Elisabeth BAILLON

Elisabeth BAILLON
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Sur la toile, l’alliance d’un graphisme à la plume et d’une broderie de laine à la machine détournée de son utilisation industrielle. Sur certaines œuvres, des photos des êtres chers sont transférées

Technique personnelle pratiquée depuis des décennies et qui donne un relief très reconnaissable dû à la vitesse de la machine où chaque virage soulève un point. De la machine « brodante » sort une chaînette, aussi fine qu’un crayon, aussi agile qu’un pinceau. Chaque forme est labourée en cercles concentriques ramenant chacune d’elles vers son noyau. Dialogues ou mimétismes entre la matière laineuse et le graphisme.

Années 70, habite pendant 34 ans une ferme fortifiée sur un Larzac choisi pour la beauté de son paysage et de son architecture et qui l’entraînera, pendant dix ans, à lutter contre l’extension d’un camp militaire prévu devant sa porte. Avec Claude Baillon, ils y créeront de nombreuses expositions personnelles ou collectives.

Parallèlement à sa création de plasticienne, poursuit un travail d’écriture sous le forme de livres ou d’expositions thématiques sur « l’imaginaire et le métier »: paysans, mégissiers, gantiers, marins pêcheurs, etc.

Présentation de l’artiste à retrouver dans le livre Artistes Occitanie: les 30 artistes 2022

Elisabeth Baillon a jeté l’encre sur la broderie

Depuis les terres aveyronnaises, Elisabeth Baillon travaille comme un peintre, si ce n’est qu’elle utilise une machine à broder en lieu et place des pinceaux. Avec ses oeuvres qui associent encre, fil de laine brodé et parfois photo, Elisabeth Baillon a créé sa technique au service d’un univers empli de personnages de sa propre mythologie, familiale ou issue des terres calcaires qu’elle affectionne.

Depuis deux ans, Elisabeth Baillon a quitté les terres parisiennes pour revenir dans les terres du Sud. Aujourd’hui à Millau, pas loin du Larzac, où elle a déjà vécu trente-cinq années avant les douze dans la capitale.
Ce retour dans ce pays calcaire, empli de carrières souterraines, connues ou soupçonnées, est finalement logique, en phase avec son oeuvre. Car Elisabeth Baillon dessine, peint et brode, le tout sur une même toile, son brin de laine brodé recouvrant le dessin qui se permet à son tour quelques résurgences: jouant la navette entre surface et profondeur comme un ruisseau en terre calcaire, il réapparaît ici ou là, par la volonté de l’artiste ou par une capillarité capricieuse, fruit d’un dialogue entre l’encre et la toile.
L’analogie entre les deux, la terre natale et l’oeuvre d’une vie, est d’autant plus forte qu’Elisabeth Baillon est viscéralement attachée à ces terres, au point d’avoir consacré une grande partie de l’année 2020 non pas à sa création picturale mais à un travail d’écriture consacré … au Larzac.
“Grâce à ma création artistique, j’ai beaucoup écrit, mais là, je renoue avec une autre histoire: en 1972, je me suis installée sur le plateau du Larzac dans une forteresse qu’il a fallu défendre pendant dix ans contre un projet de camp militaire. En 1981, on m’a poussé à créer l’Ecomusée du Larzac et vingt ans après, je me suis replongée dans l’histoire de ce territoire”.
Le chemin qui a mené l’artiste vers la broderie est sinueux, comme le fil de laine qu’elle manipule depuis: “Je suis devenue brodeuse quand j’ai pu avoir en main une machine à broder, c’est aussi simple que cela!”
Au départ, son désir était plutôt de réaliser des vitraux. Elle passe donc quatre mois à Paris, à l’école des métiers d’art, mais se dispute avec le prof de vitrail… “En revanche, j’ai rencontré Claude Baillon, le verrier de Millau, qui pratique toujours et qui l’amène à s’installer dans le sud.
Et puis à 21 ans, alors qu’elle essayait de gagner sa vie comme représentante de tissus, son patron lui confie une machine à broder.
Elisabeth Baillon se met alors à l’ouvrage: elle brode, sans rentrer dans les schémas traditionnels que de toute façon elle ne possède pas. Nous sommes dans les années soixante, à une époque où la broderie était encore cantonnée à un ‘ouvrage de dame’: “C’était bien pire que la tapisserie qui, elle, avait ses lettres de noblesse avec Aubusson. La broderie restait vraiment dans un registre plus modeste. Mais j’ai eu de la chance: j’avais des amis qui avaient une galerie d’art sacré près de Saint-Sulpice à Paris. Ils ont pris mes œuvres en exposition et cela a marché! Pendant dix ans, j’ai fait beaucoup d’art sacré, dans un style un peu naïf, des anges, des archers”.
Petit à petit, l’artiste se familiarise avec la machine et ses nombreuses possibilités. “En fonction de la vitesse de la machine, vous pouvez obtenir des effets. A chaque virage par exemple, cela peut donner des effets de relief très particuliers”.
Et voilà comment la maîtrise d’un outil va décider d’une œuvre atypique. Petit à petit, Elisabeth Baillon associe le dessin à la broderie. Sur une toile, noire pendant vingt ans, elle réalise un dessin blanc, puis prend sa machine et brode sa chaînette de laine sur ce dessin, entourant méticuleusement toutes les formes, créant des rythmes concentriques et faisant disparaître, point après point, le dessin, voire une grande partie de la toile.
Sur fond noir le fil donne vie à des personnages insolites, un lion du Larzac,une femme à barbe, etc.
Ce voyage dans le noir dura trente cinq ans. “Et puis j’ai eu envie que le dessin qui est sous la broderie apparaisse et je suis alors passée à une toile blanche. Cela m’a conduit assez vite à avoir recours à l’encre et l’acrylique pour compléter les apports de la broderie: l’encre me permet d’obscurcir certaines parties. L’encre et le graphisme apportent des détails et la machine à broder me permet d’y apporter du relief. Ces éléments différents multiplient les possibilités: je dessine et la broderie intervient soit en mimétisme, soit en opposition au dessin”.
Cette fois-ci, l’artiste laisse la place à l’aléatoire: “Cela déborde et capillarise sans discipline, se métamorphose en douce dans mon dos”.
Nouvelle étape en 2007: l’artiste choisit d’ajouter encore un medium à ce travail et y associe la photo: elle transfère ses photos de famille sur le tissu. L’œuvre déjà nourrie de son enracinement dans la terre du Larzac va alors aussi s’imprégner de son histoire familiale, les visages de ses ancêtres apparaissent, immaculés au coeur d’une toile par ailleurs recouverte de broderie ou d’encres rouges ou bleu azuréen.
En plusieurs décennies, la technique a évolué et les thèmes avec: les anges ont laissé la place à un bestiaire ou des personnages plus ou moins mythiques comme cette immense femme à barbe, avant d’intégrer le cercle familial. Mais tous ont droit au même traitement. Le fil de laine est aussi un fil d’Ariane qui relie les uns aux autres, qui enchaîne à jamais l’artiste à la mythologie du Larzac et à ses ancêtres.

BIO
Née de parents musiciens à Boulogne (Hauts-de-Seine)
1963 Prix de la Vocation
1972 S’installe sur le Larzac
1982 Création de l’Ecomusée du Larzac
1980 à 1994 – Nombreuses commandes publiques dans le cadre du 1% ainsi qu’une œuvre monumentale pour l’Hôtel de Ville de Rodez.
1985 associe la broderie de laine au dessin à la plume
1989-1995 maire-adjointe à la culture de Millau
2007 intègre le transfert de photos à ses toiles brodées et encrées
2017/18 – Rétrospective au Musée de Millau
Nombreux livres, sur de nombreux sujets, dont un sur son travail de broderie:
Le voyage de Pénélope, Itinéraire brodé, Éditions de l’Attrape-Science 2015 – 104 p., 20×24 cm..
Nombreuses expositions et commandes publiques parmi lesquelles, dans le sud, cinq tentures sur l’histoire du pétrole en Béarn (2,50 x 7 m) pour la Société Nationale des Pétroles d’Aquitaine (1967); un triptyque pour l’Hôtel de Ville de Rodez (6,30 x 3,50 m) en 1994; une carte fluviale de la Lozère pour le Conseil Général de Lozère, à Mende (1995), les vitraux, en collaboration avec Claude Baillon, de l’Eglise de la Couvertoirade (2005).

11 place du Mandarous 12100 Millau
Atelier ouvert au public
Oui
Téléphone
Statut artiste
Artiste-auteur
N° MDA ou Agesssa
D046402
Galerie d'art de l'artiste

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