Article publié dans le livre annuel Artistes Occitanie – Les 30 artistes (2024)
Alas (09)
Leah Bosquet
Les vibrations artistiques du marbre
Pendant cinq ans, Leah Bosquet a tourné autour d’une roche bien présente en Ariège, le marbre. Ou comment s’immerger dans un matériau pour en tirer tout le potentiel artistique. Quand l’artiste apporte de la transparence aux veines du marbre pour en dégager une nouvelle vision.
Avant le confinement, Leah Bosquet entreprend de s’intéresser aux marbres d’Ariège dont les carrières sont nombreuses dans ce département. Le moment du confinement lui donne l’occasion de sortir de la démarche documentaire qui est la sienne depuis plusieurs années. Elle s’offre une totale liberté de traitement de ce minéral et le met en avant dans ce travail.
Le marbre sera sa matière première, démarche qu’elle pousuivra ensuite à Belle-île en mer avec la géologie locale.
“Je pars des propositions de la pierre, et j’imagine des compositions. Je travaille dans les fronts de taille des carrières abandonnées ou des carrières en activité, principalement en lumière naturelle mais en revenant s’il le faut à différents moments de l’année”.
Leah Bosquet part donc en quête de choses intéressantes dans les carrières du Couserans, là où elle habite. Mais son regard ne sait pas à l’avance ce qu’elle cherche: il y a certes les veines du marbre, dans lesquelles on peut chercher des motifs, plus ou moins figuratifs,mais il y a aussi le jeu de la lumière sur ce marbre encore brut, même s’il est issu d’une taille dans la montagne. Il y a aussi les assemblages que l’artiste peut faire une fois dans son atelier, pour faire émerger de nouveaux équilibres dans les palettes ou dans les formes proposées.
Et c’est bien dans cette intervention de l’artiste, dans les mises en lumière de détail mais aussi dans les liens entre plusieurs photos que l’oeuvre apparaît. Et c’est alors que le marbre, aussi dur soit-il, sort de son univers minéral pour entrer dans une vibration plus artistique.
A partir de ces photos faites à la lumière naturelle, l’artiste va donc dans son atelier imaginer des diptyques, des triptyques, en associant des photos de différents marbres, pris à différentes distances, supprimant ainsi volontairement toute notion d’échelle ou de perspective. Elle va réaliser des tirages sur des papiers classiques mais va également concevoir des tirages transparents pour en faire des installations lumineuses.
Tel triptyque fera penser aux oeuvres en papiers peints et pliés de Hantaï pendant que d’autres évoquent irrésistiblement le travail de Soulages. Tous font sortir le marbre de son immuabilité, pour le montrer sous un jour où la légèreté des motifs, le jeu des lumières excluent toute notion de dureté, d’éternité, de permanence. Le marbre devient volatil.
Dans d’autres, l’artiste ne s’est pas attardé sur les veines, mais davantage sur la lumière sur la pierre. Jusqu’à faire oublier de quoi il s’agit. L’oeuvre intitulée Etrange, qui est constituée d’un tirage transparent monté sur caisson lumineux, donne une nouvelle vie au marbre: on n’est plus face à de la pierre, mais face à un jeu de transparence et de luminosité qui pourrait évoquer une gravure ou un dessin à l’encre.
“Présentée sous cette forme, il y a quelque chose de musical dans la structure de ce qu’on voit. La pierre s’est métamorphosée. On est maintenant face à un vitrail”, explique l’artiste devant cette oeuvre, où l’image est est incluse dans du verre lumineux, rétro-éclairé.
Avec ce projet, l’artiste est donc sorti clairement du documentaire.
Ce travail sur le marbre montre évidemment aussi son attachement à cette région qui recèle ce genre de pépite pour un photographe. Mais la région lui a aussi permis de faire des documentaires, comme ce travail sur l’estivage et sur les paysages montagneux du Couserans. “En ce moment je m’échappe régulièrement vers la petite Camargue (île de Sainte Lucie près de Narbonne par le canal de la Robine) où, j’élabore en lien avec les acteurs locaux le début d’un travail poétique (sans doute en panoramique noir et blanc) sur les trésors contrastés de ce petit microcosme”.
Un projet qui prendra, comme le précédent, le temps qu’il faudra.
Anne Devailly
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BIO
Née en 1976 en Belgique, Léah Bosquet sait assez vite qu’elle aurait voulu faire une école de cinéma. Quand elle a 18 ans, elle habite Cuba et trouve l’école correspondant à ses attentes: l’école de cinéma de la Havane. “J’ai été acceptée, mais cela restait compliqué à organiser. Je suis donc rentrée en Belgique et j’ai fait l’école de journalisme de Bruxelles. Le plus grand intérêt que j’y ai trouvé: le laboratoire photo”.
Leah Bosquet va donc devenir photographe, en entrant dans le métier par la photo documentaire.
Elle a beaucoup voyagé et a notamment vécu en Israël et en Argentine, mais en gardant toujours Bruxelles comme port de transit jusqu’en 2007.
“Et puis à un moment, j’ai eu besoin de francophonie. C’est le moment où on m’a proposé un projet de documentaire en Ariège. Depuis, je me suis installée dans le Couserans, vers Saint Girons”. Depuis 2007, elle en a fait son port d’attache.
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