FILIPP Aline

Aline Filipp vit et travaille entre Perpignan et Neuchâtel. C’est une artiste multidisciplinaire.

Pour elle, le dessin, la peinture ainsi que la gravure en disent bien plus que les mots, et partager son univers tour à tour onirique et réaliste par des peintures intimistes et sensuelles, avec une écriture graphique forte, lui laisse cette liberté d’expression.
Aline aime les voyages chimériques qui nous plongent au-delà du réel. Les figures intérieures deviennent des œuvres et des dessins justes et sensibles dans lesquels chacun y trouvera un sens.

Ça se passe dans son atelier. On est au milieu de tableaux et dessins, partout. On comprend que l’endroit est en parfaite adéquation avec les œuvres.
Son travail est poétique au début, conceptuel et poétique, puis poétique et tellement plein d’émotions.

Des corps sont comme enrobés dans du velours chair que l’on confond avec la peau. On flotte dans l’enfance mais avec quelque chose de changé, une volupté à laquelle d’ailleurs, tout le monde aspire. Maintenant, elle est une décision.

Le fond se dégage brusquement, les couleurs se superposent, apparemment simples, bien plus étudiées qu’il n’y paraît, mais il y a quelque chose de si doux chez ces créatures, une sorte de nonchalance, et dans cette nonchalance, une dignité.

Tout est libre.
Possible.

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Article publié dans l’ouvrage annuel, Artistes Occitanie, les 30 artistes (2024)

Perpignan
Aline Filipp
La métamorphose du quotidien

Aline Filipp dessine depuis l’enfance. Aujourd’hui, elle dessine, peint, grave, modèle la terre, expérimente. Tout est bon pour s’exprimer et rendre compte d’un quotidien dont elle note les détails tout en le transfigurant comme bon lui semble. Dans cette frénésie de création, on flotte dans l’enfance et dans sa capacité à métamorphoser les choses. Tout est possible, l’essentiel est de l’exprimer.

Du plus ancien qu’elle s’en souvienne, Aline Filipp a aimé dessiner..
Cela a commencé quand elle avait cinq ans, et qu’elle s’échappait de sa sieste pour regarder en douce les matchs de boxe qui passionnaient son oncle à la télévision. Avec un papier et un crayon, elle commence à dessiner “ces personnages aux grosses mains rouges ou bleues qui dansent dans un enclos élastique”.
Le dessin ne l’a plus quitté, toujours en lien avec ce qu’elle vit au quotidien. “J’ai longtemps fait des carnets intimes dessinés, j’ai même réalisé des carnets en céramique, encore plus intimes puisqu’on ne pouvait pas les lire!”.
Aujourd’hui, l’artiste évolue toujours dans le champ de la création, mais elle multiplie les formules, les mediums, les sujets, les idées pour créer encore et toujours dans un tourbillon qui peut aller du dessin d’observation en montagne, à des gravures plus ou moins expérimentales et abstraites, en passant par des peintures plus oniriques et sensuelles.
Toutes les techniques sont possibles pour assouvir sa soif de création.
Et si elle passe d’une technique à l’autre, elle aime aussi superposer les techniques quand cela est possible. Rien n’est interdit.
C’est ce qu’elle a fait dans l’une des dernières séries sur laquelle elle a travaillé. Suite à un voyage en Californie, Aline Filipp s’est passionnée pour des algues présentes dans le Pacifique, les Kelps et en a fait une série, la Forêt de kelps, des gravures de grand format, mais qui prennent parfois pour support non une feuille vierge mais une immense aquarelle qu’elle avait réalisée précédemment..
Contrairement à beaucoup d’artistes qui jouent aussi des superpositions, Aline Filipp ne le fait pas pour que les éléments se juxtaposent en laissant faire le hasard. “Non, j’essaie quand même de voir ou va intervenir la gravure sur la feuille qui comporte déjà un motif. En revanche la superposition d’une aquarelle représentant un corps de femme et d’une algue peut apporter une nouvelle dimension”.
Ce que l’on voit volontiers dans les deux gravures intitulées Thanatose, qui font partie intégrante de cette série, la forêt de Kelps. En juxtaposant un corps de femme, voire juste une couleur chaire et la gravure d’une algue aux formes organiques très détaillées, apparaissent des motifs d’ordre sexuel qui ne naissent que de la juxtaposition des deux. Les algues prennent vie, nous semblent plus familières, et leur ondulation dans l’eau est évoqué par ce corps de femme sous-jacent.
L’artiste peut aller plus loin en superposant deux ou trois tirages de gravure sur une même feuille, et tirer son premier motif – les algues- vers des oeuvres qui vont alors frôler l’abstraction.
Le travail de l’artiste est donc maîtrisé. Si elle expérimente volontiers, c’est toujours en essayant de prévisualiser le résultat final. Dans une des deux gravures Thanatose, l’artiste a gravé sur une feuille de calque où elle avait dessiné un corps humain. Le résultat n’était pas certain, le papier calque n’étant pas connu pour être une matrice habituelle en gravure. Mais le résultat est là: le corps dessiné au préalable sur le calque semble avoir donné naissance aux algues, comme une excroissance végétale d’un corps animal. Fusion des techniques, fusion des formes du vivant.
Comme souvent, les créations picturales de l’artiste s’accompagnent de textes sur le même sujet. Cette fois-ci, ce sont les mots et non plus les traits qui rendent compte du sujet, mais dans une approche parallèle: “Les forêts de Kelps forment un monde sous-marin parallèle, un biotope présent sur la plupart des océans de la planète. Les Kelps n’ont pas de racine à proprement dit mais une histoire de plus d’un milliard d’années. De toute leur longueur, je les ai vus danser langoureusement à Monterey Bay, avec élégance et volupté. (…) J’ai voulu étudier par le biais de la gravure cette frontière sensible, cet univers aquatique, celui du dessous, souvent opposé au dessus. Seule cette technique avec l’encre noire profonde qu’on ne trouve pas ailleurs révèle à chaque impression une trace qu’on a voulu effacer”.
Et comme souvent, un élément de cette série va déclencher un autre travail chez l’artiste. En l’occurrence, cette remarque “cet univers aquatique, celui du dessous, souvent opposé au dessus” va maintenant donner naissance à un travail, où l’artiste va chercher à représenter dans une même oeuvre l’eau, ce qui est au-dessus, ce qui est en-dessous, la surface vue du dessus ou la surface vue du dessous.
Les Kelps ne seront plus présents mais une gageure autour de la représentation de l’eau prend la suite.
Et ce projet renvoie à une question qui la taraude depuis l’enfance, le lien entre le dedans, le dehors, la circulation des choses. Aline Filipp poursuit une quête depuis des années, mais en enrichit le sens par des propositions sans cesse renouvelées.
Anne Devailly

BIO
Diplômée des Beaux-Arts de Perpignan. Spécialisée en gravure à l’eau-forte aux Beaux-Arts de Hanovre, formée par le graveur Emmanuel Gatti
Membre de la Fondation Taylor à Paris. Soutenue par Castang Art Project. Editée par VOIX Richard Meier. Doctorante, thèse Esthétique de l’Art, université Paul Valery III à Montpellier

Quelques expositions: Castang Art Project – MO.CO, La Panacée, Montpellier – Chapelle du Quartier Haut, Sète – Palais des rois de Majorque et Campo Santo à Perpignan – Berlin, « Fensterflugelausstellung » collectif – Centre d’art acentmetresducentredumonde, collectif –
Château de Lastours (Aude) – Galerie de la Cabrerisse (Aude) – Galerie Immanence, Paris, collectif-
Escale d’un jour à Cerbère avec le Centre d’Art et d’Études ZZYZX

EXPOSITIONS prévues en 2024
Monastir del camp, Perpignan, avril 2024 – Galerie des Hospices, Canet en Roussillon, mai 2024-
Galerie de la Cabrerisse, Aude, juillet 2024 – Mars 2024: résidence artistique à l’Idem, puis à Calce 3C (66).

VERBATIM
“(Enfant), je m’enfermais dans une vie parallèle et intense, je retranscrivais ce que j’explorais de moi- même et du monde dans mes carnets. Je deviens une expérimentatrice de mon existence, telle une chercheuse je rassemble des données, je tente de créer des liens entre le dehors-dedans et le dedans-dehors…un mouvement….pour comprendre….pourquoi l’absence de mon père est-elle devenue une présence si vivante ?
Cette présence anime secrètement mes œuvres, elle et moi dialoguons à travers ces carnets….des dizaines et maintenant des centaines de carnets…un plaisir infini… “
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