Article publié dans le livre Artistes Occitanie, les 30 artistes 2023, paru en novembre 2022.
Quatrième volume de la série Artistes Occitanie, les 30 artistes de l’année.
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Montpellier
Helga Stüber-Nicolas
L’outil de l’artiste vecteur de son imagination
Les photos de Helga Stüber-Nicolas sont graphiques, en noir/blanc et le plus souvent relatives à la nature. Mais, contrairement à la plupart des photographes, le cliché une fois tiré n’est pas la fin mais seulement un commencement : la photo va devenir “matériau à peindre”, au sens propre, sans outil numérique.
Grâce à un procédé particulier, une encre qui rentre dans l’émulsion de la photo, elle parvient à changer profondément l’image de départ. “ J’aime quand la photo va au-delà de la prise de vue. J’interviens dessus avec mes encres mais parfois la réaction chimique fait que les encres passent sous l’image. C’est un travail qui laisse une grande place à l’aléatoire, d’autant plus qu’il faut aller très vite. ”
Dernièrement, l’artiste a réalisé ainsi une série sur des photos d’arbres. Les encres transforment la photo d’origine pour que les yeux finissent par voir un arbre en plein hiver alors que la photo a été prise à un tout autre moment. Et parfois le questionnement porte précisément sur ce que l’on voit: Une branche d’arbre prise dans l’objectif? Une branche redessinée d’après photo ? Une encre chinoise? L’image devient une vue de l’esprit, une peinture.
A cet égard, la brindille de graminée sous la neige est particulièrement évocatrice : aussi fine et fragile que des traits de crayon dessinés rapidement et spontanément sur une feuille de papier, toute aussi parcellaire, fragmentée. Alors c’est une photo rehaussée de traits d’encre rouge.
Ce travail n’est qu’une facette de l’oeuvre de l’artiste qui a un autre me- dium de prédilection : le crayon de couleur.
Comme beaucoup d’artistes, Helga Stü- ber-Nicolas est entourée de crayons dans son atelier, des crayons haut de gamme, en bois, avec des mines composées de pigments de qualité, rangés dans des pots par couleurs, par provenances.
Mais les crayons sont aussi au mur…. DANS les œuvres. Car l’artiste fait un usage du crayon bien différent d’une dessinatrice. Malgré l’élégance qu’il y a à tenir un tel outil, elle ne se contente pas de le prendre entre ses doigts pour faire glisser la mine sur la feuille de papier.
Comme elle ne fait pas une photo pour la photo, elle ne prend pas un crayon pour faire un dessin. “Je prends le crayon et je le détourne de sa fonction initiale pour en faire autre chose. C’est un peu la création par la destruction”, explique l’artiste jamais à court d’idées pour exploiter toutes les possibilités de ce médium. D’autres artistes ont utilisé de manière obsessionnelle un objet et un seul, ou une forme et une seule, ou encore une couleur et une seule. L’originalité de Helga Stüber-Nicolas vient évidemment du fait que son objet à elle est celui de tous les artistes. Il ne s’agit donc pas de se démarquer par ce choix, en amont, d’un outil original, mais au contraire de se servir du plus basique tout en cherchant, en avant, de nouvelles formes d’ex- pression.
L’artiste utilise par exemple les mines colorées. Ces mines ne tracent pas de traits, lisses et légers, mais, séparées de leur enveloppe de bois et collées les unes aux autres, elles contribuent quand même à créer des œuvres, plus ou moins monochromes, plus ou moins chargées de matières.
C’est une œuvre au crayon, même si le sens est évidemment différent de ce qu’on entend par là d’ordinaire. C’est une œuvre qui montre que, contre toute attente, le crayon peut créer de la matière et quitter la surface du papier ou de la toile.
“ Techniquement, j’ai beaucoup expérimenté, car la mine du crayon est plutôt grasse, et donc pose des difficultés quand on souhaite la coller ”.
Quand les brisures des mines sont visibles, on arrive assez facilement à comprendre de quoi il s’agit. Quand la matière est davantage réduite en poudre, l’évocation de l’objet de départ est moins évidente. Mais l’enjeu n’est pas moins intéressant: d’ordinaire, quand on taille un crayon, on se débarrasse de ces petites bri- sures. L’artiste les conserve précieusement pour ensuite les rassembler en une oeuvre.
Disparition, apparition, récupération, nouvelle vie.
Après la mine, l’enveloppe de bois. Car le crayon offre aussi des possibilités si on le taille, pour obtenir des copeaux plus ou moins longs, plus ou moins réguliers ou colorés.
L’artiste les assemblent en les collant sur des sphères. Elle arrive à tailler entièrement un crayon, obtenant alors une spirale qu’elle présente verticalement, donnant une ampleur insoupçonnée au modeste outil qu’on fourre généralement dans une poche ou dans une trousse.
Points communs du travail précédent avec les mines : la fragilité, la délicatesse du matériau. Tout le travail de l’artiste tourne autour de cette notion de brisure, de tremblement, d’œuvre qui existe, malgré tout, alors que le sort du crayon était a priori voué à la disparition.
Revenant à une des photos au mur, l’artiste fait le lien entre les deux approches : “Tous ces crayons ont un jour été des arbres. Et dans cette photo, l’arbre sort de l’œuvre, l’œuvre sort de l’arbre ”.
La boucle est bouclée.
Anne Devailly
BIO BIO BIO
Née à Hanovre, dans le Nord de l’Allemagne, diplômée de la Gottfried Wilhelm Leibniz Université de Hanovre, l’artiste s’est formée au dessin et à la photographie à Paris. Elle vit et travaille à Montpellier.
'Revisiter la nature', Galerie Dialogue, Marseille 2020/2021
'La tentation du calme', Tauves, 2019
' Un certain calme', Castelnau-le-Lez 2017
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