SALVAING Aurélie

Discipline(s)
Dessinateur/trice, Peintre, Collage
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Mrs. Aurélie SALVAING

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Mon Histoire

Le pouvoir de séduction des pages d’un livre

Pendant des siècles, les pages des livres ont offert au lecteur des points de départ vers de nouveaux univers. Aujourd’hui ou il tend à être remplacé par de nouveaux outils, Aurélie Salvaing prolonge leur pouvoir de séduction: elle les déchire, les maltraite, mais leur fait subir ce martyre pour que leurs pages offrent de nouveaux supports à la création.

Quand elle était enfant, Aurélie Salvaing hésitait: devenir écrivain ou devenir illustratrice??? Dilemme compliqué, mais qu’elle a aujourd’hui résolu de la plus simple des manières: en maniant le pinceau et le pot de colle sur les pages des livres, en gardant au quotidien sa fascination pour les livres et sa volonté de créer.
Il y a donc une cohérence dans son parcours et son travail actuel, même si cela est passé par un long détour d’une quinzaine d’années qui a le mérite de mettre en valeur, en creux, la détermination de l’artiste. Aurélie Salvaing a une formation de juriste et a commencé sa vie professionnelle comme documentaliste au sein de l’ordre des avocats. Au milieu des livres, même s’il s’agit davantage de codes austères que d’ouvrages propices à l’évasion. Elle ne fait alors de la peinture qu’en dilettante dans les temps qu’il lui reste.
Et puis un jour, elle décide de faire de l’art son activité principale: “Quand je me suis décidé à laisser tomber le droit pour faire vraiment ce que je voulais, eh bien j’ai commencé par utiliser mes livres de droit. Cela tombe bien, les différents codes juridiques se périment et il faut les racheter tous les ans! Je n’avais donc aucun état d’âme : je les ai déchirés page après page, pour en faire des supports à mes créations, comme cela la rupture était irréversible!”
Voilà donc comment dès le départ, le livre et le pinceau, les écrits et l’image ont toujours été mêlés dans le travail d’Aurélie Salvaing. Le reste est affaire d’obstination, de sillon peu à peu exploré, d’expériences qui enrichissent les pratiques.
Elle démarre avec des compositions abstraites, mais rapidement, elle a envie de peindre ses enfants. Et cela plaît au point de lui attirer quelques commandes. La voilà qui bifurque vers la représentation humaine, les portraits, des visages d’inconnus, des groupes, des nus. Des séries vont suivre, sur les foules, des enfants dans un choeur, une autre sur des chercheurs à la demande d’un laboratoire de Montpellier.
A chaque fois, le travail part d’une base identique: l’artiste prend des papiers variés, choisis en fonction de leur épaisseur, de la nature de leurs caractères, mais également de leur couleur ou de leur fibre. En fonction, elle les roule en boule et les trempe dans différents jus visant à leur donner une patine qui trompe sur leur âge, elle les déplie, recommence si besoin, au feeling. “C’est au départ un travail sur la destruction, l’effet du chaos. Déchirer, mais dans un but créateur. Un peu comme ces porcelaines japonaises qui retrouvent une nouvelle vie après restauration. Je travaille à partir de vieux livres, de vieux journaux, mais je ne sais pas trop ce que cela va donner au départ. Le contrôle se fait a posteriori”.
Une fois les papiers déjà bien usés, l’artiste les déchire pour les coller, les uns sur les autres, pour créer une trame de fond accidentelle.
Arrive alors la deuxième phase du travail, le motif, mais les deux phases ne sont pas étanches l’une et l’autre: “Mes dessins s’appuient toujours sur ce que j’ai collé. Parfois la ligne d’un texte ou d’une déchirure peut redessiner le nez… ou pas. Parfois également, je ressens le besoin, alors que le dessin est déjà en place, de recoller des morceaux, voire des images”.
Rien n’est figé, rien n’est assuré, tout s’interpénètre. L’artiste utilise pour son dessin beaucoup d’encres très diluées, des terres de Sienne ou des bleus de Prusse qui tirent vers le noir, l’ensemble étant en harmonie avec les teintes choisies pour colorer ses papiers au départ. “Parfois, je pense avoir échoué à équilibrer les choses, mais par ajout, retrait, reprise, fusion entre le papier collé et le dessin, cela finit par se tenir”. Et puis, si besoin, elle va utiliser tout ce qui lui tombe sous la main: pastels gras, brou de noix, café, acrylique.

Le résultat est limpide: un visage apparaît, une expression, mais les déchirures sont toujours là, les différentes patines aussi, et les coups de crayon ou de pinceaux également. Pas question de tout fusionner, de faire disparaître les accidents, ou les différentes strates de matières, bien au contraire. C’est la rencontre entre ces différentes strates qui va créer l’oeuvre finale et qui donne cette ambiance si particulière ou tous les éléments apparaissent pour ce qu’ils sont tout en participant à une nouvelle création. Au final, on a un personnage qui sort littéralement des pages, qui prend vie en s’extrayant de pages et de textes qui semblent eux-même avoir résisté à l’usure du temps.
Parfois Aurélie Salvaing se repenche alors sur ce que disaient les textes qui ont servi de support. “Souvent, cela me donne des titres. Récemment dans un nu, je découvre une phrase qui apparaissait au niveau des fesses de mon dessin, un bout de phrase où il était question du ‘conseiller des familles’. Cela est devenu immédiatement le titre de l’oeuvre!”
Là encore, l’anecdote en est une mais va au-delà: comme la déchirure du papier, comme le passage du papier plié dans un jus coloré, le texte apporte lui aussi son lot d’accidents, intéressants ou pas. Le travail de l’artiste est là encore de repérer les accidents intéressants.
Anne Devailly

BIO
Née en 1971, Aurélie Salvaing a suivi une formation de juriste et a travaillé dans le domaine juridique pendant plus de 15 ans. En 2012, elle choisit de se consacrer exclusivement à l’art et la peinture. Elle vit et travaille à Montpellier.

« Les 30 Artistes Occitanie »
Présent dans l'édition 2020 ou 2021
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