ANDREY Arno

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M. Arno ANDREY

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Présentation de l’artiste, à retrouver dans le livre Artistes Occitanie: les 30 artistes 2022

Arno Andrey, Foix (Ariège)

L’homme, la chair à vif

Difficile de décrire précisément ce que Arno Andrey donne à voir: en fonction du vocabulaire choisi, on fait pencher la balance du côté des vivants ou du côté des morts. On peut parler de gueules cassées, d’hommes déchirés, de morts-vivants, d’êtres en lambeaux, voire de créatures mi-humaines mi-animales.
La difficulté à choisir le mot juste renvoie à ce que l’on voit: un univers complexe ou des éléments extrêmement précis semblent surnager au milieu d’une destruction avancée.

Chez Arno Andrey, des visions assez floues, mais des éléments très précis au milieu de ce marasme: dans les visages, cela peut être un œil qui fixe le spectateur avec précision, ou une bouche d’une précision photographique. Tout le reste en revanche semble sortir du néant.
Dans tous les cas, Arno Andrey part d’une feuille, qu’il a préparée avec soin: un papier aquarelle satiné apprêté avec un gesso transparent, qui lui permettra de travailler avec son matériau de prédilection, la pierre noire, rehaussée ensuite, ou pas, de pigments colorés.
“Je n’aime pas le grain, le support de la toile. Je préfère ces papiers satinés qui donnent une qualité photographique”. Un aveu paradoxal pour cet artiste qui ne recherche vraiment pas le réalisme dans son dessin. Mais précisément, choisir un papier qui va figer dans le temps
ces hommes déchirés, ces êtres en lambeaux. Plutôt que de renforcer leur fragilité sur un papier rugueux, il leur confère un semblant d’éternité. Plus rien ne viendra transformer ces corps, pour les faire mourir complètement ou pour les requinquer.
C’est l’homme, ce qu’il est devenu et ce qu’il en reste.
Une fois le papier apprêté, l’artiste se lance. Pas besoin de dessin préparatoire, il sait juste sur quoi il part, un buste ou un visage. Commence alors un travail de construction-destruction: l’artiste enlève, l’artiste rajoute. Il peut rajouter une radio panoramique des dents, qui confère un certain réalisme au visage, mais l’apparente évidemment à un crâne, il peut au contraire effacer les trois-quarts des traits, pour qu’au milieu de cette purée ne se voit plus qu’un oeil qui affronte le public d’un regard précis et perçant. Il peut rajouter des traits de peinture, des traits blancs qui dégoulinent ou des traits roses qui semblent des gribouillis informes comme le ferait un enfant avec un pinceau. Des traits qui viennent affirmer ce travail pour ce qu’il est: avant tout, l’oeuvre d’un peintre, qui assume son coup de crayon. La créature représentée est abimée, mais finalement pas autant que l’oeuvre elle-même.
Tous ces visages, ces bustes maigres, ces ventres emplis de chairs flasques, peuvent évidemment faire penser à certains peintres, comme Otto Dix, dont le travail est marqué à jamais par le premier conflit mondial.
Contrairement à Otto Dix qui peignait les gueules cassées par les armes de la guerre, Arno Andrey ne s’attarde pas sur les causes: les êtres sont abîmés, les crânes sont mi-homme, mi-singes. Les ravages intérieurs sont tout aussi présents, mais l’homme lui-même ne sait pas pourquoi il est devenu ce qu’il est. Ce n’est pas la guerre, ce n’est pas non plus la maladie. C’est sans doute plus profond et structurel: “Je n’ai pas une grande foi en l’humanité, précise l’artiste.
Et l’artiste aborde cette déliquescence sans détour. Parfois, il donne l’impression de violer un peu l’intimité de la personne ou de ce qu’il en reste comme cette oeuvre ou la pierre noire entoure d’un noir opaque et infranchissable un visage qui semble sortir d’un hospice du XIXè. Comme si l’artiste regardait par le trou de la serrure, mais que la personne ne s’en offusquait pas plus que cela.

Ces visages sont statiques: ils ne bougent pas, ne font rien, n’expriment pas davantage. Ils sont cabossés, mais cela ne relève pas d’une volonté, plutôt d’un état de fait.
Ils attendent que cela se passe. “C’est vrai que cela renvoie à tous ces êtres qui remettent toujours au lendemain la volonté d’améliorer les choses, ces êtres qui ‘procrastinent’ en permanence et j’avoue que j’en fais partie”.
Rien à exprimer et donc rien à partager, à communiquer: Arno Andrey ne réunit jamais plusieurs de ces êtres sur une feuille. Ils sont tous représentés de manière isolée, sans contact avec leur semblable.
“Je m’inspire aussi parfois d’anciennes statues, de bustes érodés par le temps”. Et de fait, à l’incertitude mort-vivant, à l’incertitude homme-animal, se rajoute parfois cette confusion savamment entretenue entre le vivant et l’artefact, l’homme ou sa représentation, donnant alors une dimension ethnologique à son travail.
Et quand il s’attaque à des sujets en action, le peintre pèse bien tous les éléments: il privilégie alors des animaux, et pas n’importe lesquels, des oiseaux, en train de s’adonner à une activité qui n’est évidemment pas non plus choisie au hasard: le combat.
Comme dans les têtes où il précise de manière quasi-chirurgicale un élément, il fait de même avec ces oiseaux, où les traits s’entremêlent dans un dessin quasi-abstrait, mais où les serres sont d’une précision qui permet au regard d’identifier la scène: nous sommes bien devant des oiseaux, sans doute des corbeaux. Des oiseaux, “qui sont quand même des symboles de liberté”, qui se déchirent, comme si cette liberté finalement ne servait qu’à cela. Et l’artiste, face à cette violence, utilise encore et toujours cette pierre noire qu’il affectionne, mais cette fois-ci pour en extraire des traits rageurs.
Là encore, il ne faut sans doute pas aller plus loin. En rester à la description sans franchir le pas d’une analyse facile qui ferait verser ces oeuvres dans une sorte d’art-thérapie ou l’artiste extériorise sur sa feuille une violence intérieure.
Parfois l’artiste va voir ailleurs, sort un peu de cet univers. C’est ainsi qu’il a peint au cours de l’hiver 2021 quelques branches de cerisier en fleurs, quelques “sakura” qui évoquent généralement l’arrivée du printemps. Ici, c’est sans doute un peu différent: les fleurs sont bien rondes et roses, accrochées à la branche, mais l’ambiance reste lourde et le fond particulièrement sombre.
La floraison est là, mais l’artiste l’intègre à son univers plutôt que de l’utiliser comme une sortie possible de cette vision pessimiste de l’humanité. Le cerisier est bien en fleurs, et alors? Cela aussi est un fait, qui n’entraîne aucun changement d’humeur ou de point de vue.

BIO
Né en 1978
Arts appliqués à Toulouse en 2000.
Première exposition en 2003.
Vend beaucoup en ligne.

« Les 30 Artistes Occitanie »
Présent dans l'édition 2020 ou 2021
Galerie virtuelle