Né en Aveyron en 2016, j’ai travaillé longtemps à Toulouse avant de venir s’installer à Villefranche de Rouergue. Autodidacte, ma rencontre avec le collage remonte au début des années 2000.
Ce qui n’était d’abord qu’un passe-temps s’est, au fil du temps, transformé en véritable moyen d’expression.
J’aime chercher l’image, la chiner, la dénicher, la récupérer dans de vieux bouquins ou encyclopédies. L’extraire pour créer de nouvelles scènes.
Sortir l’image de son contexte, la placer dans des situations décalées, la détourner, la magnifier parfois, la perturber souvent. Proposer une autre vision de la réalité et pourquoi pas l’interroger.
Je m’applique à déborder du cadre, à changer de dimensions et à explorer le collage sous toutes formes.
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Article paru dans l’ouvrage annuel, Artistes Occitanie, les 30 artistes de l’année (2024)
Les humains, drôles et imparfaits
6col est un collagiste classique: scalpel, ciseaux et colle. C’est en restant au plus près d’une technique artisanale que l’artiste rend compte d’un univers fragile et irrationnel. Vu l’état de la planète, son art colle au plus juste de ce que l’homme peut encore imaginer faire sur terre.
6 col a longtemps exercé comme graphiste indépendant. Un métier dans lequel on n’hésite pas à retoucher les images, revoir les couleurs, la lumière, les échelles entre les éléments, enlever les plis, etc. Tout est possible, même si les images du départ ne conviennent pas tout à fait.
Mais bien avant, il avait déjà commencé à faire des collages, dès son adolescence. “C’était avant l’apparition de l’informatique. Je réalisais beaucoup de créations personnelles ou pour des amis, mais aussi des flyers, des affiches de concerts, des fanzines papier dans le milieu alternatif dans lequel j’évoluais. J’ai longtemps cru que cette évolution technologique prendrait le dessus et finalement non. Je suis revenu au collage à l’ancienne. Je préfère le scalpel à Photoshop. J’ai fait ma première exposition à 25 ans à Nice, où j’habitais alors”.
Aujourd’hui, il puise donc dans une matière première très fournie (des revues, des magazines et de plus en plus, des livres).
Cette fois-ci, c’est l’image ou ce que lui donne la matière (des couleurs, des lettres, des effets de matières) qui doit guider sa réalisation. Retour à un côté artisanal du travail de collagiste,sans aucune retouche informatique bien entendu.
“Les images me guident, mais j’aime partir d’un personnage, d’une attitude, d’un mouvement. Je commence à recréer le personnage et ensuite, je lui invente une histoire. Et à partir de là, je pars à la recherche d’images précises”, explique l’artiste, qui indique tout de suite que le travail à partir d’un matériau pauvre et accessible à tous est un élément essentiel pour lui: “J’aime l’expression art populaire: j’aime que cela soit accessible. Accessible à réaliser, puisque pour le collage, il suffit de récupérer des magazines, d’avoir de la colle et des ciseaux; et accessible à sa lecture”.
Voilà donc comment naissent des oeuvres qui comprennent la plupart du temps des personnages sortis de leur contexte et plongés dans un autre univers, plus ou moins onirique ou d’absurde: de manière générale, son univers est empreint de science-fiction, mais une science-fiction qui doit beaucoup à ses précurseurs, Jules Verne ou Méliès. 6col relie parfois des personnages gravés du XIXè à des vaisseaux qui font partie des films de série B des années cinquante. Quand ce n’est pas un personnage à la Cadet Roussel qui rêve de s’envoler vers un vaisseau spatial, non parce que l’espace le fascine, mais parce que la terre où il habite part en lambeau, comme en a décidé le collagiste avec ses ciseaux.
Et comme souvent avec 6col, un personnage contemporain est présent, et regarde la scène. Le spectateur est ainsi intégré à l’image recomposée, établissant d’emblée une distance avec la scène principale.
Ses œuvres narratives sont souvent constituées de très nombreux éléments collés un par un pour aboutir à la scène finale, mais l’artiste est aussi capable de réaliser une œuvre avec deux ou trois bouts de papier, portant des motifs qui peuvent être figuratifs comme abstraits. Le balayeur balaie des ronds de poussières, pendant que de sa tête s’échappent d’autres ronds, des ronds de rêverie colorée, cette fois-ci.
6 col, graphiste au départ, revient donc à des choses simples, accessibles à tous: scalpel, ciseaux, colle, et juxtapose les éléments à la fois sur des critères d’équilibre visuel, de sens et de non sens.
Parfois, le sens vient de la confrontation entre deux images comme cela pouvait être le cas chez les surréalistes: cet enfant qui joue avec une boîte d’allumettes pendant qu’un gigantesque incendie consume les lieux derrière lui; cette femme, figée, qui regarde des toiles dans un musée pendant que les personnages des toiles, eux, essaient de sortir du cadre. Quel est le plus vivant des deux?
Mais surtout, il intègre désormais des éléments autres que le papier lui permettant de rester dans le collage tout en passant à des œuvres en trois dimensions: des plateaux rouillés, de livres entiers qu’il transforme en boîte pouvant accueillir des scènes, etc.
Parfois le projet quitte l’univers du collage, comme cette immense maquette de la Silicolle vallée, cette ville futuriste que l’artiste s’est plu à représenter à partir de “bidons rouillés récupérés dans les vallées aveyronnaises ». “Cela reste une ville futuriste, mais elle n’est pas jolie jolie…”
L’univers est le même, les techniques divergent, mais tous les moyens utilisés aujourd’hui par l’artiste restent simples et artisanaux. L’informatique pouvait proposer un monde rêvé parfait, mais l’évolution actuelle de la planète montre que l’avenir sera fait de ce qu’on a laissé. et pour rendre compte de cette dure réalité, autant partir des éléments qu’on a sous la main et les assembler, sans chercher à atteindre un monde idéalisé qui ne fait plus rêver personne.
Anne Devailly
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