Article publié dans le livre Artistes Occitanie, les 30 artistes 2024
Mouchan (32)
Campistron
Figer les traces de l’usure du temps
Campistron propose dans des oeuvres de grande dimension une réflexion sur l’usure du temps. Un travail commencé depuis plusieurs décennies mais qui prend évidemment une résonance nouvelle aujourd’hui, où l’homme a réussi à dérégler les choses.
Soutine, Rembrandt, Bacon et d’autres avec eux cherchaient à rendre par la peinture la réalité d’une carcasse, autrement dit de ce que devient un être vivant un jour ou l’autre: son rouge vif qui rappelle qu’avant l’inerte, il y avait le vivant; la façon dont elle pend par les pieds, comme le Christ pendant par les bras sur la croix. On pénètre dans les entrailles de l’animal, mais aussi dans la peinture même. Le temps a fait son oeuvre et le peintre s’évertue à en garder une trace.
Campistron traite aussi de l’usure du temps mais montre directement ce que deviennent des animaux. Il n’aborde pas l’usure du temps le pinceau à la main mais préfère intégrer la carcasse même à son travail. Tout simplement parce qu’il l’a rencontrée (sous forme d’un cadavre d’oiseau sur la route) ou qu’on lui a donnée (la peau de crocodile). Nulle volonté de reconstitution par la peinture.
La mort est là, à la fois frontale et décalée, puisque le travail de l’artiste – qui se dit d’ailleurs plus plasticien que peintre – consiste à la mettre en scène, lui donner un contexte. Elle existe par un objet. Il la met en valeur mais son pinceau tourne autour, si on peut dire.
Voilà donc une autre façon de traiter un seul et même sujet: l’usure du temps. Au départ, le motif apparaît par le biais de l’organique, les créatures, humaines ou animales, que l’artiste traite avec des carcasses, des plumes, des os et des ajouts divers, le tout intégrés à des toiles souvent monumentales. D’autres fois, en intégrant des objets du quotidien (lunettes, etc) qui nous renvoient à notre finitude.
Et autour de ces éléments, bruts, en relief, la peinture, souvent fluide, acrylique ou huile, dans une palette qui renvoie au sol, à la terre, d’où tout est issu et où tout repart.
Ce travail prend un sens évidemment nouveau aujourd’hui: mettre sur la toile un cadavre, quel qu’il soit, n’est plus seulement un “memento mori”. Aujourd’hui, ce crâne renvoie évidemment à l’épée de Damoclès qui est désormais au-dessus de nos têtes: et si ce cadavre était le dernier de cette espèce? Et si cette plume, inaccessible au bout de chemin, n’était pas aujourd’hui infiniment plus importante qu’un métal précieux?
En d’autres termes, Campistron a commencé ce travail sur l’usure du temps qui passe, comme un thème récurrent de la peinture et une interrogation propre à toute l’espèce humaine. Il le poursuit à une époque ou on sait que l’homme s’est fait démiurge et a modifié le cours du temps.
“Ce n’est pas moi qui colle aux préoccupations actuelles, ce sont les préoccupations actuelles qui donnent davantage d’acuité à mon travail”, précise-t-il simplement.
Ce qui est sûr, c’est que quelle que soit l’époque, Campistron utilise les techniques les plus adaptées à ce qu’il souhaite exprimer, et cela commence par le choix du support: de grands panneaux d’isolation en polystyrène; “Je peux y creuser la matière, je peux commencer un travail d’érosion sur le support lui-même”, précise-t-il.
Ensuite les éléments rapportés, et la façon dont il les utilise: la peau de crocodile est un don d’un ami artiste, mais les larmes du crocodile, elles, sont des pampilles de lustres. Des pampilles de lustre, de luxe… un luxe fait de strass et de paillettes aujourd’hui en contradiction avec une nature qu’il faudrait préserver avant d’en tirer tout ce qui brille.
Car finalement, la peinture et sa capacité à représenter les choses n’est qu’un outil parmi d’autres que l’artiste a à sa disposition pour exprimer ce qu’il souhaite. L’artiste concentre aussi son travail sur les éléments extérieurs, qu’il ne se contente pas d’intégrer tels quels au support. C’est notamment le cas dans un grand triptyque réalisé il y a cinq ans, No future, avec des poissons. Une oeuvre monumentale (5 x 1,20 m.), constituée de deux panneaux: au centre, des poissons qu’un mareyeur avait donnés à l’artiste. “J’ai apporté les squelettes de poissons que chez le taxidermiste, pour qu’ils soient naturalisés mais il a fait un travail trop soigné: je voulais qu’on voit quand même l’usure, alors je suis réintervenu pour bousculer un peu le poisson….”.
Même chose avec la colombe picassienne: l’artiste ne se contente pas de trouver des os et de les coller sur la toile. Il les regarde, les analyse, leur trouve une fonction. Et ces deux os en bas du tableau n’ont de sens que parce qu’ils évoquent les personnages qui crient leur douleur dans Guernica. La colombe en revanche, est en fait une charogne de colombe que l’artiste a trouvée sur la route. Les os sont détournés et dotés d’une nouvelle fonction, pendant que la paix, symbolisée généralement par une paisible colombe, est ici un vulgaire volatile écrasé.
Campistron revisite donc en permanence un thème vieux comme le monde (le temps qui passe). Ici, Picasso et Guernica. Plus loin, Van Gogh et son champ de corbeaux. Plasticien plus que peintre, Campistron creuse sans cesse un même sujet depuis des décennies, mais s’il utilise la peinture comme un vecteur parmi d’autres, il s’inscrit néanmoins clairement dans les pas de ses prédécesseurs.
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Né en 1960 dans le Gers où il réside toujours aujourd’hui.
Campistron a mis au moins quinze ans à montrer son travail, au sein d’expositions en France mais aussi à l’étranger (Florence, Barcelone, Madrid).
A commencé son parcours artistique par des photos taurines. A réalisé le premier livre d’art des éditions Milan, à Toulouse. en 1984. Dans ce travail figurent déjà des photos de taureaux morts.
Présent dans plusieurs collections publiques en France et à l’étranger (Barcelone, Beyrouth, Monaco, Los Angeles).
Représenté par la Galerie Artothèque de Gondrin et en Espagne par les Galeries Artevistas et Art Nou de Barcelone.
Influences: l’école catalane des Tapiés, Millarès, Valdes. Egalement les nouveaux réalistes (Arman, César, Nikki de Saint Phalle), ou des influences de créateurs isolés, notamment Anselm Kiefer.
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