HEINS Rosario

Discipline(s)
Dessinateur/trice, Peintre
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Mrs. Rosario Heins
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Couleurs et gaités sous les tropiques

La plage, des bouées, du soleil, des habits légers, la mer, le sable… Pour tout le monde, cet univers est déjà signe de vacances, de détente, de joie. La franco-colombienne Rosario Heins lui donne pourtant une autre dimension.

Les enfants jouent, le sable est chaud, les femmes sourient, les vendeurs de ballons attendent le client. Cela sent les vacances.
Voilà ce qu’évoquent la peinture ou les dessins de Rosario Heins au premier regard : une peinture gaie, roborative, des couleurs acidulées qui évoquent les bonbons de l’enfance, le tout qui donne envie de faire un plongeon pour se rafraîchir.
Ces scènes, l’artiste les rapporte des plages de sa Colombie natale. Elle qui vit depuis de nombreuses années entre son pays natal et la France, ne renie pas cette première approche mais donne néanmoins plus de profondeur à son travail, plus d’ambiguïté, et s’amuse des interprétations différentes que peuvent donner de sa peinture un regard français et un regard colombien.
Exemple: sur une des toiles, deux femmes avancent, chacune tenant un petit seau en plastique. Pour n’importe quel Français, ce sont deux jeunes mères qui apportent un seau à un enfant hors champs. Pour n’importe quel Colombien, ces femmes portent dans leur petit seau leur matériel professionnel, de la crème, un gant, une éponge: ce sont des masseuses qui proposent leur service aux touristes sur les plages.
Depuis qu’elle a commencé à s’intéresser au «petit peuple de la plage», l’artiste a focalisé sur les petits métiers qu’elle rencontre sur le sable de Colombie, car sa peinture est aussi un vibrant hommage à tous ces Colombiens qui, sans se plaindre, essaient de s’en sortir avec trois fois rien.
Il y a eu dans une première série en 2001 les vendeuses de fruits, ces femmes noires, voluptueuses, qui vendent papayes, ananas ou pommes cannelles, bref, des fruits aussi colorées que leur tee-shirt. A suivi une série sur d’autres petits métiers, les vendeurs de lunettes, de ballons, et pourquoi pas les masseuses. Et puis ces jeunes qui attendent on ne sait quoi sur leur mobylette. L’artiste ne juge pas, elle montre, et tout ce petit monde participe de l’atmosphère si particulière qui se dégage de ses toiles.
Pour la plupart, quand il ne s’agit pas des touristes, il s’agit de gens que Rosario Heins connaît depuis des années. Elle leur a demandé de poser devant son appareil photo, comme ils sont, au quotidien, avec leurs habits et se prêtant à leurs activités habituelles. Et si les femmes ont des formes opulentes, qui plus est mises en valeur par des vêtements fluos moulants, c’est encore mieux : elles seront aussi vives et colorées qu’un jouet de plage. Au pays de Botero et de ses femmes tout en rondeur, on ne va pas idéaliser la femme dans un mannequin anorexique.
Elle va ensuite travailler dans son atelier à partir de ces photos : ce qui l’intéresse, c’est évidemment la pose des personnages, leur attitude, leurs vêtements colorés. Beaucoup moins la mer, le sable, le ciel. Tout cela se devine, cela suffit.
Le regard doit rester centré sur ces touristes et ces vendeurs ambulants et leurs marchandises. Ces gens n’ont rien ou quasiment. Ils vendent des choses encombrantes qui vont leur rapporter des broutilles. Mais ce sont eux qui font de la plage ce qu’elle est: un lieu de vie, d’échange, de partage.
Parfois, ces vendeurs disparaissent sous leur marchandise: celle-ci étant elle-même colorée et légère, la scène ne prend pas de dimension tragique pour autant. Le vendeur disparaît sous un nuage de ballons, il n’est pas écrasé sous le poids de la charge.
Sous le crayon de Rosario Heins, la vie est simple. Pas forcément facile, mais simple. Les uns vendent les ballons, les autres les achètent… ou pas. Mais tous se côtoient sous le soleil des tropiques en attendant que le temps passe…
L’artiste ajoute sa petite touche pour apporter à son tour une note ludique à la scène: sur l’un, c’est la bretelle de soutien-gorge qui porte la marque «Heins», sur l’autre, c’est le gobelet en plastique logoté «Heins», sur un troisième, ce sera la casquette, ou la glacière, les bouées,… Comme Hitchcock qui apparaissait dans chacun de ses films, Rosario signe les objets qu’elle représente, comme un emblème de son travail.
Car le plastique, la couleur, la multiplicité des objets, tout cela fait partie intégrante de son univers. D’ailleurs, l’artiste glisse régulièrement du vendeur à la seule marchandise: des planches de lunettes aux montures plastiques colorées, un amas de ballons gonflés. Parfois même, on approche de l’abstraction : dans les bouées géantes peintes dans un cadrage très serré, on voit avant tout une accumulation de cercles. On pense cette fois-ci davantage aux cercles de lumière de Sonia Delaunay, autre peintre qui cherchait elle aussi à retranscrire la vivacité d’un monde (celui né de l’électricité).
Pour rendre compte de cet univers coloré, Rosario Heins a longtemps choisi la force et la rapidité de l’acrylique, avec ses couleurs franches et nettes, qui ne se mélangent pas. Elle n’utilise jamais de noir, tout est couleur, franche dans les masses principales, mélangées dans les ombres, mais jamais noir. De plus en plus, elle privilégie le crayon de couleur. Les couleurs sont moins flashy, et les personnages quittent un univers de pop-art pour gagner en douceur, en se fondant davantage dans le paysage.
Et c’est fondamental: sans eux, les plages de Colombie n’auraient pas le même charme.

Entretien - Rencontres Artistes d'Occitanie
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