GUERRIN Anne

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Mme Anne GUERRIN

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Cette présentation de l’artiste et de son travail est parue dans le livre Artistes Occitanie: les 30 artistes 2022

Anne Guerrin, La Tour sur Orb

La terre, le matériau d’où tout commence

“Seul l’Esprit, s’il souffle sur la glaise, peut créer l’Homme” disait Saint-Exupéry. Une phrase qui convient à merveille au travail d’Anne Guerrin, qui fait émerger formes et personnages de la terre tout en laissant toujours apparent ce matériau d’origine, matrice de toute création.

Les grands personnages d’Anne Guerrin semblent jaillir du sol, tel le chêne qui s’y enracine d’autant plus qu’il va en même temps vers le ciel.
Ses “Sages” sont grands, droits, couleur de la terre, sans bras. Des hommes-tronc. La plupart du temps, ils sont chauves mais quand ils ont quelque chose sur la tête, c’est une coiffe improbable, peut-être sortie d’une civilisation encore peu connue. “J’aime les coiffes, et encore plus les cheveux pris dans de grandes coiffes. Au départ, c’était par simple plaisir. Ce n’est qu’après que cela m’a amené vers des coiffes qui donnent ces allures d’êtres cornus”, précise Anne Guerrin.
Bref, ces Sages, hommes ou femmes, sont clairement intemporels. Ils sont là, et c’est leur présence même, plus qu’une éventuelle expression, qui est déterminante. Ils ne résument pas tout le travail d’Anne Guerrin mais ils donnent une première constante de son travail: la terre.

Un vrai fil conducteur pour cette sculptrice qui précise volontiers un parcours ancré dans la campagne: fille d’agriculteur, née en Champagne dans un village de moins de 200 âmes, elle a bénéficié dans son enfance d’une grande liberté, les parents d’alors laissant leurs enfants courir dans la campagne, les pieds dans la terre.
Elle a ensuite travaillé dans les champs avec ses frères et sœurs. Une école de rigueur:
“Des travaux durs mais formateurs et j’aimais ça, toucher la terre, la sentir, être en prise avec les éléments, le vent, le froid mais aussi la chaleur, en plein été”.
Les Sages ouvrent aussi sur d’autres pistes, récurrentes dans son travail: le lien avec sa propre existence et le lien avec le sacré: “Mes Sages sont nés du cheminement d’une vie, d’un intérêt pour le sacré : rites, symboles, mythes, lectures. Dans cette observation du monde, l’homme placé au centre, les yeux fermés évoque la méditation, len lien avec la nature. Le Sage n’est plus dans l’agir”.
Aujourd’hui, la sculptrice a quitté les terres de son enfance, et s’est finalement installée dans les hauts cantons de l’Hérault.
“Je vis dans un écrin propice à la création: le parc naturel du Haut Languedoc. Depuis quelques années, je pratique le qi gong et la méditation. J’ai une formation de psychothérapeute et d’art thérapeute, mais j’ai progressivement écarté cette pratique pour ouvrir mon atelier à un public à qui j’aime transmettre, l’échange me poussant à toujours expérimenter, approfondir”, précise-t-elle.
Ici comme dans la Champagne de son enfance, on retrouve dans son travail cet amour de la terre, dans le matériau même qu’elle utilise et qu’elle laisse bien visible, sans chercher à le recouvrir de pigments ou de vernis. “La terre est mon élément vital, elle est comme une respiration, il m’est difficile de passer plus d’une semaine sans la toucher”.

“Pour mes Sages, j’utilise la technique de l’enfumage. En clair, c’est le contraire du raku, qui lui est le résultat d’une cuisson brutale qui provoque un choc thermique sur l’émail. L’enfumage au contraire réside dans la maîtrise des montées en température”.
L’artiste procède d’abord à une première cuisson au four électrique, une seconde pour la petite couche d’émail, une troisième pour l’éventuelle photo décalcomanie. Elle vaporise des oxydes et c’est alors seulement qu’intervient le four d’enfumage “par morceaux séparés, pour créer des ruptures”.
L’artiste construit son four en fonction de la taille de la pièce. “Je le remplis avec des copeaux, et j’y plonge les pièces à cuire. Et je vaporise les pièces avec des oxydes. L’ensemble va monter en température jusqu’à 7 ou 800°, ce qui peut prendre 24 heures. L’enfumage confère une patine hors du temps, et puis, cela apporte la surprise. Je ne contrôle pas tout et c’est très bien ainsi”.

Anne Guerrin arrive à faire des pièces qui font 70 cm de haut, mais une fois assemblées, cela donne un Sage imposant d’1,30 mètre.
Là encore, il ne s’agit pas d’enjoliver le travail: le raccord entre les pièces n’est pas masqué: les cuissons différenciées, le noir de fumée différencient les morceaux qui sont de toute façon reliés les uns aux autres par des agrafes bien visibles.
L’approche d’Anne Guerrin envers l’art est donc la même que celle qu’elle a vis-à-vis de l’existence même: “C’est une philosophie de vie. Je suis installée dans une bâtisse à la campagne ou la nature est puissante. Cette bâtisse me permet d’avoir mon atelier, d’accueillir du public, mais il est situé dans une nature ou je peux marcher en m’isolant du monde, ce dont j’ai tout autant besoin”.
Si l’univers de ses œuvres tire vers le religieux, la mythologie, l’enfance n’est jamais loin. On l’a vu avec les coiffes, on le voit aussi avec les motifs qui apparaissent dans les paysages intimes ou sur les corps des grands Sages: des photos prises par l’artiste. “Je cherche l’arbre qui se découpe sur le ciel, puis j’immortalise cet instant et le transforme en décalcomanie. Cela demande plusieurs étapes avec des phases de séchage, c’est un travail lent”. Ses “décalcomanies” lui ont demandé quatre ans de recherche.
Ces végétaux qui apparaissent sur les corps des grands Sages les relient encore davantage à la nature.
Plus que jamais, ils montrent que l’artiste travaille finalement un seul thème et pas deux: plus que l’humain et la nature, c’est la façon dont les deux sont liés qui intéresse l’artiste. Et un peu de terre, quelques évocations d’arbre suffit à en rendre compte.

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VERBATIM
ENFANCE ET RIGUEUR
“Enfant, je voulais devenir violoniste. J’ai appris le violon qui demande travail et rigueur. Je pense avoir conservé cette rigueur, je travaille beaucoup, j’ai toujours soif d’apprendre, je peux passer quelques années à expérimenter pour mettre au point une technique et la maîtriser. Mais si la rigueur de travail ne me pose aucun problème, je n’ai en revanche jamais supporté de cadre, je n’ai jamais pu rentrer dans quelque moule que ce soit. J’ai besoin de liberté”.

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Bio
Née en Champagne
Formation initiale au travail de la terre chez Prometer (centre de formation aux arts céramiques à l’époque installé aux Pennes Mirabeau, Bouches du Rhône) de 1997 à 2002.
Anne Guerrin est représentée par deux galeries, Bouillon d’art à Bordeaux et Racont’Arts à Lyon.

« Les 30 Artistes Occitanie »
Présent dans l'édition 2020 ou 2021
Galerie virtuelle