
Déplacer la perception de la matière
Les sculptures en métal de Manon Damiens évoquent la légèreté et la fragilité d’une feuille de papier soulevée par le vent. Derrière cette légèreté, un travail d’une extrême rigueur pour contraindre le métal, et lui faire retrouver son lien avec la terre.
Parfois, Manon Damiens pose une plume à côté de sa sculpture, invitant le spectateur à s’en saisir pour caresser l’œuvre de métal : la légèreté de la plume va suffire à donner vie aux cercles, aux ondulations, aux volutes, … qui lévitent au bout des tiges.
Tout est dans cette fusion des contraires : le froid et dur métal semble désormais léger et aérien.
Pour parvenir à “déplacer la perception de la matière” comme le dit l’artiste pour définir son travail, elle joue de différentes techniques: le travail du vide ou des formes ajourées, qui d’emblée dépouille la matière du côté massif qu’elle pourrait avoir dans ses formes pleines; le travail de la surface du métal, avec ces craquelures ou ces irrégularités qui lui donnent vie, sans oublier les finitions qui apportent à la matière un lien avec le monde du vivant: le matériau peut apparaître rouillé, poli, ou vert-de-gris, comme l’automne fait rougir les feuilles et rend moussues les écorces.
A côté de quelques arbres, au milieu d’une clairière où le soleil se joue des ombres sur les branches, au bord d’une rivière, on trouve finalement naturelle la présence de ces cercles qui bougent au gré du vent sur leur tige, ou de ces vagues qui ondulent dans l’air comme leurs ombres ondulent sur le sable. Parfois aussi, l’artiste joue sur le son que peut rendre le métal quand une goutte d’eau vient le faire résonner.
L’œuvre de Manon Damiens est à la fois abstraite, faite de formes très simples – des cercles, des rectangles – et très fortement évocatrice des phénomènes qu’on peut observer dans la nature: le vent, la lumière du soleil, la chaleur, la fluidité de l’eau. Les sculptures suggèrent ces phénomènes par leur forme mais vont plus loin en prenant vie avec les éléments. La fusion est complète. Le métal renoue avec ses origines.
A la base de ce travail, des techniques très précises, apprises à l’école Olivier-de-Serres, qui forme chaque année une dizaine de sculpteurs sur métal : « On apprenait des techniques de dinanderie, autrement dit l’art de mettre en forme les métaux en feuille non ferreux, notamment le cuivre et le laiton. On porte le métal à rouge : la chaleur le rend malléable, et le métal, une fois refroidi, peut-être travaillé au marteau».
Puis l’artiste coupe, joint, martèle, soude, patine, suivant un objectif très précis fixé au départ.
L’œuvre prendra ensuite son envol, avec une légèreté qui effacera toute trace du travail accompli. Simple et léger comme le souffle du vent sur une feuille d’automne.
Anne Devailly
VERBATIM
“De la terre au ciel, l’élan
Le travail d’un artiste lui ressemble souvent.
À les regarder, les sculptures de Manon Damiens plantent leurs racines profondément en terre et poussent leurs ramures loin dans le ciel.
À les entendre, elles chantent, carillonnent en tintements, grelots et clarines ; fredonnent en bruissements, chuchotis ou clapotis.
À les caresser, elles répondent en suavité et en rudesse, lisseté et granulosité, douceurs et aspérités… – aussi diverses que les corps le sont.
Car de son matériau d’élection, le métal, Manon Damiens tire toutes les propriétés, elle joue sur ses sources telluriques, terriennes, et parie sur ses capacités de légèreté, d’envol, transformant la matière en tiges, en feuilles, en sons.
De sa formation d’artisan, Manon a retenu les gestes : tour à tour dinandière, ferronnière, forgeronne, marteleuse, coupeuse, soudeuse, patineuse… Puis, créatrice, elle anime ses tiges d’acier et feuilles de cuivre et de laiton, les confrontant à la pierre, au bois, au béton. Et, toujours travaillant la légèreté, elle découpe avec minutie, crée des trame, presque des broderies, joue sur les courbes, les volumes, encastre, juxtapose, entremêle… donnant vie à des Inflexions, des Propagations, des Ondulations, des Vagues, des Vibrations, des Envols, des Lunes…”
Béatrice Gerbaud Nieto
“Tisser un lien et faire sentir une relation avec l’espace qui nous entoure peut-être dans un autre rapport au monde, regarder, prendre le temps d’observer, s’imprégner, ressentir, vibrer en harmonie avec la matière en toute simplicité !” Manon Damiens
BIO
Manon Damiens a grandi dans le milieu du théâtre et a d’abord orienté ses études pour devenir scénographe. Puis elle a complété ce parcours par un diplôme des métiers d’art en sculpture sur métal à l’École des arts appliqués Olivier-de-Serres. Pendant des années, elle réalise des décors pour le théâtre et le cinéma, avant de partir vivre quatre ans au Sahel, à travailler avec les artisans bijoutiers touaregs tout en confectionnant des vêtements avec les femmes nigériennes.
A son retour en France, elle s’installe dans l’Aude et se consacre à la sculpture sur métal.
2013, Manon Damiens participe à Artistes à suivre, dans la Haute Vallée de l’Aude
2016: Sélectionnée pour le festival international des Jardins de Chaumont-sur-Loire
2017: Prix régional des Ateliers d’Art de France
2017: Exposition au centre d’Art contemporain, à Perpignan, organisée par la ville
2019: Salon Révélation, Grand Palais, Paris, pour lequel elle doit réaliser une “pièce d’exception”
2019: Présentation de son travail à La Maison France 5
2021: Participation à une exposition collective sur le thème des bouées, organisée à Brest, à l’occasion de l’ouverture du Centre national des phares, à Douarnenez.
2019: Salon Révélation, Grand Palais, Paris, pour lequel elle réalise une “pièce d’exception”
2016: sélectionnée pour le festival international des Jardins de Chaumont-sur-Loire
2017: Prix régional des Ateliers d’Art de France.