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Montauban (82)

Odile Cariteau

Un jardin à la française où poussent des herbes folles

 

Odile Cariteau propose une peinture qui intrigue: le regard s’interroge sur la technique utilisée, sur la dimension de ce qui est représenté (macro ou micro?), sur l’ajout éventuel d’éléments concrets. Mais derrière ces interrogations, la toile renvoie à une nature qui se donne dans sa puissance et dans sa fragilité et qu’il est bien difficile de lire et décrypter.

 

Dès le premier coup d’oeil, les pièces d’Odile Cariteau trompent leur monde: de loin comme de près, on a  le sentiment de voir l’encre se répandre sur une surface préalablement travaillée en matières grasses et maigres. Comme certains papiers reliure qui ornent les pages de garde d’un livre ancien.  L’artiste s’en amuse: “Même les Japonais pensaient que c’était de l’encre!

La technique n’est donc pas celle-là: “Il s’agit tout simplement d’acrylique, que j’utilise de manière très classique. Je fais mes fonds en enduisant ma toile de blanc, puis généralement je rajoute un fond bleuté plus soutenu. Et après, je peins. Sans aucun truc: pas de retardateur, pas d’huile, pas d’estampage. C’est de l’acrylique, de l’eau et un pinceau”.

Même la spontanéité qui se dégage de ce travail est trompeuse: “Je ne fais pas de dessin préalable sur la toile, mais je fais beaucoup d’essais avant de me lancer. C’est important, car comme je mets peu de matière et que je couvre peu la toile, je ne peux m’autoriser aucun repentir. Finalement, c’est de l’acrylique, mais avec les mêmes contraintes que l’encre, des contraintes que je me suis imposées”.

Récemment, l’artiste a dû multiplier les essais, encore plus que d’habitude: “J’avais toujours travaillé avec le même noir mais le fabricant a décidé de ne plus le produire. J’ai mis un an à refaire des essais avec d’autres noirs, jusqu’à trouver celui qui me convienne. Je ne connais pas la chimie de la peinture, je dois donc chercher, tester. Ce qui est sûr, c’est que le résultat final de la dilution de la peinture dans l’eau ne relève pas du hasard“.

Voilà comment naissent ses oeuvres, où domine le cheminement de l’encre, entre de grandes artères et de petits fourmillements de masses minuscules. Comme devant certaines images, dont on ne sait si elles sont prises au microscope ou par satellite, on hésite sur la dimension de ce que l’on voit. D’autant plus qu’Odile Cariteau alterne entre des petits formats (20 x 20) et des oeuvres qui peuvent faire 3 mètres sur 2. Finalement, peu importe, le sentiment est d’avoir sous les yeux un entrelacs naturel, une vision que l’homme peut avoir de la nature, à quelque échelle que ce soit.  Une nature où existe un certain ordre, où les choses se croisent parfois paisiblement, mais où il reste une part évidente de hasard et d’inexpliqué. Comme un jardin à la française où on laisserait pousser les herbes folles.

La progression dans la connaissance de notre propre nature passe par la progression dans notre vécu et notre ressenti de la Nature, et dans la conscience de notre complète disparition et fusion en Elle”, explique l’artiste dans un des textes qu’elle rédige toujours en accompagnement de ses expositions.

Arrive la couleur

Après avoir parcouru des yeux ces tracés noirs, arrive alors la couleur. Comme un habillage discret, un révélateur, mais certainement pas le point central de l’oeuvre. Parfois, sa présence est liée à quelque chose de très précis, comme ces taches rouges qui se fondent dans les cheminements du noir: “C’était après mon passage au Japon. J’avais été invitée à travailler avec une troupe de Buyo, une forme très spécifique de théâtre japonais. Les danseurs avaient construit leur studio de danse autour d’un chêne millénaire vénéré dans le culte du Shinto. A l’extérieur, entourant le studio se trouvaient des cerisiers qui fleurissent au printemps. Je n’ai jamais vu ces sakuras en fleurs, mais précisément, c’est cela qui a déclenché l’ajout des couleurs! Les danseurs m’en parlaient tout le temps, cela était pour eux très important. Alors j’ai intégré ces fleurs de cerisier ainsi que celles du prunier rouge”.

Et voilà comment l’artiste entremêle dans cette peinture des arabesques et des taches de couleur liées à un souvenir …  verbal plus que visuel.

Odile Cariteau fusionne donc différentes strates de réel. Elle qui a vécu jusqu’à  l’âge de vingt ans dans les pays sahéliens, estime que cette expérience du désert apporte bien sûr un regard particulier, où se mêle sans doute intrinsèquement vide et plein, présence et absence, couleur et absence de couleur.

Avec son pinceau, Odile Cariteau travaille par séries, et accompagne parfois les peintures de céramiques, voire d’installations. Dans toutes ses séries, portées par des thèmes qui tournent de toute façon toujours autour du lien que l’homme entretient avec la nature, l’artiste laisse une part à l’aléatoire et y intègre quelques souvenirs ou impressions.

Parfois, la quête va plus loin: “Dans ma dernière exposition à Montauban, j’ai voulu traiter le sixième sens, et pour cela, j’ai utilisé des peintures phosphorescentes qui emmagasinent la lumière le jour pour la restituer la nuit. Je tenais à montrer qu’on peut trouver des biais pour changer le regard, tout en gardant entière l’interrogation autour de ce sixième sens: s’agit-il d’une intuition, d’une capacité donnée à certains de voir l’invisible ? En tout cas quelque chose que la science ne sait pas encore expliquer. Pour le cerner, il faut se mettre dans un autre état que celui de la veille commune. Pour cela, j’ai utilisé la vision diurne et la vision nocturne. La première est peuplée d’animaux réels qui voient le monde différemment de nous, avec une capacité de vision de loin supérieure à la nôtre, la seconde revêt une apparence fantastique propice à développer l’imaginaire, la liberté de pensée, la créativité”.

Il en résulte une oeuvre à double lecture.
Comme un  ultime mirage rapporté du désert.

Visiter le site web d’Odile Cariteau

Le blog d’Odile Cariteau

Le blog d’Odile Cariteau sur le Japon

La calligraphie en herbe

En Chine et au Japon existe la notion de calligraphie « herbe », parfois appelée “écriture folle”,  ou “écriture herbe folle” et qui peut désigner à la fois une écriture agitée comme l’herbe, ou des écrits rapides. En Asie, la lecture et l’écriture de ce style sont réservées aux calligraphes et aux spécialistes érudits.
Une notion qui existe dans la peinture d’Odile Cariteau mais aussi dans son écriture manuscrite qui devient parfois illisible ou très difficile à déchiffrer.

Carnet et écriture manuscrite d’Odile Cariteau

 

Petits éléments bio     


Odile Cariteau vit et travaille en Tarn-et-Garonne
Née dans le désert de l’Adrar en Mauritanie, Odile Cariteau a passé son enfance et son adolescence en Afrique de l’Ouest. Cette terre aride et inhospitalière a conforté très tôt une inclination naturelle au silence, à la contemplation et à la méditation ainsi qu’un amour et un fort respect pour la Nature et pour l’Homme. 

Adulte et revenue définitivement en France, ses différents questionnements intellectuels, de la culture hébraïque à l’école Chan, marqueront de leur empreinte ses aspirations artistiques comme autant d’étapes initiatiques qui nourrissent une création prenant forme dans des séries de tableaux, d’installations, d’assemblages de céramique et éléments naturels. 



Evénements actuels :                                                               

 « L’invitation de la Dame ». Médiathèque Mémo. Montauban. Octobre 2019 au 28 mars 2020 

 « Combats primordiaux ». Maison de la céramique. Giroussens. Du 8 février au 14 avril 2020

 « Le jardin du peintre ». Galerie Blandine Roques. Montauban du 4 mars au 11 avril 2020



 

 

 

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