BINET

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Peintre
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M. (Laurent) BINET

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Cette présentation de l’artiste et de son oeuvre est parue dans notre collection Artistes Occitanie, les 30 artistes de l’année (2023)
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Latrape (31)
Binet – Le mouvement, la danse, la calligraphie

Sous une terrasse ombragée, l’artiste a préparé sa prochaine création: une grande feuille de papier rectangulaire, de plus d’1 mètre de long posée à même le sol, et calée par des bandes
de carton.
A côté, une bassine dans laquelle baigne un pinceau géant chinois, dont se servent certains calligraphes. Un pinceau qui baigne dans un jus d’acrylique noir, très liquide.
L’artiste arrive, pieds nus et se positionne d’emblée debout devant la feuille. Il appréhende la feuille, son volume, prend son temps avant de s’emparer du pinceau. Il va alors commencer à laisser des traces sur la feuille avec son pinceau épais qu’il tient par son long manche, restant bien droit au-dessus du papier. Pendant que le pinceau imprime ses marques, l’artiste marche sur la feuille avec ses pieds nus au fur et à mesure de ses avancées, mais ces mouvements, eux, ne laissent aucune empreinte sur le papier blanc.
Il prend le pinceau à deux mains, le pose parfois immobile sur la feuille et attend que l’encre se décharge sur le papier, ou au contraire il le vrille et le fait circuler : le pinceau, qui a laissé la plus grosse partie du pigment dans le premier contact avec le papier laisse alors des traces fines et nombreuses, comme une partition musicale.
De temps à autre, l’artiste prend du recul, retrempe son pinceau et continue en repartant d’un espace déjà couvert.
Le tracé fluide prend forme, parfois avec des formes pleines, parfois avec des stries, dans une construction verticale. L’artiste ne change pas de point de vue pendant qu’il dessine. Il ne tourne pas le papier et ne tourne pas autour. Du début à la fin, il l’envisage du même point de vue : clairement, la peinture a un haut et un bas, et cela ne changera pas au gré de l’avancée du travail.
“ Peindre est pour moi une démarche spirituelle où j’as- pire, à travers un geste instinctif et intuitif, à tracer une poésie visuelle et vitale faite de légèreté et de profondeur. Et dans ce processus de création, l’attente et la préparation sont aussi essentielles que l’acte de peindre”, explique Binet, qui fut éducateur avant de s’adonner à cette calligraphie abstraite.
Pour autant, ce travail quasi-rituel n’est pas sa première “manière”. Pendant une vingtaine d’années, alors qu’il était toujours actif professionnellement, il a réalisé de nombreux collages oniriques.
Aujourd’hui, la démarche est plus abstraite mais égale- ment plus physique.
Le point de bascule a sans doute été une rencontre qui s’est avéré décisive :
“ En 2005, j’ai rencontré Carolyn Carlson, qui habite en France, près de Paris. J’avais fait des collages à partir de photos, dont certaines photos d’elle, et j’ai demandé à la voir. Elle m’a d’abord reçu dans son atelier et elle m’a invité à créer pendant sa masterclass, puis plus tard lors de son spectacle à Séville.
Elle aimait mes collages, mais je ne me voyais pas réaliser des collages pendant sa masterclass. Il me fallait être en phase avec ce qui allait se passer : de la danse. Donc en clair, du mouvement et de l’énergie. J’ai alors acheté des encres, des pinceaux, du papier. Et j’y suis allé. Surpris par la rapidité des mouvements des danseurs, j’ai dû peindre instinctivement, sans réfléchir, pour arriver à transmettre l’énergie qui se dégageait de cette masterclass. Alors quand je peins sur le thème de la danse, je ne cherche pas à faire du figuratif. J’ai toujours le sentiment que représenter un geste précis enlève une bonne partie de son mystère et de son énergie. Déjà dans mes collages, je travaillais autour du mystère et du mouvement ”.
Et voilà comment le travail de Binet a pris un nouveau départ peu avant sa retraite. Aujourd’hui, son art s’épanouit dans ces grandes feuilles mais aussi sur toile, où il aime manier également des outils qui ont déjà une histoire, des vieux pinceaux, de vieilles spatules, des objets incongrus qui, suivant l’exécution du geste, laissent des traces d’encre de Chine ou d’acrylique surprenantes.
“ Je travaille sur le mouvement, mais la lenteur est aussi importante pour moi que la rapidité. La prépa- ration est essentielle. Pour pouvoir créer un mouvement, il faut se remplir d’énergie. Pour cela je pars de mes pieds et je fais remonter toute cette énergie dans l’ensemble du corps, pour enfin la transmettre au pinceau. C’est un danseur japonais qui m’avait dit procéder comme cela en dansant. Ainsi, en appliquant ce processus, je transmets dans mes peintures une énergie bien plus profonde ”.
Sans surprise, cette rencontre avec la danseuse américaine va vite trouver quelques points de connexion avec les grands calligraphes japonais et chinois. Même si ces derniers ont des gestes précis et signifiants, ils peuvent utiliser des pinceaux épais et donner d’amples gestes sur leurs feuilles, l’oeuvre étant à la fois le résultat final et le processus de l’artiste en train de créer.
“ C’est vrai que je m’intéresse depuis très longtemps à tout ce qui vient du Japon, et de l’Extrême-Orient, que ce soit la calligraphie chinoise, la philosophie japonaise, les écrits indiens ou le yoga ”.
Mais l’artiste poursuit néanmoins sa route à sa manière. Il commence par réaliser ses grandes calligraphies imaginaires en noir sur blanc, qui peuvent faire penser évidemment aux idéogrammes chinois, mais il y ajoute volontiers une seconde étape, plus insolite dans ce genre de travail: “ J’aime bien ensuite coller deux ou trois pa- piers colorés pour donner un peu de légèreté. Je renoue comme cela avec le collage, mon univers de départ, mais dans un tout autre environnement. Ou alors il m’arrive parfois de réaliser la calligraphie et de faire ensuite des fonds colorés en préservant le premier trait… ou alors de peindre le fonds en partie avant, en partie après ”, ce qui est notamment le cas de l’oeuvre intitulée Dessus et dessous.
L’artiste garde donc une grande liberté technique, mais pratique désormais un art associé à une plénitude du geste, qu’il n’est pas si simple d’obtenir.
Anne Devailly
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Présent dans l'édition 2020 ou 2021
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