
Patrick Saytour
Cette présentation de l’artiste a été faite à partir du dossier de presse que la ville d’Aubais a consacré à deux artistes de son territoire, Claude Viallat et Patrick Saytour (juin 2022).
Patrick Saytour est né en 1935, à Nice. Il vit et travaille à Aubais depuis 1968. Il est avec Claude Viallat l’un des membres fondateur du mouvement Supports/Surfaces.
Patrick Saytour a suivi une double formation en théâtre et en arts décoratifs. Il a longtemps travaillé à la fois le théâtre et la peinture. Après des études à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs de Nice, il suit l’enseignement de l’Ecole Camondo à Paris.
Au sein du groupe Supports/Surfaces, il a toujours occupé, délibérément, une position marginale, critique, voire ironique.
Son travail peut se définir comme «une entreprise de déconstruction de la forme, de la couleur, du format, du cadre de présentation», pour reprendre les termes mêmes de l’une de ses déclarations. Il se livre à une sorte de parodie théâtralisée de l’art, mise en scène dans un vocabulaire pauvre et à l’aide d’une technologie primaire : pliages et dépliages systématiques, brûlages, trempages, solarisations, etc.
Les matériaux utilisés sont toujours choisis parmi les plus pauvres, quelquefois les plus vulgaires et les plus « kitsch » : tissus et fourrures, plastiques, synthétiques, tapisseries imagées, balatums, objets et matériaux de récupération, collectés, rangés pour servir plus tard. En même temps que son travail artistique, il enseigna à l’Ecole Municipale de Nice et dans les Ecoles Supérieures d’Art de Nîmes et de Montpellier.
Les œuvres de Patrick Saytour ont été exposées en Europe, en Amérique et en Asie. Dédiées à la présentation de l’art moderne, elles figurent dans la plupart des grandes collections publiques et privées en France et à l’étranger.
Claude Viallat et Patrick Saytour se rencontrent à Nice en 1967. Avec Daniel Dezeuze, ils jettent les bases du mouvement Supports/Surfaces. Ils partagent un même goût pour la peinture et n’ont jamais cessé de dialoguer et d’échanger sur leurs travaux. Si, depuis cinquante ans, ils participent ensemble à de nombreuses expositions de groupe, l’exposition d’Aubais en 2022 est la première qui leur offre des espaces conséquents pour une partie à deux, en voisins complices, avec affinité, ressemblance, connivence, variation, écart, contraste, complémentarité….
— Le mouvement Supports /Surfaces
Dans les années soixante, des artistes français développent des actions et des écrits théoriques sur la matérialité de la peinture. Dès 1967, Claude Viallat, Daniel Dezeuze et Patrick Saytour se rencontrent et discutent de l’analyse « matériologique » commune qu’ils font de la peinture.
C’est la mise en place des théories et du travail de ce qui deviendra trois ans plus tard Supports/Surfaces. En 1968, les questionnements artistiques répondent à des préoccupations politiques et à un désir de changement. Les artistes expérimentent de nouveaux modes d’accrochage et s’approprient l’espace public (places, plages, rue de villages… ).
La majeure partie des manifestations ont lieu dans le sud de la France, à Nice, Coaraze, Montpellier, Céret, Perpignan….
Vincent Bioulès trouve le nom de la première exposition intitulée Supports/Surfaces qui se tient à l’ARC en octobre 1970 au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris. Y participent Vincent Bioules, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Patrick Saytour, Claude Viallat, André Valensi.
1971 donne lieu à une série d’expositions. Louis Cane, Noël Dolla, Bernard Pages, Toni Grand, Jean-Pierre Pincemin, André-Pierre Arnal rejoignent le groupe.
Devade et Cane, en association avec Dezeuze et Bioulès, créent la revue ‘Peinture, Cahiers Théoriques’ dans la lignée critique de Tel Quel. Des tracts se multiplient et sont brandis comme des armes contre le pouvoir.
Une scission a lieu au sein du groupe dans les orientations politiques et théoriques, accentuée par l’opposition Paris – Province.
Comme mouvement d’avant-garde, Supports/Surfaces a une existence courte, entre 1970 et 1972. Durant cette période, ses membres ont été réunis sous ce titre, dans quatre expositions seulement.
La brièveté de l’existence du mouvement ne doit pas minimiser la richesse des voies qu’il a ouvertes. Il a incontestablement redonné à la peinture et à la sculpture leur place dans la scène contemporaine. Il continue de démontrer l’importance de ses enjeux. Les artistes qui composent le groupe entament dans les années 70 une relecture de la peinture qui passe par la déconstruction du tableau. Celui-ci est décroché, les toiles libérées, pliées, dépliées, transportées. Le pinceau est évacué, la texture de la toile prise en compte comme la fluidité de la couleur, les formats sont monumentaux, tridimensionnels, entre sculpture et peinture. De plus, rien ne doit cacher la manière dont l’oeuvre est fabriquée.
Les œuvres, souvent de grand format, impliquent aussi de nouveaux lieux et de nouvelles manières d’accrocher. Exposer en dehors des circuits établis que sont les galeries et les musées est également pour ces artistes, une nouvelle manière d’entrer en contact avec un public non initié à l’art.
Aujourd’hui, si la majorité des anciens membres du groupe ont effectué un retour au châssis, à la figuration, au pinceau, au tableau, qui étaient l’essentiel de leurs luttes dans les années 70, Viallat et Saytour sont restés fidèles au système formel mis en place dans les années 60/70 : « Une peinture vraiment inconfortable, non adaptée au lieu où elle se trouve, capable de conserver son autonomie (…) : une peinture embarrassante ». (Patrick Saytour, lettre à Vincent Bioulès, 17 février 1970).
En juin 1969, lors d’une exposition au musée du Havre intitulée ‘La peinture en question’, Louis Cane, Daniel Dezeuze, Patrick Saytour et Claude Viallat écrivent dans le catalogue une ébauche du premier programme du futur groupe Supports/Surfaces : « L’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même et les tableaux exposés ne se rapportent qu’à eux-mêmes. Ils ne font point appel à un « ailleurs » (la personnalité de l’artiste, sa biographie, l’histoire de l’art, par exemple). Ils n’offrent point d’échappatoire, car la surface, par les ruptures de formes et de couleurs qui y sont opérées, interdit les projections mentales ou les divagations oniriques du spectateur. La peinture est un fait en soi et c’est sur son terrain que l’on doit poser les problèmes. Il ne s’agit ni d’un retour aux sources, ni de la recherche d’une pureté originelle, mais de la simple mise à nu des éléments picturaux qui constituent le fait pictural. D’où la neutralité des œuvres présentées, leur absence de lyrisme et de profondeur expressive.»