“Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme”
Cette formulation de l’agronome et chimiste Antoine Lavoisier résonne avec la démarche artistique que je poursuis.
En effet, j’utilise des objets ou matériaux à l’abandon pour réaliser des sculptures et autres travaux plastiques. J’aime jouer avec les éléments inattendus du matériau, ces imprévus me conduisant à modifier parfois mon idée première, à m’adapter, tel le bricoleur de Claude Lévi-Strauss.
Ma démarche s’inscrit dans une logique éco-responsable. L’éthique environnementale apparaît comme un principe structurant l’expérience esthétique. L’esthétique est la résultante d’une démarche écologique qui a pour objectif de produire un effet sur les consciences.
Mon travail est engagé vers le changement. Le déchet se fait ainsi challenge : « Comment créer sans gaspiller ? Comment créer en recyclant ? Comment la création artistique peut-elle réveiller les consciences individuelles ?».
Depuis quelques années, mon médium privilégié est la palette de livraison à partir de laquelle je réalise des sculptures murales en bas relief, des sculptures 3D et des installations. Quand je détourne cet objet, je pense à la botaniste Patricia Westerford : “ce que vous faites d’un arbre devrait être au moins aussi miraculeux que ce que vous avez abattu” (L’Arbre-Monde de Richard Powers). J’ai également en mémoire Ossip Zadkine qui se refusait à abattre des arbres et réalisait ses sculptures à partir d’arbres morts.
Les palettes de livraison ont une structure spécifique que je respecte. Mon paradoxe consiste à la conserver tout en cherchant à la rendre la moins lisible et apparente possible. Durant des semaines, je les sculpte patiemment en tenant compte de leurs caractéristiques. Les lignes droites deviennent peu à peu des courbes et le bois paraît étonnamment souple. Une œuvre finit par surgir, porteuse d’imaginaire poétique, écologique et social. Malgré sa structure préexistante et toujours présente, la palette de livraison s’évapore par sa nouvelle complexité, ses ombres portées dévoilant l’atmosphère qu’elle dégage. Elle peut alors être exposée au regard.
L’efficacité visuelle et narrative de mes sculptures ne nie pas le passé utilitaire de la palette qui, sans mon ’intervention, aurait été détruite, brûlée, oubliée. Je conte son histoire de palette qui servait à transporter des marchandises au gré des besoins des humains jusqu’à ce qu’elle soit abandonnée sur le macadam des trottoirs ou les zones industrielles, telles les « hobos » aux États-Unis, ces vagabonds qui se déplaçaient de ville en ville, le plus souvent en se cachant dans des trains de marchandises, et vivaient de travaux manuels saisonniers. Je m’applique à lui rendre dignité en la transformant en œuvre d’art, exposée au regard, mise en avant sous les projecteurs.
A l’instar des adeptes de l’Arte Povera, je défie l’industrie culturelle et plus largement la société de consommation en me servant d’un matériau dit pauvre mais chargé de mémoire pour élaborer mes travaux.
Depuis 2018, j’enrichis ma démarche en participant régulièrement à des événements In situ et de Land Art. J’investis des lieux extérieurs en réalisant des œuvres plus monumentales, dans la continuité de ma démarche initiale, lier art et responsabilité environnementale, dans une logique d’harmonie avec la nature et de sensibilisation du public.
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