Daniel CADILHAC

Discipline(s)
Peintre
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M. Daniel CADILHAC

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Ginals (Tarn-et-Garonne)
Une peinture ancrée dans une vie rurale aveyronnaise

Daniel Cadilhac est resté toute sa vie sur les terres rurales qui l’ont vu naître. Mais par une succession de hasards, l’art est venu jusqu’à lui: les toiles, les pigments, puis une prestigieuse collection d’oeuvres contemporaines sont arrivées, toutes de manière inespérée. De quoi changer la donne.

Daniel Cadilhac n’est pas né dans une famille où le mot “artiste” avait un sens. Il est issu d’un milieu paysan, très dur, dans les années 50, dans une partie du Tarn-et-Garonne qui, dit-il sans coquetterie “a gardé l’esprit aveyronnais”.
Il se souvient avant tout de la dureté de ces années-là: “On tenait grâce au foie de morue et au concentré Nestlé!” Mais malgré tout, il se souvient d’avoir dessiné vers 11-12 ans. Pourquoi? “Parce que des crayons, finalement, ca se trouve toujours…”
Les débuts dans l’art sont donc pragmatiques, terre-à-terre. Rien de plus qu’une occupation permettant une petite échappée d’un quotidien qui laisse peu de temps à la rêverie ou aux loisirs. C’est ensuite seulement qu’il regardera avec plus de recul ce milieu rural, ces croyances ancestrales, cette ambiance très religieuse dans lesquels il a baigné enfant.
Mais cela n’empêche pas les choses de s’enchaîner de manière tout à fait insolite pour parvenir finalement à ce que la peinture prenne une place de plus en plus importante dans sa vie.
“Il y a d’abord eu ma mère dont le rêve, comme beaucoup de femmes de sa génération, était d’avoir une machine à laver. Le jour où elle l’a eue, elle a changé toute la literie. Elle m’a dit que si je voulais, je pouvais piocher dans la pile des vieux draps pour peindre. Je suis alors allé voir un relieur qui travaillait encore avec de la colle de peau et qui m’a montré comment apprêter les toiles. Et là, j’ai eu droit à un deuxième coup de chance: un quincailler de Villefranche-de-Rouergue voulait changer son matériel de peinture: pour pouvoir proposer les nouvelles couleurs à base d’acrylique, il se défaisait de pigments naturels. J’ai pu les récupérer pour un prix ridicule”.
Bref, les choses s’enchaînent matériellement pour permettre finalement à Daniel Cadilhac de peindre.
Evidemment, le don de toiles ou de pigments ne fait pas tout, et Daniel Cadilhac le reconnaît bien volontiers aujourd’hui: “Je suis un autodidacte revendiqué, sans doute même un peu trop: je ne voulais subir aucune influence et j’ai estimé que la meilleure solution était de découvrir par moi-même les possibilités de la peinture. Évidemment, j’ai gâché beaucoup de toiles car je n’avais pas les bases techniques. Je ne savais pas qu’il fallait par exemple utiliser de l’huile rectifiée et j’ai vu plusieurs de mes toiles jaunir prématurément.
J’aurai gagné du temps à avoir un apprentissage, mais finalement, gagner du temps, ça veut dire quoi? Je n’avais pas de temps à gagner ou à perdre, c’est le rythme de la vie, c’est tout”.
Malgré tout, il faut bien gagner sa vie et, dans cet environnement ou on doit avant tout assurer l’essentiel, l’art ne peut raisonnablement pas être la solution. “Au final, j’ai exercé trois activités: la première est la peinture, même si je n’en ai jamais fait mon moyen de vivre; ensuite j’ai travaillé comme agriculteur, sur les terres familiales et 40 ha supplémentaires, que j’ai pu acquérir. Et puis j’ai ensuite bifurqué pour devenir professeur dans un lycée agricole, spécialiste de l’hydrographie de surface et souterraine”.
La terre, la biologie, l’art: les trois vont se retrouver dans son intérêt pour la théorie des fractales, qui peut trouver des applications dans la nature tout en inspirant les artistes.
C’est une évidence aujourd’hui en regardant ses oeuvres que ce parcours si hors du commun, ce passé dont il est si imprégné constitue le socle de son oeuvre peinte: une oeuvre qui mûrit lentement (six mois pour faire une toile), qui reste proche de la terre, de sa rugosité, de sa palette, tout en étant le fruit de défi quasi-scientifique que se lance l’artiste. Dans la série des peintures jumelles par exemple, il essaie de voir comment le même geste de peindre appliqué en parallèle sur deux surfaces peut finir par donner deux oeuvres totalement différentes: à partir de quand les oeuvres divergent, pourquoi? ou se trouve la fracture qui crée la différenciation?
Quelles que soient les séries, les peintures jumelles, les peintures archaïques, les peintures caméléons, l’artiste recherche avant tout à approfondir le geste du peintre, et à voir comment quelques infimes variétés peuvent produire des résultats différents sur la toile. Il en résulte des œuvres abstraites qui peuvent évoquer des sillons dans un champ labouré, des vagues toutes si semblables et si différentes, ou des montagnes qui diffèrent par quelques degrés d’inclinaison d’une pente.

Bien sûr, il manque une étape cruciale pour comprendre parfaitement ce parcours: le hasard a mis dans les mains de Daniel Cadilhac des toiles, des pigments naturels. Mais dans les années 60, ce “fatum” va faire encore mieux: il va amener au beau milieu de cette campagne austère l’une des plus belles collections d’art contemporain en France.
Pierre Brache et Geneviève Bonnefoi, passionnés d’art, ont un coup de coeur pour l’Abbaye de Beaulieu, située dans le village où vivait la famille de l’artiste. Le couple de mécènes rachète l’abbaye cistercienne en 1960 et y installe sa collection d’art contemporain, principalement consacrée à l’école de Paris. Daniel Cadilhac va approfondir son travail au contact de ces artistes, notamment Hartung, Fautrier, Poliakoff, Dubuffet, Michaux, Mathieu, Vasarely et Vieira da Silva.
“J’ai pu vraiment découvrir ces peintures, à un moment où je me mettais vraiment à peindre”.
Dans les années 70, le couple lègue l’abbaye et la collection à l’Etat. L’abbaye est alors transformée en centre d’art contemporain. Geneviève Bonnefoi continue à s’intéresser aux artistes et proposera à Daniel Cadilhac d’exposer à l’Abbaye en 2000. La boucle est presque bouclée: lui dont la vocation est intimement liée à ce qu’il a vu dans l’Abbaye depuis plus de vingt ans fait maintenant partie des artistes qui y sont exposés.
Mais le cheminement entre l’artiste et l’Abbaye ira encore plus loin: dix ans plus tard, entre 2010 et 2020, Daniel Cadilhac va présider l’association culturelle de Beaulieu et y organiser des expositions.
Aujourd’hui, l’artiste continue à peindre mais prend le temps également de travailler sur un livre qui reviendra sur cette démarche insolite, qui lie une oeuvre au lieu de ses origines, lieu lui-même porteur de plusieurs vies (la ruralité austère, l’arrivée d’une collection unique d’art contemporain). De quoi vivre plusieurs vies et de lui trouver une cohérence le pinceau à la main.

VERBATIM
“La peinture participe de mon équilibre. Je ne cherche pas la reconnaissance par la peinture, je ne cherche pas à la montrer ou à la vendre, mais je peins”.

VERBATIM
“J’utilise des matériaux naturels, je peins à l’huile. Avec la technique des glacis, chacun demande trois semaines, voire un mois. Chaque toile me prend six mois, mais j’essaie d’en travailler toujours deux en parallèle.
J’ai dû faire une soixantaine de toiles dans ma carrière, ce qui n’est guère plus que ce que pouvaient faire certains peintres de la Renaissance”.

« Les 30 Artistes Occitanie »
Présent dans l'édition 2020 ou 2021
Galerie virtuelle