
Techniquement, je travaille des bois massifs et locaux, sans collage, utilisant principalement le tour à bois et la sculpture. La collection Fukaï sur laquelle je travail actuellement est organique et fantasque, quasi vivante, et se nourrit de la nature. Les œuvres ne trompent pas, ça se voit, ça se sent comme une évidence. Mais savoir pourquoi j’en suis là, actuellement, dans mon cheminement, c’est une question qui m’oblige à parler de moi-même. Céramique, photo, vidéo, écriture, sculpture… Tout au long de ma vie j’ai toujours été attiré par la création artistique, jusque dans mes études où j’ai suivi en parallèle de mon DEA de géographie humaine une licence de cinéma. Deux univers me nourrissaient à cette époque, d’une part la nature et la variété infinie des formes et des couleurs qu’elle recèle, toujours magique. D’autre part la sculpture tribale et ses visages taillés à la serpe, déformés et tellement expressifs. Mais c’est en rencontrant le bois, et principalement le tour à bois que j’ai vraiment développé une activité intense à la fois en terme de qualité et de recherche artistique. J’ai découvert le tournage sur bois en 2014. Outre la rapidité avec laquelle on travaille une forme dans le bois, ce qui m’a plu de suite, c’est la possibilité de “déshabiller” le bois, de découvrir et sublimer ses spécificités, sa couleur, son veinage, son identité. Le travail au tour donne aussi la possibilité de dessiner des courbes aux contours tendus et de créer des objets esthétiques aux formes pures. J’ai ainsi appris en autodidacte à mieux connaître les bois, l’outillage spécifique, la technique du tournage. Avec le temps, je ressentais une insatisfaction grandissante de limiter ma créativité à une technique bien que fabuleuse. J’en ai gardé cependant le lien avec le bois et son dessin, ses couleurs et ses spécificités en cherchant des techniques pour m’ouvrir à des formes nouvelles. C’est en 2019 en rencontrant le tourneur Alain Mailland que j’ai découvert de nouvelles perspectives, à la fois techniques et conceptuelles, quant à mon travail artistique. Techniques parce que l’intégration de la sculpture sur une base tournée, avec l’utilisation de plusieurs axes, ouvrent des horizons fantastiques à l’imagination. Conceptuelles car je retrouve dans le foisonnement des possibles mon attirance de chaque instant pour la nature, ses formes, ses couleurs, sa plasticité. Graines, planctons, mousses, insectes, cosses, mollusques, arbres, virus, lichens… Tout est source d’inspiration.
La collection Fukaï est née de cette alchimie. Le Fukaï est le nom de la « mer de décomposition » dans Nausicaä de la vallée du vent, une œuvre de Hayao Miyazaki. Elle lave les dommages écologiques faits par les hommes en extirpant le poison de la terre. C’est une quête similaire que je suis en proposant des créatures, des plantes, des champignons à la limite du fantastique, espérant donner aux spectateurs un autre regard sur le monde, un amour inconditionnel de la nature, fragile parfois comme un petit fil de bois tourné. Je suis actuellement dans une réflexion de mise en scène sur la collection Fukaï. J’ai proposé, dans un esprit frisant l’absurdité, des arbres phylogénétiques de mes créations, comme si elles suivaient les mêmes règles d’évolution que la nature que nous connaissons. Cette idée, associée à une taxonomie rigoureuse et imaginaire, donne une image scientifique et évolutionniste à mon travail. À la fois par les techniques utilisées, les bois, les textures, les formes, mais également par une représentation imaginaire d’espèces, de genres, de familles, telle une classification biologique. J’ajoute a cette démarche une vision créationniste tout aussi absurde qui met en abîme le travail réel du sculpteur dans le façonnage de l’œuvre. J’ai publié un livre développant cette mise en scène.