CORNUDET Pierre

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Peintre
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M. Pierre CORNUDET

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A Béziers, l’artiste franco-québécois Pierre Cornudet s’amuse aujourd’hui à multiplier les points de vue dans un même tableau. Tout en continuant en parallèle à mener une carrière faite de rencontres, de hasards et d’idées farfelues. Rencontre avec un artiste décalé.

Pierre Cornudet fait ce qu’il a envie. Depuis toujours. Quitte à se mettre parfois dans des situations instables où il ne sait pas de quoi le lendemain sera fait. Aujourd’hui installé à Béziers dans un petit appartement (« C’est la première fois de ma vie que je signe un bail pour un appartement ! »), il pratique depuis quelque temps une peinture étonnante, qui joue avec les nouvelles possibilités des matériaux : peintures acryliques ou huiles classiques, mais également peintures fluorescentes, ou peintures phosphorescentes.

Les premières se voient en plein jour, comme toute œuvre ordinaire, les deuxièmes se voient mieux dans le noir, avec ou sans lampe pour parcourir l’œuvre. Les trois mélangées dans un même tableau donnent donc un mélange de points de vue en fonction de la luminosité donnée à la pièce où se trouve l’oeuvre.

« En 2013, j’ai exposé des œuvres phosphorescentes dans une galerie dans le nord de la France, explique l’artiste. On avait fermé tous les volets et j’expliquais l’œuvre dans le noir ! ».

Pierre Cornudet a donc une idée qui fait que ses peintures actuelles sont reconnaissables entre toutes. Mais il ne s’enferme pas pour autant dans cette nouvelle veine. Il continue par ailleurs une œuvre qui évolue régulièrement depuis qu’il a touché son premier pinceau, à plus de vingt ans.

Ce Franco-Québécois qui, quand il le désire, peut reprendre cet accent québécois que les Français apprécient tant, n’a au départ aucune formation de peintre.

« J’ai toujours été attiré par la sphère artistique, mais en fait, cela m’a d’abord conduit à écrire de la poésie et à chanter », explique celui qui a vécu ses vingt premières années au Québec.
Et puis il commence à tâter de la peinture. Il faudra trois ans (1983-1986) pour qu’en sorte une première toile. Le passage de la poésie à la peinture se fait de manière naturelle: « En 1985, j’ai travaillé avec un groupe qui utilisait déjà les ordinateurs: ils essayaient de faire bouger mes textes poétiques, cela m’a montré l’importance du visuel ».
Pierre Cornudet commence à s’intéresser à la peinture, tout en gardant un regard pour la scène. Il décide donc de faire des peintures en direct, en une heure devant un public.
Il n’a pas grande expérience, mais comme rien ne l’effraie ni ne l’arrête, il se lance: il réalise en direct un premier tableau dans un cabaret de Montréal, « Les foufounes électriques ».

En 1987 apparaissent dans ses toiles ce qui deviendra sa marque de fabrique : les « points-lignes », des espèces de lignes ressemblant au langage morse qui lui permettent à la fois de réaliser des contours de motifs dans des œuvres figuratives ou de rester dans un champ purement abstrait.
Pierre Cornudet multiplie les peintures-spectacles jusqu’en 1990 où il donne un autre tour à sa peinture après un voyage au Cameroun. Il réalise une série de peintures et conçoit même un livre composé de sérigraphies inspirées par son voyage. A partir de cette date, sa peinture devient résolument figurative.

Arrivé à Paris à vingt ans au début des années 90, il montre son travail dans une galerie. Alors qu’il tient lui-même les lieux, un homme entre et lui demande immédiatement le prix d’un de ses tableaux. Le peintre sort un chiffre, un peu au hasard, et l’homme achète une, puis deux toiles. Pierre Cornudet n’apprendra que plus tard que cet acheteur providentiel s’appelle Jean Yanne, et se révélera une aide précieuse dans son parcours : l’acteur-humoriste l’aidera à faire connaître son travail en le présentant ensuite à José Arthur qui invitera à deux reprises l’artiste canadien dans ses émissions.
Mais les années parisiennes sont surtout synonymes d’une aventure étonnante. Une fois encore, Pierre Cornudet se laisse guider par les hasards de l’existence.

Quelques semaines après son arrivée dans la capitale commence l’histoire de l’Epicerie d’Art.
« Il s’agit d’une vraie épicerie que tenait un couple de Tunisiens Bd Saint-Marcel. Pendant six mois, je ne fais que les côtoyer, car je travaillais dans une galerie-école à côté. J’étais en charge des cours de dessins pour les enfants. Et puis j’ai été mis à la porte et c’est là que l’épicier m’a offert l’hospitalité. Pendant que sa femme et ses enfants sont partis en vacances en Tunisie, j’aidais le mari à tenir l’épicerie et je lui ai proposé de la repeindre. C’est devenu ´l’épicerie d’art’! »
La petite épicerie va vite devenir un « must » pour les artistes parisiens à la recherche de lieux un peu hors des circuits officiels. De 1992 à 2014, l’endroit se transforme en galerie … tout en gardant sa vocation première d’épicerie. Libération y consacre un reportage, Canal Plus déplace deux équipes de reporters, etc.

Pendant cinq ans, Pierre Cornudet est la cheville ouvrière de ce lieu parisien, digne du Facteur Cheval. Et puis, pour des raisons une fois de plus un peu complexes, il part vers de nouvelles aventures en 1997. Aujourd’hui, près de vingt ans après, l’épicerie de l’art est fermée, mais le sort du local dépend de ce que décideront les copropriétaires de l’immeuble…

Une rupture qui signe aussi un nouveau départ dans sa carrière artistique : jusqu’à cette date, il a toujours signé ses œuvres, que ce soit des poésies ou des peintures, d’un mystérieux ´Anonyme Sanregret’. En quittant Paris, Pierre Cornudet décide également de reprendre son vrai nom. Il part s’installer à Strasbourg dans d’anciennes galeries souterraines appartenant aux fortifications et que la ville a décidé de proposer à des artistes à la recherche d’un atelier.
Pierre Cornudet s’y installe et commence ses premières œuvres signées désormais ses de son nom. Mais une fois de plus, l’aventure tourne court: la ville de Strasbourg avait proposé des ateliers, pas des logements. Quand elle apprend qu’il y loge, elle attend la fin du bail et le met à la porte.
L’artiste bohême doit donc trouver une nouvelle fois une autre solution. Il se trouve que cet été-là, l’été 2007, Pierre Cornudet a été invité à réaliser quelques peintures en direct au Cap d’Agde.
Il prend goût à la région et choisit donc de venir s’y installer en louant un appartement à Béziers. « Depuis que j’ai quitté Montréal, j’ai toujours été un vagabond. C’est la première fois que je signe un bail pour un appartement! ».
Depuis son installation dans la région, l’artiste a pu exposer ses travaux à plusieurs reprises: en 2009 à la Médiathèque André Malraux, en 2010 à l’espace Paul Riquet.
Aujourd’hui, Pierre Cornudet continue à faire ce qui lui plaît, sans souci de construire un parcours cohérent ou répondant à une quelconque demande. Et quand il écoute ce qui lui disent les gens, c’est pour tourner en dérision les remarques des uns et des autres : un jour, des amis lui disent qu’il n’est qu’un peintre débutant, qu’il n’est pas une « valeur sûre ».

Pierre Cornudet les prend au mot et réalise toute une série intitulée « Valeurs sûres » : des réinterprétations de chefs d’œuvres de la peinture avec ses points-lignes caractéristiques. L’ensemble est comme d’habitude rapidement exécuté, sans souci excessif de construction, mais de nombreux artistes incontournables y passent : Modigliani, Van Gogh, Gauguin, Toulouse-Lautrec. « J’ai même tenté de superposé cinq chef d’œuvres sur une même toile : j’ai fait les Trois Grâces de Raphaël, entouré par la danse de Matisse et, au-dessus, Guernica ! Aujourd’hui, j’aimerai refaire des toiles sur ce principe, mais en y intégrant des artistes contemporains ».

Dans le même état d’esprit, il livre sur sa page Facebook des autoportraits étonnants, qui renforcent encore son image d’artiste décalé : des photos retouchées par … quelqu’un qu’il ne connaît pas : « Ce qui est marrant dans cette histoire, c’est que le photographe qui travaille mes photos, eh bien, je ne l’ai jamais vu! C’est un Québécois, Alain Francoeur, qui travaille en duo avec un autre photographe de Béziers, Bernard Rivière ».

En parallèle à ce travail toujours un peu expérimental, Pierre Cornudet continue à se passionner pour les nains de jardin, en les peignant pour les intégrer à son univers. Il avait commencé ce travail à Strasbourg : « En Alsace, c’est un sujet sérieux, les gens sont attachés à leurs nains de jardin. J’ai exposé mes nains, et j’ai été deux fois censuré. Clairement, je me moquais de quelque chose de sérieux ». En 2012, à la demande de la mairie de Béziers, Pierre Cornudet reprend ce travail et réalise avec des enfants de la ville plus de 250 nains, qui seront exposés… la semaine de l’élection présidentielle !

Sinon, dans l’œuvre bric-à-brac de l’artiste, on trouve aussi une tête de caribou peinte, une tête de taureau, plus récemment une tête de thon. Sans oublier une tombe au cimetière Montparnasse, peinte à la demande d’une dame qui voulait des couleurs vives pour le restant de ses jours.

Il ne manque plus guère, comme dirait Jacques Prévert, que le raton laveur… Mais qui sait, cela pourrait venir un jour pour ce Franco-Québécois que rien n’arrête.

Anne Devailly

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