UTREL Françoise

Discipline(s)
Peintre
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Mme Françoise UTREL

Localisation

Mon Histoire

Mayrinhac-Lentour (Lot)
Françoise Utrel

Il existe des artistes qui s’adonnent à ce qu’on appelle le “stone balancing”, l’art de faire tenir des pierres en équilibre. Ils font tenir plusieurs galets les uns sur les autres et les photographient avant que la nature ne réduise à néant cet équilibre précaire.
Et puis il y a Françoise Utrel. Adepte du stone balancing à sa manière, avec pinceaux et peinture à l’huile. Résultat: un doux paradoxe qui vise à représenter l’éphémère mais de manière durable.

Le minéral? “C’est un thème qui m’est venu progressivement, et qui s’est imposé depuis une dizaine d’années, explique l’artiste. Jusqu’en 2005, il y avait encore dans mon travail des traces de figuratif, notamment dans mon travail sur le jardin, qui visait à mettre en valeur ombre et lumière des lieux. Et puis un jour, je préparais une toile pour présenter au jury d’une Biennale. Pendant cette phase de préparation, j’ai été prise par la difficulté de vivre de la profession d’artiste. Une sorte de ‘A quoi bon continuer?‘ qui m’a conduit finalement à couper ma toile au cutter. Et je l’ai présentée comme cela, éventrée en l’appelant Rupture. On voyait l’envers de la toile, le chassis. Et le jury l’a acceptée. Cela a été un point de départ: petit à petit, je suis partie de ce creux dans la toile, qui avait un peu la forme d’une mandorle. Cela m’a entraînée dans une série, Mémoire de forme, qui partait de là mais restait abstraite. Et puis au fil du temps, cette forme s’est arrondi, et je suis naturellement arrivée à cette forme minérale, qui petit à petit a envahi la toile”.
Depuis, Françoise Utrel trouve toujours à renouveler ce thème qui continue à s’imposer sur sa toile: le minéral, sa dureté et son équilibre instable, précaire. “Dans mes toiles les masses sont parfois empilées de façon incertaine, parfois suspendues par un mince fil tendu à l’extrême au bord de la rupture, ou encore en équilibre sur une simple illusion ou même dans un état de lévitation impossible”.
Dans tous les cas, il est question de fragilité et de l’incertitude des états d’équilibre. Seules l’immobilité des images sur la toile ou la puissance de l’imaginaire permettent de croire que l’instant d’après ne sera pas une chute inévitable et qu’il est possible de résister.
La plupart du temps, les pierres émergent d’un fond qui reste dans une même tonalité de gris colorés. Elles arrivent tout de même à s’en extraire pour occuper le premier plan, soit les unes sur les autres, soit calées entre deux verticales. Parfois une forme abstraite, claire, donne de la profondeur à ces formes qui restent néanmoins en quête d’équilibre au premier plan. “Je creuse parfois une forme géométrique claire dans le fond, un triangle par exemple, mais je tiens à ce que la composition reste assez simple, pour que celui qui regarde puisse naviguer à sa guise”.
Et de fait, malgré une composition simple, un nombre d’éléments réduit, le coup de pinceau de l’artiste fait vibrer l’ensemble d’une infinité de nuances qui rend la scène vivante et … les galets dans un équilibre encore plus précaire. Pas d’a-plat chez Françoise Utrel, dans la représentation des roches comme dans celle du fond: tout vibre, et tout menace l’équilibre.

En 2015, l’artiste varie un peu: la toile reste dépouillée, mais la peintre ressent le besoin de quelque chose de plus violent, de plus direct: ce sera une ligne rouge faite de nombreuses brisures, qui relie les éléments tout autant qu’elle les isole. Elle attaque ce travail en début d’année et la réalité lui donne cruellement une tonalité particulière. 13 novembre 2015: les attentats de Paris font que la violence quitte sa peinture pour donner une tonalité au quotidien de tous les Français.
Cinq ans plus tard, pendant le premier confinement, l’artiste a de nouveau ressenti le besoin de reprendre ce rouge, si loin des gris colorés qu’elle affectionne la plupart du temps.
Fin 2020, le deuxième confinement en revanche s’est traduit chez l’artiste par un besoin de rupture, de partir sur de nouvelles pistes, tout en affirmant plus que jamais la continuité avec le passé. L’artiste, qui a une formation universitaire en histoire de l’art, revient alors à ce qu’elle a appris plus jeune, et part de quelques toiles emblématiques de l’histoire de l’art: la Joconde, le Balthazar Castiglione de Raphaël, la Jeune fille à la perle de Vermeer.
Elle réalise une copie de l’œuvre, puis commence à la faire évoluer, comme si l’œuvre subissait les ravages du temps, comme une pierre peut se recouvrir de lichens. L’œuvre disparaît peu à peu sur quelque chose qui reprend l’aspect minéral qui fait la marque de l’artiste. Au final, l’œuvre est à la fois fossilisée et transformée. Il ne reste alors plus que les yeux et le sourire de la Joconde; la jeune fille à la perle est devenue un galet.
Avec les minéraux, on était dans une notion d’équilibre précaire, spatial et temporel, mais à partir d’un matériau qui semblait éternel. C’est la construction des roches entre elles qui était précaire, pas la roche elle-même. Cette fois-ci, l’artiste va plus loin, en prenant pour point de départ une oeuvre qu’on est habituée à voir sous une forme intangible au musée et qu’elle montre soumise aux ravages du temps. La série s’intitule ”Impermanence”.
Ce deuxième confinement, que l’artiste a trouvé éprouvant, a également été le point de départ d’une nouvelle réflexion autour des galets. “Jusqu’ici, j’ai mis l’accent sur la composition des pierres et donc de la toile, l’équilibre avant la chute. Je ne souhaite pas représenter la chute, mais je réfléchis à la façon dont je pourrais montrer “l’après-équilibre, quelque chose de l’ordre du vertige. Il faut que l’idée fasse son chemin, mais je sais qu’il y a là matière à faire évoluer les choses”.
L’artiste prend le temps de la réflexion. On ne bouscule pas aussi facilement une oeuvre basée sur la recherche d’équilibre. Mais cette recherche à son tour ne peut que déboucher sur des questions de permanence et d’impermanence et l’artiste en est parfaitement consciente: “La matière minérale semble immuable mais elle est le résultat de violents bouleversements géologiques et de longs temps d’érosion. Sa solidité apparente ne la met pas à l’abri du déséquilibre”.

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BIO
Formation universitaire en Histoire de l’Art.
Approfondissement des techniques du dessin et de la peinture avec divers artistes : Françoise Naudet, Virgilio, Philippe Pradalié…
Expositions personnelles et collectives régulières depuis 1986.

« Les 30 Artistes Occitanie »
Présent dans l'édition 2020 ou 2021
Galerie virtuelle