LEBAS Pierre

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M. Pierre Lebas

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Cette présentation de l’artiste et de son travail est parue dans le livre Artistes Occitanie: les 30 artistes 2022

Toulouse
Pierre Lebas
De petits traits pour de grotesques abîmes

Un dessin précis, minutieux mais qui tord le réel. Des images ou l’on reconnait des corps, sans comprendre ce qu’ils font ou ce qui leur arrive. Souvent intemporelles, les oeuvres de Pierre Lebas ouvrent sur une interprétation qui défie la rationalité, en mettant l’accent avec légèreté sur l’absurdité du quotidien.

Le dessin est minutieux: de nombreux traits de crayon, fins, qui s’accumulent pour former un volume, la plupart du temps figuratif: un corps, un visage, des éléments de paysages. Jamais de traits de contour, pas de volonté de remplir la feuille, un motif qui se dégage mais qui ne s’impose pas. Au contraire: le crayonné est parfois si léger qu’il oblige à s’approcher au plus près de la feuille de papier. Pas davantage d’éléments de contexte spatial ou temporel: l’art de Pierre Lebas reste délicat, on pourrait presque dire timide. Comme chez Topor, référence ici évidente, Pierre Lebas aborde ses sujets avec une économie de moyens qui saute aux yeux.
Et cette sensation qu’il transmet, par son trait, de pénétrer comme par infraction dans cet univers se retrouve évidemment dans les thèmes: la plupart des dessins montre un quotidien dont les repères ont été brisés.
Le regard voit d’abord un motif réconfortant: l’être humain. Mais l’individu ou les individus sont souvent le motif unique au centre de la feuille. Cela les isole, leur accordant de ce fait une dimension tragique en contradiction avec la légèreté apparente du propos initial. Paradoxe qui n’est évidemment pas pour déplaire à l’artiste.
Ces dessins délicats, frêles, ces scénettes énigmatiques donnent l’impression que l’artiste joue avec son public, comme s’il faisait la moitié du travail mais demandait à celui qui regarde de faire le bout du chemin.
Et petit à petit, on songe à tous ces artistes qui mettent au coeur de leur oeuvre l’absurdité de l’existence. « La plus grande qualité de l’homme pourrait être qu’il se sache destiné à mourir et qu’il s’en foute », citation de l’écrivain Charles Bukowski que Pierre Lebas fait volontiers sienne.
Car à longueur de dessins, l’artiste rappelle ce tragicomique de l’existence: l’homme est conscient, mais cette conscience lui sert surtout à regarder l’absurdité de la situation, le loufoque du quotidien. “Mon travail se situe entre la représentation traditionnelle figurative et une approche iconographique métaphorique, explique l’artiste. Ce sont les formes, les matières, les scènes décrites qui réinventent l’espace et le temps, organisant ainsi une théâtralité mettant en scène farce, tragédie, constat, suspens, comédie ou drame. L’approximation de l’être humain se décline dans un mythe quotidien, fragilise ses données familières. L’artifice de sa vie est constamment affaibli par l’éventualité d’une soudaine défaillance”.
De fait, les dessins joue avec le familier pour mieux re nouveler le regard: la femme qui dort sur un canapé a un sommeil tellement profond qu’elle se confond avec la pièce, les rayures du papier peint se prolongeant sur son corps; dans une des nombreuses oeuvres intitulées “confinement”, le corps semble peu à peu se digérer lui-même, mais tout cela dans un univers coloré d’aquarelle; dans d’autres, le personnage se devine, mais il est souvent de dos, ou bien on ne lui voit que la coiffure. Il est isolé, mais quelques fils de couleur, ténus, dérisoires, semblent enocre malgré tout le relier à la société.
Rien de calculé pour l’artiste, qui relie sans cesse l’acte de dessiner au dessin lui-même: “Le geste est important. Je dessine avec une multitude de traits, ce qui permet aussi aux idées d’évoluer au fur et à mesure de la réalisation”.
L’artiste dessine quasiment tous les jours, “quand je me lève ou dans le train et évidemment quand j’ai une expo à préparer! Je n’ai pas de problème d’inspiration. Je trouve toujours un point de départ, cela peut venir d’un truc entendu à la radio, ou parfois je prolonge des thématiques déjà entamées, comme ce travail sur le corps ou les architectures décalées”.
Car l’artiste laisse parfois de côté la figure vivante pour travailler sur « les inventions d’espace, les lieux architecturaux qui interrogent la forme, l’espace et le temps, créant des endroits inhabitables, des rivages d’errance ».
Aujourd’hui, l’artiste fait sortir le dessin de la feuille, pour aller vers des ”situations dessinées”: c’est ainsi que, avant le confinement mais encore plus depuis cette période, des fils de couleur peuvent désormais relier, entourer, voire contraindre les corps (l’artiste laisse parfois l’interprétation ouverte), ou que l’artiste intègre dans un dessin au crayon, quelques formes à l’aquarelle.
Cette volonté de sortir le dessin de sa “zone de confort” qu’est la feuille de papier l’amène à investir de nouveaux champs plastiques: le mélange du dessin et de techniques mixtes sur papier; les tableaux lumineux et phénomènes optiques ou cinétiques avec des sérigraphie sur verre ou plexi, avec éventuellement des projections vidéos sur le fond.
Comme dans ses dessins, ses nouvelles voies gardent un aspect ludique, expérimental, drôle ou dramatique. C’est notamment le cas quand il multiplie ses dessins dans une boîte lumineuse, rajoutant à la dimension absurde du dessin initial des effets d’optique qui ne font que renforcer cette dimension.
“Ces peintures, gravures, dessins et assemblages, poursuit-il, tentent de diriger le regard sur les attirances et les répulsions qui naissent de la confrontation de l’homme avec son image”.
Quelle que soit la technique, quelle que soit l’époque, un thème qui reste inépuisable.

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BIO
Pierre Lebas est né en 1970 en Charente.
Diplômé avec mention des Beaux-Arts à Angoulême.
Pratique le dessin, la gravure, les installations, sculptures, assemblages intermédials. Collabore avec d’autres artistes, vidéastes, chorégraphes, peintres, comédiens et expose en France et à l’étranger.
Egalement graphiste, il réalise un grand nombre d’affiches et de supports de communication pour des structures culturelles, ainsi que décors, scénographies, mises en espace et lumière de spectacles vivants.

Plusieurs livres déjà édités, dont Grotesques abimes (2016), et Ecrire et Peindre, publié en juin 2021; édition Incorpore (Espagne).

« Les 30 Artistes Occitanie »
Présent dans l'édition 2020 ou 2021
Galerie virtuelle