
Cet article sur l’artiste et son travail est paru dans le livre Artistes Occitanie, les 30 artistes 2023
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Mudaison (34)
Bénédicte Azan
Un long cheminement vers l’essentiel
Avant de prendre les pinceaux ou les fusains, l’artiste aime se promener et apprécier ce que peut offrir la nature. Et celle-ci lui offre des choses variées à deux pas de chez elle, qui habite entre les étangs côtiers du littoral languedocien et le Pic Saint-Loup, dernier contrefort des Cévennes qui
domine la plaine littorale du côté de Montpellier.
“Je prends des photos, qui ne sont pour moi qu’un outil pour recréer un paysage dans une autre dimension. Je fais des croquis, au fusain, à l’encre, sur des grandes feuilles, sur des petits carnets. J’accumule, pour parvenir à aller à l’essentiel. Je suis comme un musicien qui a fait consciencieusement ses gammes et qui peut alors jouer de manière libérée”.
Cette immersion dans le paysage est importante pour l’artiste: elle offre des motifs, elle offre surtout le désir de prolonger l’émerveillement, d’essayer d’en retrouver la source, de débarrasser ce paysage du superflu pour ne garder sur le papier que ce qui en faisait l’équilibre et l’harmonie.
Ici, la nature est donc un simple point de départ, un déclencheur plus qu’un modèle à essayer de reprendre.
En résidence d’artiste pendant un mois au pied du pic saint loup, elle a profité des paysages variés pour se promener, prendre des notes, des photos et faire des croquis. C’est en atelier que sa quête vers le choix de la composition com- mence. “Je suis comme une personne qui compose un bouquet après sa cueillette. Je reviens avec de multiples dessins, fusains et photos”.
De retour à l’atelier, ces outils deviennent alors la base de sa recherche. A partir de là, le travail de création commence. L’artiste part alors de petits croquis sur papier pour ensuite investir de grands formats.
Le travail demande alors un véritable engagement physique : Bénédicte Azan étale sa feuille ou sa toile au sol et c’est tout le corps qui s’investit pour réaliser l’œuvre en cours. “Je cherche alors ce que Kandinsky appelait une ‘nécessité intérieure’. Cette nécessité est aussi pour moi le moment où l’impression de la liberté conquise et vécue est la plus intense”. (1)
Il résulte de cette démarche de grands formats, des formes épurées, parfois monochromes sur de grandes toiles où domine le blanc du fond. Des formes plus ou moins végétales, mais qui portent toutes, dans leur minimalisme, une véritable dynamique : le trait apporte de la vie au support.
Ce travail est le résultat d’un long cheminement. Pendant longtemps, l’artiste essayait de rassembler sur la toile un maximum de sensations, de souvenirs, d’images : “une accumulation d’informations, si l’on veut, qui se traduisait aussi par une peinture trop ‘riche’, trop ‘encombrée’ de tout ce que j’avais à dire d’un seul coup. (…) Et puis j’ai commencé à enlever, à alléger. Peut-être aussi à aller vers ce qui serait le plus essentiel et non plus anecdotique. Mais cela ne vient pas d’une décision mais
du travail lui-même. Le travail, ce n’est pas le temps passé devant sa toile, c’est mesurer la distance entre une in- tention et un but “. (2)
Aujourd’hui, l’artiste a trouvé ce qu’elle cherchait : une quête de l’essentiel. Sa peinture actuelle peut renvoyer à certains éléments déjà présents dans la peinture chinoise. “Je me retrouve dans les notions de vide et de plein, dans la recherche du souffle, qui fait que la démarche artistique est aussi une démarche spirituelle. Le choix du monochrome va dans ce sens : aujourd’hui, j’ai la volonté de dire, d’affirmer. Mon travail est le résultat d’une évolution dans la- quelle la couleur est un moyen d’affirmer par son économie de choix l’importance du trait et la nécessité de le déborder ”.
L’artiste aime évoquer une phrase de Picasso pour expliquer sa démarche: “ Il y a parfois dans deux ou trois lignes bien plus de poésie que dans un très long poème ”.
Anne Devailly
(1) et (2): Extraits d’un livret, Bénédicte Azan, entretiens avec Pierre Manuel, Ed. Le clos du puits, Mudaison.
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Née à Paris en 1953, Bénédicte Azan étudie à vingt ans l’histoire de l’art à l’Université de Grenade et découvre la peinture espagnole.
Elle rencontre une grande aquarelliste et de là démarre son travail de peintre paysagiste.
Elle s’initie à l’huile en fréquentant plusieurs ateliers d’artistes.
Elle fréquente les ateliers des Beaux-Arts, notamment à Dijon avec Philippe Pradalié.
Puis elle s’installe à Mudaison, en petite Camargue, en 2007 où elle travaille seule dans son atelier.