BRETHON Jean-Pierre

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Peintre
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Mr. Jean-Pierre BRETHON

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Flouter la réalité pour forcer le regard

Jean-Pierre Brethon aime jouer avec le regard des autres : il manie en alternance les pinceaux les plus fins et les brosses les plus rugueuses pour flouter un peu les objets représentés. Comme une focale photographique volontairement décalée.

Jean-Pierre Brethon aime les objets, si possible ceux qui ont une matière et qui lui viennent tout droit de son enfance passé sur les bords des canaux sétois : les cordages usés, les bois flottés battus et rebattus par la marée, les bidons rouillés, etc. Bref, des choses qui fascinent souvent par les détails, les petites taches de rouille qui se nichent entre deux couches de peinture ou la partie où le cordage montre son usure par exemple.

Et de fait, dans son atelier gardois, dans la campagne autour d’Uzès, il va peindre avec beaucoup de méticulosité ses objets-modèles. Mais… alors que la peinture à l’huile n’est pas encore tout à fait sèche, il change d’outil et troque le pinceau pour une brosse assez rigide. Et le voilà qui passe cette brosse sur la toile, consciencieusement, avec de petits mouvements en cercle, afin de « flouter » ce qu’il a pourtant peint avec une grande précision : « Je souhaite aller vers l’inverse de la photo : la photo, on la voit de loin et puis on a tendance à vouloir s’approcher pour coller son nez dessus et aller au plus profond des détails. Moi, je souhaite au contraire que les gens, souvent le nez sur le tableau, prennent du recul pour privilégier la vue d’ensemble. S’ils restent trop proches, ils vont être déçus, les détails sont volontairement brouillés… Ce qui m’intéresse, ce n’est pas le bout de bois, c’est l’accumulation, ce n’est pas le détail d’une corde, c’est l’entremêlement de tous ces cordages sur le quai ».

Cette façon déroutante de travailler a également une autre conséquence : on ne peut pas s’attacher à ses tableaux pour leur virtuosité puisque l’artiste ne la met pas en avant. «J’ai toujours dessiné, et je l’ai fait dans un contexte de grande émulation sétoise, où nous étions tous à gribouiller pendant les cours, explique Jean-Pierre Brethon. Au lycée, je faisais beaucoup de caricatures, avant de passer à une peinture qui mettait en valeur la matière ».

C’est seulement quand il décide de devenir professionnel, en 1973 (après une carrière de technicien télécom) qu’il décide de s’effacer de la toile : volontairement, il ne veut pas que les traces de pinceaux soit apparentes, volontairement, il souhaite que le regard reste perplexe un moment devant l’œuvre, hésitant sur la nature de ce qu’il voit : une photo ? une photo floue ? une peinture ? Et dans ce cas, une peinture réalisée avec quel outil pour aboutir à un tel résultat ?

Ces interrogations sont présentes tout particulièrement dans les toiles où toute la surface est saturée du motif choisi : un entrelacs de cordages ou un océan de bois flotté par exemple. Parfois quand même, il donne directement une clé, en ne peignant son motif qu’au centre et en laissant le blanc de la toile visible tout autour du motif. Clairement, ce procédé écarte quand même un peu l’option « photo floue » pour privilégier l’option peinture.

Aujourd’hui, pour parvenir à un travail le plus « lisse » possible, l’artiste travaille ses tableaux partie par partie, sans aucune superposition de couleurs. Et il passe en cours de réalisation du pinceau hyper-précis à la brosse qui va ensuite flouter un peu tous ces détails, partie par partie.

Parfois, l’artiste s’adonne à d’autres travaux, notamment quand il participe à des interventions publiques dans des manifestations culturelles gardoises : il peut alors peindre en direct sur de grandes toiles pendant deux ou trois jours devant le public. Cette fois-ci, pour des raisons pratiques, il privilégie évidemment l’acrylique à l’huile, et n’a pas recours à la brosse : les portraits de chanteurs qu’il a réalisés il y a quelques années au Festival « Chansons de paroles » à Barjac montrent alors une tout autre peinture, davantage dans la spontanéité, une peinture où cette fois-ci, superposition des couches et traces de pinceaux apparents ne posent plus aucun problème. Mais il s’agit là d’un autre travail, loin, très loin du travail méticuleux réalisé en atelier… même si le côté méticuleux n’apparaîtra pas une fois la toile achevée.

Anne Devailly (mai 2017)

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