire et la poésie. La Black Box, pièce noire au sein du Cube, présente le travail de Françoise Quardon, artiste proposant des installations et produc-tions vidéo s’inscrivant dans un univers contemporain imaginaire mélangeant des éléments baroques et modernes. Devant les yeux de Sabine Deshais permet de voir le monde autrement, à travers les yeux de l’artiste et sa propre expérience du voyage. Les productions d’Abdelkader Benchamma, David Coste et Bernard Réquichot invitent à se plonger dans un imaginaire jouant sur la limite fragile entre réalité et fantaisie. Entre création de paysages oniriques hors du temps et mélange d’éléments réalistes, les artistes parviennent à nous faire entrer dans des réalités autres pour s’affranchir des contraintes du monde dans lequel nous évoluons.Pour clore ce dialogue au sein du Tube, un ensemble de six photographies de Renaud Auguste-Dormeuil est exposé. Bien que cet ensemble soit présenté en conclusion de l’exposition, il ne signifie pas sa fin, il ramène les spectateurs au propos porté au sein du Cube. En effet, les ciels étoilés représentés sont empreints d’un certain onirisme ; dès que l’on s’en rapproche, la tragédie derrière ces cieux nous ramène à un monde effrayant et absurde. Dans ce dernier espace d’exposition, les artistes n’apportent pas une réponse face à l’absurdité du monde, mais un moyen de mieux le supporter quand nous ne pouvons plus lui échapper.