
Cet article sur l’artiste et son travail est paru dans le livre Artistes occitanie, les 30 Artistes 2023
========
Verdun-sur-Garonne (82)
Alain Ballereau
Une montagne devant le fleuve
Alain Ballereau vit à Verdun-sur-Garonne. Son atelier domine la plaine près du fleuve bordé de rangées de peupliers. Il aime s’y promener, s’y ressourcer.
Dans certaines de ces œuvres, se dessinent des territoires désertiques, des rivages, des fleuves, des montagnes dressées à l’horizon, des îles émergentes… mais aussi des formes moins identifiables.
Cela ne fait pas pour autant de lui un paysagiste. “Je n’ai aucune volonté de coller à la réalité, précise-t-il simple- ment. Je pars souvent d’une tache, d’un trait, mais de fait, ma peinture se nourrit autant d’elle-même que de mes souvenirs”. Ces paysages rêvés entre transparence colorée et opacité ne sont que prétexte à questionner la peinture.
Dans l’atelier, l’artiste déploie au sol de grands papiers kraft encollés l’un sur l’autre. Ce matériau brut et plissé est devenu son support favori depuis une vingtaine d’années. Il lui permet une bien plus grande liberté que la rigidité d’une toile tendue sur châssis. Il aime la manière dont le papier kraft absorbe l’acrylique. Sa souplesse et sa légèreté lui permettent de le manipuler facilement, de le plier sur lui-même. Le format 2 x 2 mètres a eu longtemps sa préférence car “on tient dedans”, d’autres panoramiques peuvent mesurer 3 mètres de long.
Au sol, son approche de la peinture est très physique.
Il utilise de larges brosses pour couvrir la surface de jus acryliques mats très liquides. Le brun du papier kraft peut res- ter visible par endroit. Cette première étape est rapide et spontanée. Son expérience dicte la suite. Il macule, empreinte, étale, racle la surface avec la spatule, dans l’ampleur du geste et fait ainsi vibrer le support, son territoire. Il tourne autour. En mai 2021, Rose Lecompte, historienne d’art, revenait sur le travail du peintre dans son atelier: “Plusieurs œuvres peuvent émerger parallèlement, simultanément, et parfois, les grands papiers encore humides, face contre face ou piétinés par l’artiste s’imprègnent, s’enrichissent mutuellement. En gestation, les peintures sont pendues à un fil pour sécher, décanter, maturer. Alain Ballereau et son œuvre, dans un ballet incessant, passent du sol à la verticalité”.
La peinture a désormais un haut et un bas. Le moment est venu pour lui de faire les bons choix et les sacrifices qui s’imposent. Il ajoute des éléments graphiques ou recouvre et calme des zones trop agitées pour tendre à plus de cohérence. Masses opaques et sombres, transparences liquides, tracés contrastés et coulures dirigées créent l’illusion d’un proche et d’un lointain.
Dans d’autres séries plus radicales, un horizon apaisant – élément récurrent de sa peinture – partage le carré en deux parties égales. Viennent s’immiscer certains éléments perturbateurs qui interrogent… ce trapèze noir bateau-rocher… en haut de la montagne, ces cyprès ou foule (en quête d’une vie meilleure?). Quelles qu’en soient les interprétations, ce qui préoccupe le peintre, c’est le processus pictural, le rythme interne de la composition et le mystère qui s’en dégage.
“ Chaque peinture est une nouvelle aventure. Reste à trouver cohérence, lumière et juste équilibre à l’ensemble ”. Voilà donc plus de quarante ans, qu’inlassablement, avec ses doutes et ses incertitudes, Alain Ballereau renouvelle son registre poétique et ne s’interdit pas à prendre des chemins de traverses, au risque de s’égarer…
D’ailleurs ses œuvres n’ont pour seul titre que des numéros car elles restent avant toute chose de la peinture.
Depuis 2004, ses choix formels ont varié: jeux de damiers chromatiques, de signes, de trames, de troncs, de bandes horizontales, d’entrelacs, de figures, de foules… Actuellement, il restreint sa palette à des noirs et des blancs, des bleus mélancoliques, abstraction allusive épurée, entre ciel et terre, minéral et végétal.
Alain Ballereau propose, le regard de chacun dispose.
Anne Devailly
BIO BIO BIO BIO BIO BIO BIO
Alain Ballereau est né en 1956.
Il entre à l’École Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Art de Paris dès la seconde et y reste six ans jusqu’à l’obtention d’un BTS. Il exerce différents métiers en lien avec les arts, pratiquant toujours la peinture en parallèle.
En 1991 il quitte Paris pour se consacrer entièrement à la peinture et installer son atelier dans le Sud-Ouest.